La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2012 | FRANCE | N°10-18892

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2012, 10-18892


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 19 novembre 2001 par la société Eri Bancaire Paris (la société) en qualité de chef de projet et licencié le 24 janvier 2006 pour faute grave ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt énonce, après avoir relevé qu'il résulte des attestations produites par l'employeur que le salarié a ado

pté une attitude provocatrice, désinvolte et agressive sur son lieu de travail et que des ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 19 novembre 2001 par la société Eri Bancaire Paris (la société) en qualité de chef de projet et licencié le 24 janvier 2006 pour faute grave ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt énonce, après avoir relevé qu'il résulte des attestations produites par l'employeur que le salarié a adopté une attitude provocatrice, désinvolte et agressive sur son lieu de travail et que des clients ont manifesté leur mécontentement à la suite des missions qui lui avaient confiées, que ce comportement professionnel rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi les agissements reprochés au salarié justifiaient une rupture immédiate du contrat de travail alors que celui-ci avait exercé ses fonctions pendant plus de quatre ans, sans faire l'objet de critique ou de sanction antérieures, que ses résultats avaient été jugés satisfaisants, et que les reproches de l'employeur portaient sur une courte période de trois semaines précédant le licenciement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Eri Bancaire Paris aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eri Bancaire Paris et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR jugé bien fondé le licenciement pour faute grave de M. X... et d'AVOIR, en conséquence, débouté M. X... de ses demandes de rappel de salaire, d'indemnités de préavis et de licenciement ainsi que de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

AUX MOTIFS QU'il est versé aux débats par l'intimée :- l'attestation de M. Z... (responsable comptable) indiquant que leur client BNP PARIBAS a refusé de payer le coût de l'intervention de M. X... courant janvier 2006 ;- l'attestation de M. A... (responsable administration) précisant que l'attitude de M. X... sur son lieu de travail posait des difficultés (nombreuses conservations téléphoniques à caractère personnel désorganisant le travail de l'équipe, attitude de provocation à l'égard de la Direction, agressivité vis-à-vis de ses collègues) ;- les attestations de Mme B... (chef de projet), ainsi que de MM. C... (collaborateur) et D... (Directeur Consulting Services), faisant part du mécontentement de clients à la suite de missions confiées à M. X... ; que si M. X... prétend que le motif réel de son licenciement en janvier 2006 est de nature économique, la Sarl Eri Bancaire Paris produit le compte de résultat sur l'année 2005 (arrêté au 31 décembre) mentionnant un bénéfice après impôts de 187 947 euros, en augmentation par rapport à l'année 2004 (un bénéfice net de 143 665 euros), démontrant ainsi son absence de difficultés économiques ; que le comportement professionnel de M. X... justifié par les attestations susvisées, s'analyse en une violation par celui-ci de ses obligations découlant de son contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise et rendait nécessaire son départ immédiat ; que son licenciement pour faute grave était donc justifié ;

1°) ALORS QUE le juge doit, lorsqu'il y est invité, rechercher la cause véritable du licenciement, derrière celle affichée par l'employeur dans la lettre de licenciement ; que M. X... faisait valoir que la véritable cause de son licenciement était la volonté de la société Eri Bancaire Paris de supprimer son poste ; qu'il exposait à ce titre qu'à la date de son licenciement, il était en situation d'inter-contrat depuis un an, que l'entreprise n'avait aucun nouveau contrat en perspective, qu'elle ne lui avait proposé en décembre 2005 qu'une mission de technicien ce qu'il n'était pas et ce qui avait amené le salarié à postuler le 12 janvier 2006 au poste de responsable du redéploiement ; qu'il soulignait que bénéficiant de la cinquième rémunération la plus élevée dans l'entreprise, l'employeur ne souhaitait d'autant pas maintenir son poste devenu superflu ; que le salarié n'avait d'ailleurs pas été remplacé à la suite de son licenciement ; qu'il en concluait que la société Eri Bancaire Paris ne pouvant le licencier pour motif économique dès lors qu'elle ne justifiait pas de difficultés économiques lui permettant de procéder à un tel licenciement, elle avait prétendu le 13 janvier 2006 que le salarié aurait commis une faute grave ; que pour considérer que le licenciement pour faute grave du salarié était fondé, la cour d'appel a relevé que le motif réel du licenciement ne pouvait être économique comme le prétendait M. X... puisque les résultats de l'entreprise démontraient l'absence de difficultés économiques ; qu'en statuant ainsi, quand M. X... faisait valoir que c'est justement parce que l'employeur ne pouvait valablement se prévaloir de difficultés économiques qu'il l'avait licencié pour faute grave, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le salarié faisait valoir que son licenciement prononcé pour une prétendue faute grave avait pour cause véritable la volonté de l'employeur de supprimer son poste, sans disposer cependant d'un motif économique réel et sérieux en l'absence de difficultés économiques rencontrées par l'entreprise ; qu'en affirmant que le motif réel du licenciement ne pouvait être économique dès lors que l'entreprise ne rencontrait pas de difficultés économiques, la cour d'appel a statué par un motif radicalement inopérant, impropre à caractériser en quoi la véritable cause du licenciement n'était pas économique, mais révélant seulement qu'une telle cause n'était pas suffisamment réelle et sérieuse pour justifier le licenciement ; qu'elle a, partant, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE M. X... faisait valoir que le 23 décembre 2005, la société Eri Bancaire Paris lui avait octroyé une prime exceptionnelle pour le remercier de son investissement personnel et du grand intérêt qu'il avait porté à la réalisation de leurs objectifs communs et que le même jour, elle lui avait également octroyé une augmentation de salaire en le remerciant encore de son engagement personnel et de l'investissement dont il avait fait preuve à l'égard de la société ; que M. X... soutenait que cela démontrait que la faute grave dont s'était prévalu l'employeur le 13 janvier 2006, soit moins de trois semaines plus tard, n'était pas réelle, d'autant plus qu'une partie des faits reprochés au salarié à l'appui du licenciement étaient antérieurs à la date du 23 décembre 2005 ; qu'en omettant de répondre à cet argument décisif de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE les juges ne peuvent juger bien fondé un licenciement pour faute grave que s'ils caractérisent une faute disciplinaire du salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est contenter de relever qu'il ressortait des attestations produites par l'employeur qu'un client aurait refusé de payer le coût de l'intervention de M. X... courant janvier 2006 et que d'autres clients auraient fait part de leur mécontentement à l'égard du salarié ; qu'en statuant ainsi, sans faire ressortir quelle était l'origine de ce mécontentement des clients, ni caractériser en quoi il aurait été imputable à une faute disciplinaire de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;

5°) ALORS QUE, subsidiairement, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que ne saurait constituer une faute grave, notamment, le comportement que l'employeur a précédemment toléré de la part du salarié sans le sanctionner ; qu'en l'espèce, il ressortait des termes de la lettre de licenciement que l'employeur prétendait sanctionner un comportement adopté par le salarié « depuis plusieurs semaines », ayant donné lieu à des plaintes de collaborateurs de « façon récurrente », et que l'employeur avait « longuement réfléchi sur les raisons » d'un tel comportement ; que pourtant, ainsi que le soulignait M. X..., l'employeur ne l'avais nullement rappelé à l'ordre sur son comportement auparavant, ni ne l'avait encore moins sanctionné par un avertissement ; qu'en retenant pourtant l'existence d'une faute grave, sans caractériser en quoi, compte tenu de ces circonstances, le salarié avait adopté un comportement rendant impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-18892
Date de la décision : 12/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 2012, pourvoi n°10-18892


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.18892
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award