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18/01/2012 | FRANCE | N°10-11978

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2012, 10-11978


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1315 du code civil ;

Attendu que la bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n'ont pas à rechercher si la décision de l'employeur de faire jouer une clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail est conforme à l'intérêt de l'entreprise ; qu'il incombe au salarié de démontrer que cette décision a en réalité été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt, ou bien qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de l

a bonne foi contractuelle ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., après avoir exe...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1315 du code civil ;

Attendu que la bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n'ont pas à rechercher si la décision de l'employeur de faire jouer une clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail est conforme à l'intérêt de l'entreprise ; qu'il incombe au salarié de démontrer que cette décision a en réalité été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt, ou bien qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., après avoir exercé à compter du 30 mai 1997 diverses fonctions au sein de la société Vêtir et après avoir bénéficié, avec son épouse, Mme Y..., d'une formation de responsable de magasin Gémo " double activité vêtements et chaussures ", a été affecté à compter du 1er avril 2002 au magasin Gémo d'Anthy-sur-Leman, puis à compter du 1er août 2003 au magasin de Béziers, en qualité de gérant-directeur tandis que son épouse y exerçait les fonctions d'ajointe de direction ; que le contrat de travail signé le 30 juillet 2003, par M. X..., prévoyait que " le gérant-directeur pourra être muté de la succursale à laquelle il est affectée, dans toute autre succursale exploitée sous l'enseigne Gémo, ou toute autre qui serait créée ou rachetée par l'entreprise. " ; que par courrier du 20 novembre 2007, Mme Y... a démissionné ; que M. X... a été affecté en qualité de directeur de magasin " mono produit " à Thoiry, en application de la clause de mobilité insérée dans son contrat de travail, son employeur faisant valoir qu'il ne pouvait gérer seul le magasin de Béziers dont l'importance nécessitait qu'un couple soit placé à sa tête ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes ;

Attendu que pour considérer que le refus par le salarié de sa mutation n'était pas fautif et condamner la société Vêtir à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce qu'elle ne produit aucun élément sur les difficultés importantes que M. X... aurait rencontré pour assurer, seul, la direction du magasin de Béziers, fin 2005, milieu 2006 ; que le fait que le salarié ne soit plus en couple ne justifie pas la décision de le muter à Thoiry, en l'absence de clause contractuelle stipulant que le poste de direction qui lui était confié à Béziers ne peut être tenu que si son conjoint assume de manière effective la fonction d'adjointe ; que rien ne démontre, en l'état des pièces produites que la gestion de certains magasins Gémo est habituellement confiée à un couple ; que l'employeur ne prétend pas qu'il lui était impossible d'embaucher un adjoint pour pourvoir au remplacement de la salariée démissionnaire, alors qu'il admet par ailleurs que le contrat de travail conclu avec l'appelant ne contient pas de clause d'indivisibilité, et qu'il entend justifier sa décision de mutation au motif que le salarié ne peut assumer seul la direction du magasin de Béziers ;

Qu'en statuant, ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser sur l'employeur la charge de démontrer que sa décision d'appliquer la clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail était conforme à l'intérêt de l'entreprise, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Vêtir ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Vêtir

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était dénué de cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société VETIR à lui verser 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Selon les dispositions des articles L 1132-1 et L 1132-4 du code du travail, aucune personne ne peut être licenciée en raison de sa situation de famille et toute disposition ou acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces règles est nul.
En l'espèce, il ne résulte pas de la lettre de licenciement que la décision de l'employeur de licencier Monsieur X... a été prise en raison de sa situation de famille, mais pour refus de mutation. Par suite, la demande de l'appelant fondée sur la nullité de son licenciement ne peut prospérer.
En application des dispositions combinées des articles L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail, les griefs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, doivent être établis et suffisamment sérieux pour justifier la mesure de licenciement prononcée par l'employeur.
En l'occurrence, l'employeur fait grief au salarié d'avoir refusé sa mutation à THOIRY, mutation que l'employeur entend justifier essentiellement par le fait que le salarié a évolué en couple avec son épouse depuis 2001 au sein de l'entreprise et jusqu'à sa mutation à GEMO Béziers en 2003, que suite à des absences de Madame X... en fin d'année 2005 et milieu d'année 2006, le salarié a rencontré d'importantes difficultés à assumer seul la direction du magasin de Béziers, et que Madame X... ayant démissionné le 20 novembre 2007, le poste occupé par le salarié est trop important pour ses compétences dès lors qu'il n'est plus en couple pour en assumer la direction.
Cependant, même s'il est admis que le contrat de travail de l'appelant ne contient pas de clause d'indivisibilité et qu'il n'est pas fait état d'une telle clause dans la lettre de licenciement, l'employeur ne produit aucun élément sur les difficultés importantes que le salarié aurait rencontré à assurer la direction du magasin de Béziers, fin 2005, milieu 2006. Le fait que le salarié ne soit plus en couple ne justifie pas la décision de l'employeur de le muter à THOIRY, en l'absence de clause contractuelle stipulant que le poste de direction qui lui était confié à Béziers ne peut être tenu que si son conjoint assume de manière effective la fonction d'adjointe.
Rien ne démontre, en l'état des pièces produites par la société intimée que la gestion de certains magasins GEMO est habituellement confiée à un couple.
L'employeur ne prétend pas qu'il lui était impossible d'embaucher un adjoint pour pourvoir au remplacement de la salariée démissionnaire, alors qu'il admet par ailleurs que le contrat de travail conclu avec l'appelant ne contient pas de clause d'indivisibilité, et qu'il entend justifier sa décision de mutation au motif que le salarié ne peut assumer seul la direction du magasin de Béziers.
Par suite, le refus par le salarié de sa mutation ne peut être considéré comme fautif et rend par voie de conséquence, le licenciement fondé sur ce refus sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera donc infirmé.
Sur les conséquences à en tirer :
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (3170 € brut mensuellement + 1716 € sur pourcentage du chiffre d'affaires (0, 65 % de 2. 200 000 € annuels) = 4886 €, de son âge au moment du licenciement (36 ans) de son ancienneté dans l'entreprise occupant plus de 11 salariés, remontant au 30 mai 1997 (10 ans et 8 mois) la Cour possède les éléments suffisants pour fixer le préjudice à la somme de 60. 000C en application de l'article L. 1235-3 du Code du Travail »

1. ALORS QUE la bonne foi contractuelle étant présumée, il appartient au salarié de rapporter la preuve que la décision de l'employeur de faire jouer une clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise, ou qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; qu'il était constant en l'espèce que le contrat de travail de Monsieur X... comportait une clause de mobilité géographique autorisant l'employeur à le muter dans un autre magasin ; qu'en mettant en l'espèce à la charge de la société VETIR le soin de démontrer que Monsieur X... rencontrait des difficultés à gérer seul le magasin de BEZIERS depuis que son épouse qui le gérait avec lui, avait démissionné, et que cette dernière n'avait pu être remplacée par un autre salarié, pour en déduire qu'à défaut de démontrer que la mutation de Monsieur X... sur un magasin de moindre importance était nécessaire, le licenciement du salarié fondé sur le refus de celle-ci était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ;

2. ALORS QU'en outre, les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour établir que la mutation du salarié était nécessaire en raison de l'impossibilité pour Monsieur X... de gérer seul le magasin de Béziers, la société VETIR justifiait par les courriers et lettres d'embauche qu'elle versait aux débats, que Monsieur X... avait été remplacé au magasin de BEZIERS par un couple de gérants, Monsieur Z... et sa compagne Madame A... ; qu'en affirmant qu'il n'était pas démontré que la gestion de certains magasins GEMO est habituellement confiée à un couple, et par conséquent qu'il était nécessaire, en l'absence de son épouse, de muter Monsieur X... sur un magasin de moindre importance, sans examiner ni même viser ces pièces, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

3. ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE ne donne pas à sa décision une véritable motivation le juge qui procède par voie de simple affirmation sans donner à ses constatations de fait une précision suffisante ; que pour allouer à Monsieur X... 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a cru pouvoir affirmer que « la rémunération versée au salarié est de : 3170 € brut mensuellement + 1716 € sur pourcentage du chiffre d'affaires (0, 65 % de 2. 200 000 € annuels) = 4886 € » ; qu'en statuant ainsi sans préciser de quelle pièce elle tirait un tel montant, lorsqu'il résultait du contrat de travail du salarié que sa rémunération fixe était de 1525 euros et que sa rémunération mensuelle brute variable correspondait à 0, 90 % de 1/ 12 ème du CA annuel du magasin, de sorte que sur la base d'un CA annuel de 2 200 000 euros, sa rémunération globale était égale à 1525 + 1650 = 3175 euros, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-11978
Date de la décision : 18/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 09 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jan. 2012, pourvoi n°10-11978


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.11978
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