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12/01/2012 | FRANCE | N°10-15979

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2012, 10-15979


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 février 2010), que M. X..., engagé le 1er décembre 1987 en qualité de responsable qualité par la société KPI (la société) et exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable de production, a été licencié pour faute grave le 19 juin 2007 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de constater la prescription du grief relatif au non respect des règles de sécurité et de dire que le licenciement du salarié est dépourvu d

e cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que la datation, dans la let...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 février 2010), que M. X..., engagé le 1er décembre 1987 en qualité de responsable qualité par la société KPI (la société) et exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable de production, a été licencié pour faute grave le 19 juin 2007 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de constater la prescription du grief relatif au non respect des règles de sécurité et de dire que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que la datation, dans la lettre de licenciement, des faits invoqués n'est pas nécessaire ; qu'en relevant, concernant le grief relatif à la violation des règles de sécurité, que la lettre de licenciement évoquait des faits non précisément datés rendant ce grief imprécis, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2°/ qu'interdiction est faite au juge de dénaturer les écrits ; que la lettre de licenciement précisait concernant le grief relatif à la violation des règles de sécurité que « Vous avez communiqué des instructions contraires à la politique sécurité. Vous avez incité le personnel de l'atelier pré-dalles à ne pas porter les équipements de protections individuelles. Ceci, malgré les courriers et les rappels réguliers sur la politique sécurité du groupe explicitant les consignes et instructions connues de vous (courrier du 23 décembre 2005)» ; qu'en affirmant qu'il ressortait des termes mêmes de la lettre de licenciement qu'à supposer établi ce grief, celui-ci était connu d'elle et manifestement toléré depuis longtemps, lorsque la lettre de licenciement n'imputait nullement à M. X... une violation continue des consignes de sécurité depuis le 23 décembre 2005, mais lui rappelait simplement la connaissance qu'il avait depuis longue date de ces consignes de sécurité, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement en violation du principe précité ;
3°/ que le délai de deux mois imposé à peine de prescription par l'article L. 1332-4 du Code du travail pour l'engagement des poursuites disciplinaires ne court que du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte et complète de la nature et de l'ampleur des faits reprochés ; que la société KPI faisait valoir que si l'attention de M. X... avait déjà été attitrée au mois de décembre 2005 sur la nécessité de faire respecter les consignes de sécurité, elle n'avait réellement eu connaissance des manquements de M. X... aux consignes de sécurité relatives au port des équipements de protections individuelles, qu'au cours de la procédure disciplinaire diligentée à l'encontre de M. Y... au mois de juin 2007 à l'occasion de laquelle ce dernier avait déclaré avoir été autorisé par M. X... à ne pas porter les équipements de protections individuelles ; qu'en jugeant ce grief prescrit, sans rechercher comme elle y était invitée, si la société KPI n'avait pas eu connaissance du comportement du salarié au mois de juin 2007 à l'occasion de la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du moyen, la cour d'appel a constaté que le manquement aux règles de sécurité reproché au salarié était depuis longtemps connu de l'employeur avant l'engagement de la procédure de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
REJETTE pourvoi ;
Condamne la société KPI aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société KPI et la condamne à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société KPI
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la prescription du grief relatif au non respect des règles de sécurité et d'avoir en conséquence dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné la société KP1 à lui verser 10793, 94 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1079, 39 euros à titre de congés payés afférents, 35989, 54 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « Concernant le 4ème grief, relatif à la violation des règles de sécurité, la société KP1 évoque des faits constants sans que ceux-ci ne soient précisément datés de telle sorte que la Cour ne pourra que faire application de la jurisprudence constante en matière de licenciement pour motif personnel et, a fortiori, pour faute grave.
En effet, et dès lors que la société KP1 ne démontre pas qu'elle ait déjà, dans un passé proche ou ancien de la procédure de licenciement, sanctionné le salarié pour ce type d'agissement, elle ne saurait subitement invoquer ce grief alors même qu'il ressort des termes mêmes de la lettre de licenciement que ce dernier, à le supposer établi, était connu d'elle et manifestement toléré depuis longtemps. En ne rapportant pas la preuve qu'il s'agirait d'un acte isolé, précisément daté ou d'agissements répétés déjà sanctionnés, la société KP1 n'a pas respecté les règles applicables en matière de licenciement pour motif personnel, lequel exige des faits précis et non équivoques et, en cas de licenciement pour faute grave, la démonstration par employeur qu'il a agi dans les délais très stricts qui démontrent que l'employeur a agi dès qu'il a eu connaissance d'une faute commise par son salarié. En conséquence, la Cour jugera ce grief comme insusceptible d'être retenu à l'appui du licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de M. X... »
1. ALORS QUE la datation, dans la lettre de licenciement, des faits invoqués n'est pas nécessaire ; qu'en relevant, concernant le grief relatif à la violation des règles de sécurité, que la lettre de licenciement évoquait des faits non précisément datés rendant ce grief imprécis, la Cour d'appel a violé l'article L1232-6 du Code du travail ;
2. ALORS QU'interdiction est faite au juge de dénaturer les écrits ; que la lettre de licenciement précisait concernant le grief relatif à la violation des règles de sécurité que « Vous avez communiqué des instructions contraires à la politique sécurité. Vous avez incité le personnel de l'atelier pré-dalles à ne pas porter les équipements de protections individuelles. Ceci, malgré les courriers et les rappels réguliers sur la politique sécurité du groupe explicitant les consignes et instructions connues de vous (courrier du 23 décembre 2005) » ; qu'en affirmant qu'il ressortait des termes mêmes de la lettre de licenciement qu'à supposer établi ce grief, celuici était connu d'elle et manifestement toléré depuis longtemps, lorsque la lettre de licenciement n'imputait nullement à Monsieur X... une violation continue des consignes de sécurité depuis le 23 décembre 2005, mais lui rappelait simplement la connaissance qu'il avait depuis longue date de ces consignes de sécurité, la Cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement en violation du principe précité ;
3. ALORS QUE le délai de deux mois imposé à peine de prescription par l'article L. 1332-4 du Code du travail pour l'engagement des poursuites disciplinaires ne court que du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte et complète de la nature et de l'ampleur des faits reprochés ; que la société KP1 faisait valoir que si l'attention de Monsieur X... avait déjà été attitrée au mois de décembre 2005 sur la nécessité de faire respecter les consignes de sécurité, elle n'avait réellement eu connaissance des manquements de Monsieur X... aux consignes de sécurité relatives au port des équipements de protections individuelles, qu'au cours de la procédure disciplinaire diligentée à l'encontre de Monsieur Y... au mois de juin 2007 à l'occasion de laquelle ce dernier avait déclaré avoir été autorisé par Monsieur X... à ne pas porter les équipements de protections individuelles (conclusions d'appel de l'exposante p 16 et 27) ; qu'en jugeant ce grief prescrit, sans rechercher comme elle y était invitée, si la société KP1 n'avait pas eu connaissance du comportement du salarié au mois de juin 2007 à l'occasion de la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de Monsieur Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L1332-4 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné la société KP1 à lui verser 10793, 94 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1079, 39 euros à titre de congés payés afférents, 35989,54 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE «sur les 2ème et 3ème griefs : la falsification des horaires de travail réalisés par les salariés et les fausses déclarations réalisées par les salariés Nonobstant les observations de M. X... lequel entend réfuter les témoignages produits par la société KP1 au motif que ceux-ci ne seraient pas conformes à l'article 202 du code civil, il convient de rappeler qu'en matière prud'homale la preuve est libre et qu'il appartient à celui qui les conteste de rapporter la preuve de la fausseté des témoignages produits. En l'espèce, la société KP1 soutient que M. X... se serait livré volontairement à des falsifications des horaires de travail des salariés par omission d'heures supplémentaires effectuées ou par falsification des horaires de pointage.
Il convient de relever que, pour attester de ses dires, la société KP 1 produit les témoignages mais qu'il ne résulte de ces témoignages que de la réalité de quelques heures supplémentaires effectuées par des salariés de l'entreprise sans qu'il puisse être déduit de ces témoignages qu'à les supposer établies, ces heures aient fait l'objet, personnellement et par M. X..., d'une "falsification ". Tout au plus établissent-elles la réalité d'heures supplémentaires effectuées mais la société ne démontre pas que la pratique d'heures supplémentaires à proprement parler soit prohibée dans l'entreprise.
Bien au contraire, la société KP1 invoque elle-même un usage qui le prévoyait pour remplacer les salariés absents.
Seul le témoignage de Mme Z..., standardiste en charge de gérer le logiciel de pointage, atteste de ce que M. X... lui aurait demandé, le 13 avril 2007, de modifier le pointage de M. A....
S'il s'en déduit que ce grief est matériellement vérifiable et donc réel, il ne saurait pour autant pas être considéré comme suffisamment sérieux dès lors que ce grief s'articule autour de quelques heures supplémentaires effectuées par un seul salarié de l'entreprise entre les seuls mois de mars et avril 2007.
A ce titre, il convient en effet de rappeler que M. X... était employé depuis plus de 20 ans dans l'entrepris KP1 et qu'il produit de nombreuses preuves de la confiance qui lui avait été témoignée comme en atteste le déroulement de sa carrière.
Le salarié produit par ailleurs des témoignages de salariés qui attestent de ce que le rappel leur était systématiquement fait de ne pas dépasser un temps de travail de 10 heures maximum journalier avec badgeage à l'appui.
Par ailleurs, la société KP1 ne démontre pas que le système de badgeage des salariés figurait aux obligations contractuelles de M. X... lequel, confronté à des objectifs de productivité et performances en tous genres fixés par son employeur et auxquels il avait manifestement répondu comme en témoigne ses entretiens annuels et les courriers de satisfaction reçus, ne saurait se voir reprocher des griefs qui apparaissent, en conséquence, peu sérieux.
La Cour réformera donc le jugement entrepris dès lors que sur les seuls griefs retenus, seul le grief de falsification des horaires de travail de M. A... apparaît réel mais pas suffisamment sérieux pour justifier du licenciement entrepris, a fortiori pour faute lourde.
La Cour requalifiera en conséquence le licenciement pour faute g intervenu en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences pécuniaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Eu égard à la solution apportée au litige, à son âge et à son ancienneté dans l'entreprise au moment du licenciement, il convient de faire droit aux demandes du salarié et de lui allouer les sommes suivantes :
- 35.000,00 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse - 10.793,94 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis - 1.079,39 € au titre des congés payés afférents - 35.989,54 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement»
1/ ALORS QUE constitue une faute grave le fait, pour un cadre responsable d'une usine, en violation de la réglementation sociale et de la loi pénale, de demander à l'un de ses salariés chargé de la gestion du logiciel de pointage, de modifier le pointage d'un autre salarié afin de dissimuler les heures effectuées par ce dernier ; qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt que le 13 avril 2007, Monsieur X... avait demandé à Madame Z... en charge de gérer le logiciel de pointage, de modifier le pointage de Monsieur A... ; qu'en jugeant un tel comportement non suffisamment sérieux pour justifier le licenciement, eu égard à son caractère isolé, et à l'ancienneté du salarié, la Cour d'appel a violé les articles L 1234-1 et L 1234-9 du Code du travail ;
2/ ALORS QUE sa lettre de licenciement reprochait en outre au salarié d'avoir ordonné à ses ouvriers de ne pas pointer, ou de continuer à travailler après leur pointage en sortie ; que pour l'établir, la société KP1 versait aux débats quatre attestations de salariés déclarant avoir effectué aux mois de mars et d'avril 2007 des heures supplémentaires qui « n'ont pas été pointées sur ordre de Monsieur Jean X...» ; qu'en retenant, pour écarter ce grief, que ces témoignages n'établissaient tout au plus que la réalité d'heures supplémentaires effectuées, sans qu'il puisse en être déduit que ces heures avaient fait l'objet, personnellement et par M. X..., d'une falsification, la Cour d'appel qui s'est fondée sur un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1 et L 1234-9 du Code du travail ;
3/ ALORS QUE les limites du litige sont fixées par les prétentions respectives des parties ; que Monsieur X... n'avait jamais contesté être en charge, en sa qualité de responsable d'usine, de la gestion de la durée du travail des salariés placés sous son autorité ; qu'en relevant que la société KP1 ne démontrait pas que le système de badgeage des salariés figurait aux obligations contractuelles de M. X..., pour en déduire que le licenciement de ce dernier motivé par la violation de la réglementation sur la durée du travail, ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une cause suffisamment sérieuse, le salarié ayant par ailleurs répondu aux objectifs de productivité et de performances fixés par l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 16 février 2010


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 12 jan. 2012, pourvoi n°10-15979

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Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 12/01/2012
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10-15979
Numéro NOR : JURITEXT000025156371 ?
Numéro d'affaire : 10-15979
Numéro de décision : 51200162
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2012-01-12;10.15979 ?
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