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12/01/2012 | FRANCE | N°10-18516

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 janvier 2012, 10-18516


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 6 octobre 2009), que la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain (le Crédit agricole) qui, par acte du 27 janvier 1989, avait consenti à Mme X... un prêt de la somme principale de 118 071, 76 euros destiné à financer l'acquisition d'une exploitation agricole, a, en raison de la défaillance de l'emprunteuse, engagé une procédure de saisie immobilière c

ontre M. Y..., lequel s'était substitué, par acte en date du 9 mars 1991,...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 6 octobre 2009), que la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain (le Crédit agricole) qui, par acte du 27 janvier 1989, avait consenti à Mme X... un prêt de la somme principale de 118 071, 76 euros destiné à financer l'acquisition d'une exploitation agricole, a, en raison de la défaillance de l'emprunteuse, engagé une procédure de saisie immobilière contre M. Y..., lequel s'était substitué, par acte en date du 9 mars 1991, à M. Z... et à Mme A..., en qualité de caution solidaire du remboursement de ce prêt ; que faisant valoir que le Crédit agricole lui avait fait souscrire un cautionnement disproportionné et ne lui avait pas révélé la situation irrémédiablement compromise ou, à tout le moins, lourdement obérée de la débitrice principale, M. Y... a assigné le Crédit agricole en nullité du cautionnement et en paiement de dommages-intérêts ; que la cour d'appel a rejeté ces demandes ;
Attendu, d'abord, qu'après avoir analysé les biens et revenus de M. Y... au moment de la souscription de son engagement, la cour d'appel a retenu que n'était pas établie une disproportion entre le montant de celui-ci et les biens et facultés contributives de l'intéressé ; que cette appréciation, qui est souveraine, prive de fondement la première branche du moyen ; qu'ensuite, l'arrêt a écarté le dol par réticence imputé à la banque en retenant qu'il n'était pas démontré qu'au jour de la souscription de son engagement par la caution la situation de la débitrice principale était irrémédiablement compromise ou, à tout le moins lourdement obérée, dès lors, notamment, que les premières difficultés n'ont été rencontrées par celle-ci qu'en 1993, soit bien postérieurement à la souscription du cautionnement, et que la dégradation de sa situation financière est consécutive à l'incendie volontaire des bâtiments de l'exploitation en 1994 ; que le moyen, qui n'est pas fondé en sa deuxième branche, est inopérant en sa troisième pour s'attaquer à un motif surabondant ; qu'il ne saurait donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Delaporte et Trichet, avocat de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté la validité de l'engagement de caution de M. Henri Y... suivant acte authentique du 9 mars 1991 et débouté celui-ci de l'intégralité de ses demandes ;
Aux motifs que « sur le cautionnement, la cour ne peut que reprendre les motifs du jugement en ce que les dispositions de l'article L. 313-10 du Code de la consommation ne peuvent être utilement invoquées par Henri Y... alors qu'en application de l'article L. 312-3 dudit code, les prêts immobiliers consentis pour les besoins d'une activité professionnelle sont exclus de son champ d'application et que le prêt souscrit par Maria-José X... était destiné à financer l'achat d'une exploitation agricole ; que de même, l'article L. 341-4 du Code de la consommation issu de la loi du 1er août 2003 n'est pas applicable aux cautionnements souscrits antérieurement à son entrée en vigueur et ne peut donc régir celui conclu par Henri Y... le 9 mars 1991 ; que dans le cadre du devoir général de loyauté du créancier envers la caution, Henri Y... n'établit pas que son engagement ait été souscrit de façon disproportionnée ou inconsidérée ; qu'au moment de la conclusion de l'acte de cautionnement, il restait treize annuités à courir au titre du prêt garanti d'un montant initial de 118 071, 76 € pour une durée de quinze ans et la banque avait effectivement inscrit le 21 mars 1989 son privilège de prêteur de deniers et l'hypothèque conventionnelle prévue à l'acte authentique du 27 janvier 1989 ; que Henri Y... disposait d'un revenu mensuel net de 6 413 francs (soit environ 962 €) en décembre 1990 soit un cumul annuel de 11 544 € en qualité de chauffeur poids lourd salarié ; que son patrimoine immobilier était constitué de diverses parcelles de terre agricole d'une superficie de 12 ha 36 a, à Lodes et Saint-Ignan (31), en pleine propriété pour 9 ha 50 ou usufruit et une maison d'habitation avec dépendances et jardin attenants en nue propriété sous l'usufruit de son père, biens reçus dans le cadre d'un acte de donation en date du 30 mars 1990 et évalués à la somme de 380 000 francs (soit environ 57 900 €) en pleine propriété et ramenée à 324 000 francs (soit environ 49 300 €) en tenant compte de la réserve partielle d'usufruit ; que la cour ne constate donc pas de disproportion manifeste entre l'engagement de caution souscrit et les revenus et patrimoine de la caution en 1991 ; que s'agissant du dol allégué par Henri Y..., la cour constate qu'aucun élément ne permet d'affirmer que la banque disposait d'information sur la situation lourdement obérée de l'emprunteur et qu'elle n'en aurait pas informé délibérément la caution ; qu'en effet, selon les pièces produites par Henri Y..., les revenus agricoles de l'exploitation agricole déclarés pour l'année 1991 étaient de 40 837 francs (soit environ 6 186 €) suivant avis d'imposition sur le revenu 1991 ; qu'en revanche, il ne produit pas l'avis d'imposition pour l'année 1990 qui permettrait de connaître les revenus déclarés pour l'année d'exploitation précédant l'engagement de caution d'Henri Y... en mars 1991 ; que la cour ne peut s'appuyer sur les seuls bilans manuscrits et fortement raturés des exercices 1989 et suivants produits par Henri Y... pour justifier des revenus d'exploitation des exercices antérieurs à mars 1991 seuls utiles pour la solution du litige ; que par ailleurs, s'il est évoqué des échéances de retard au 31 décembre 1990 sur le relevé de compte prêt de Maria-José X..., la cour constate que les relevés de compte bancaire de l'emprunteur ouvert auprès de la CRCAM versés par la caution mentionnent toujours des soldes créditeurs pour 1991 antérieurement à l'engagement de caution ; qu'il n'est donc pas sérieusement contesté que les annuités du prêt pour les années 1989 et 1990 avaient été réglées avant l'engagement de caution litigieux et que les quelques retards enregistrés avaient été régularisés ; que selon la CRCAM, la première échéance impayée date de décembre 1993 soit bien postérieurement à l'engagement de caution et la situation de Maria-José X... s'est dégradée après l'incendie d'origine volontaire des bâtiments d'exploitation en 1994 ; que Henri Y... ne démontre pas que la banque aurait disposé sur l'emprunteur d'informations de nature à caractériser une situation financière fortement obérée de l'emprunteur principal que lui-même aurait ignorées avant son engagement de caution ; que par ailleurs, dès 1990, Henri Y... mentionnait, dans l'acte sous seing privé du 14 septembre 1990 contenant promesse de substitution de caution, comme domicile Sauveterre-de-Comminges qui est celui de la débitrice principale et il se domiciliait toujours à cette adresse lors de l'acte notarié de cautionnement du 9 mars 1991 ; qu'il vivait donc bien en concubinage avec elle dès 1990 même si selon une notice de la caisse nationale des travaux publics, son domicile déclaré auprès de cet organisme se situait à Saint-Agnant (17), jusqu'à fin décembre 1990 et que son employeur était alors situé en Gironde ; qu'il avait donc les moyens de s'informer auprès de la débitrice principale sur sa situation financière ; qu'en tout les cas et qu'elle que soit la proximité des liens affectifs existant entre lui et Maria-José X..., il ne rapporte pas la preuve que la banque aurait failli à son obligation d'information de la caution avant son engagement ; qu'aucun dol n'est donc caractérisé à l'encontre de la CRCAM ; que la demande de nullité de l'acte de cautionnement d'Henri Y... du 9 mars 1991 doit être rejetée ; que sur les demandes annexes, Henri Y... qui succombe sera débouté de sa demande de dommages-intérêts et supportera la charge des dépens ; qu'il ne peut de ce fait bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile » (arrêt, pages 3 à 6) ;
Alors, en premier lieu, que le banquier commet une faute de nature à engager sa responsabilité, s'il fait souscrire à une caution profane un engagement qui est manifestement disproportionné par rapport à son patrimoine ou à ses revenus ; que la cour d'appel a constaté qu'au moment de la souscription du cautionnement restaient à courir treize annuités sur quinze du prêt garanti d'un montant initial de 118 071, 76 € et que M. Y... disposait d'un revenu annuel net de 11 544 € et d'un patrimoine immobilier évalué à 49 300 €, ce dont il résultait que l'engagement souscrit était manifestement disproportionné par rapport au patrimoine et aux revenus de la caution, de sorte qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1134 et 1147 du code civil ;
Alors, en deuxième lieu, que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information ou de conseil doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; que pour débouter M. Y... de sa demande d'indemnisation, l'arrêt retient que l'intéressé ne rapporte pas la preuve que la banque aurait failli à son obligation d'information de la caution avant son engagement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
Alors, en troisième lieu, que manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence la banque qui, sachant que la situation de son débiteur est irrémédiablement compromise ou à tout le moins lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution, l'incitant ainsi à s'engager ; que pour débouter M. Y... de ses demandes en annulation et en indemnisation, l'arrêt retient que l'intéressé, vivant en concubinage avec la débitrice principale, avait les moyens de s'informer auprès d'elle sur sa situation financière ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à établir que la caution, qui était chauffeur poids-lourds, connaissait la situation financière réelle de la débitrice principale, qui était agricultrice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116, 1134 et 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-18516
Date de la décision : 12/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 06 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 jan. 2012, pourvoi n°10-18516


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.18516
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