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11/01/2012 | FRANCE | N°10-17828

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 janvier 2012, 10-17828


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1184 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er juin 1987 par la société France élévateurs en qualité de VRP ; que soutenant que son employeur avait modifié unilatéralement le secteur géographique qui lui était attribué, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses d

emandes l'arrêt retient que le salarié n'apporte pas la preuve de la prétendue modification...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1184 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er juin 1987 par la société France élévateurs en qualité de VRP ; que soutenant que son employeur avait modifié unilatéralement le secteur géographique qui lui était attribué, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes l'arrêt retient que le salarié n'apporte pas la preuve de la prétendue modification unilatérale, par la société France élévateurs de son secteur de prospection, alors surtout que celle-ci affirme, sans être utilement contredite, que la rémunération de M. X... n'a eu à aucun moment à souffrir de cette modification ; qu'une prétendue modification d'un secteur de prospection au début de l'année 2006 ne saurait justifier, en l'absence de toute protestation du salarié concerné pendant près de deux ans et de toute preuve de la baisse de rémunération de ce salarié, une résiliation du contrat de travail ;

Attendu cependant, d'abord, que le secteur attribué à un VRP ne peut être modifié sans son accord, même si l'employeur estime qu'il n'en résulte aucun désavantage pour le salarié ;

Attendu, ensuite, que l'acceptation par le VRP de la modification du contrat de travail ne pouvait résulter de la seule poursuite de l'exécution du contrat de travail ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que le secteur du salarié s'étendait en février 1997 sur les départements 22, 44, 49, 56 et 72, et, d'autre part que l'employeur indiquait au VRP qu'il recevait l'exclusivité sur les départements 44, 49, 56, 72 et lui proposait, dans une lettre du 22 novembre 2007, de reprendre le département 22, ce dont il résultait que le secteur géographique avait été réduit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société France élévateurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société France élévateurs à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X....

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE force est de constater que Jean-Claude X... reconnaît lui-même que, compte tenu en particulier du développement de la société FRANCE ELEVATEURS, "il a été contraint au fil du temps, de confier (!) certaines régions qu'il prospectait à d'autres commerciaux", étant au besoin précisé qu'en l'état des documents produits aux débats, sa prétendue "demande de compensation" ne résulte de rien; que c'est ainsi, par exemple, qu'abstraction faite de diverses contradictions de Jean-Claude X... (telles que celles consistant à soutenir à la fois qu'il aurait fait des "concessions" à la société FRANCE ELEVATEURS tout en admettant par ailleurs que ces prétendues "concessions" étaient dues "au volume de travail que sept départements représentaient pour lui"), l'intéressé reconnaît là encore lui-même avoir consenti, au mois de février 1997, à la réduction de son secteur de 7 à 5 départements", à savoir plus précisément les départements "22, 44, 49, 56 et 72"; que c'est donc sur cette unique base que doit être appréciée la prétendue modification unilatérale du contrat de travail du salarié en 2006; qu'il n'est pas inutile de rappeler pour l'essentiel la teneur de la correspondance échangée par les parties à partir de cette année 2006, à savoir là encore plus précisément :
- un courrier adressé le 21 avril 2006 par la société FRANCE ELEVATEURS à Jean-Claude X..., courrier qui n'a pas reçu le moindre commencement de réponse de la part de celui-ci et aux termes duquel la première "confirmait (à Jean-Claude X...) son intention de modifier l'usage concernant la distribution des coupons issus de la publicité de France Élévateurs et donner des instructions pour que, dorénavant, vous receviez exclusivement (et en exclusivité) les coupons des départements 44, 49, 56, 72 (et ce en vue) de l'exploitation optimum et diligente de ce secteur de nature à faire augmenter vos ventes" et qui démontre à soi seul que, contrairement à ce que soutient actuellement Jean-Claude X... pour les besoins de la cause, c'est à dire faute de production aux débats de toute autre preuve contraire, La Loire-Atlantique n'avait nullement été exclue, même provisoirement, de son secteur d'activité ;
- un second courrier (recommandé) adressé par la société FRANCE ELEVATEURS à Jean-Claude X... le 30 juin 2006, courrier aux termes duquel la première écrivait littéralement au second :
"Monsieur,
Nous tenons par la présente à vous faire part de notre vive inquiétude quant à la médiocrité des ventes sur votre secteur. En effet, celles-ci connaissent depuis plusieurs mois un niveau difficilement supportable au regard de notre investissement en communication. Vous voudrez bien nous informer par retour écrit des actions commerciales en cours ainsi que de vos contacts auprès des prescripteurs, le taux de transformation des coupons que nous vous adressons (étant) au plus bas (ce qui constitue) un grave préjudice pour notre entreprise"
Il vous appartient de modifier d'urgence cette situation";
- un troisième courrier (toujours en recommandé et en réponse) en date du 28 juillet 2006 aux termes duquel Jean-Claude X..., tout en contestant les reproches qui lui étaient ainsi adressés par son employeur, ne faisait aucune allusion à une prétendue diminution de son dernier secteur contractuel de prospection, tel que défini supra ;
- un échange de correspondances en date des 7 mars, 6 avril et 22 octobre 2007 aux termes duquel, à un courrier de la société FRANCE ELEVATEURS offrant à Jean-Claude X... de nouvelles conditions de travail et précisant en particulier à l'intéressé que "son secteur géographique restera(it) le même" (soit nécessairement, à cette date, le secteur « 44, 49,56,72 » le salarié refusait la nouvelle proposition "de son employeur, aux seuls motifs, d'une part, que "sa zone d'activité serait réduite au département de la Sarthe, voire un département en plus (?)", et que "la part fixe de sa rémunération serait sensiblement augmentée et à définir (?)", de sorte que cette offre "modifierait de façon trop importante les éléments substantiels de (son) contrat de travail", sans, encore une fois, qu'il soit fait état à un moment quelconque dans l'une ou l'autre de ces correspondances d'une quelconque diminution, en 2006, du secteur de prospection de Jean-Claude X...;
- et enfin un dernier courrier, toujours recommandé, en date du 22 novembre 2007 et auquel Jean-Claude X... n'a pas cru là encore devoir répondre avant d'assigner la société FRANCE ELEVATEURS en résiliation judiciaire de son contrat de travail, courrier aux termes duquel le dirigeant de droit de la société FRANCE ELEVATEURS, après avoir rappelé par exemple à Jean-Claude X... qu'au cours d'un entretien du 19 septembre précédent, celui-ci "av(ait) fait état d'une profonde lassitude dans (sa) mission, d'une grande fatigue à parcourir des kilomètres chaque année, d'un territoire de ce fait trop important...et laissé entendre qu'il pourrait souhaiter quitter l'entreprise", lui rappelait également "qu'il avait évoqué avec lui la possibilité d'aménager son secteur de travail dans l'unique but de lui rendre service en garantissant sa rémunération de surcroît", avant de poser clairement à Jean-Claude X... la question suivante: "souhaitez vous maintenant reprendre le département 22 en complément", question à laquelle Jean-Claude X... n'a toujours pas répondu, alors qu'il se prévaut actuellement de la suppression de ce département de son secteur de prospection pour tenter de caractériser la modification unilatérale, par son ancien employeur, de son contrat de travail; qu'en d'autres termes, et en fonction de ces éléments, l'on doit admettre que Jean-Claude X... n'apporte pas la preuve de la prétendue modification unilatérale, par la société FRANCE ELEVATEURS, de son contrat de travail,"c'est à dire à nouveau de son secteur de prospection, alors surtout que celle-ci affirme, sans être utilement contredite, que la rémunération de Jean-Claude X... n'a à aucun moment eu à souffrir de cette éventuelle modification, puisque Jean-Claude X... ne produit aux débats que ses bulletins de salaire afférents à l'année 2007, ce qui interdit à soi seul à la cour de vérifier l'évolution de cette rémunération au titre des années 2005 à 2007; que si, au moins à compter de l'année 2006, chaque VRP de la société FRANCE ELEVATEURS bénéficiait en principe d'une exclusivité sur son secteur, il n'en reste pas moins que la société FRANCE ELEVATEURS démontre qu'en pratique, cette exclusivité souffrait d'exceptions, chacun de ces VRP pouvant occasionnellement prendre des commandes dans un secteur qui n'était en principe pas le sien; que la réalité de ces commandes "hors secteur" est d'ailleurs reconnue par Jean-Claude X... lui-même en pages 13 et 14 de ses écritures d'appel, les explications fournies sur ce point par l'intéressé (telles que la prétendue carence de son collègue Mora) ne reposant là encore sur rien, à savoir sur le moindre document objectif; que ces rares ventes hors secteur, qui ont d'ailleurs plus profité que nui à Jean-Claude X..., comme le démontre là encore la Société FRANCE ELEVATEURS, ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail de Jean-Claude X... aux torts de son ancien employeur ; qu'une prétendue modification d'un secteur de prospection au début de l'année 2006 ne saurait justifier, en l'absence, faut-il le rappeler, et de toute protestation du salarié concerné pendant près de deux ans et de toute preuve de la baisse de rémunération de ce salarié, une telle résiliation ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur X... n'a pas manifesté son désaccord sur les modifications de secteur ; qu'au contraire les modifications de secteur ont été faites plusieurs fois à sa demande ; que ces modifications n'ont pas entraîné une diminution de revenus de Monsieur X... ; que la société FRANCE ELEVATEURS proposait même une garantie de maintien de salaires dans le cadre de ces évolutions ;

ALORS D'UNE PART QUE le secteur de prospection est un élément constitutif du contrat de VRP dont la modification unilatérale est susceptible de justifier la résiliation judiciaire du dudit contrat ; que la Cour d'appel a constaté elle-même que le secteur de Monsieur X..., réduit de 7 à 5 départements en 1997, comprenait en 2006 les cinq départements « 22, 44, 49, 56, et 72 » ; qu'elle a relevé, ensuite, que, dans son courrier du 21 avril 2006, l'employeur avait fait part à son salarié de son intention de « modifier l'usage concernant la distributions des coupons » et de ne lui adresser, dorénavant, que les coupons des départements « 44, 49, 56 et 72» ;qu'enfin, la Cour d'appel a relevé que, dans son courrier du 22 novembre 2007, la société FRANCE ELEVATEURS avait proposé à Monsieur X... de reprendre le département 22 ; qu'il s'évinçait de ces différentes correspondances, dont le contenu était rappelé dans l'arrêt, que le département 22 avait été retiré du secteur de Monsieur X... entraînant une modification de son secteur de prospection ; que dès lors la Cour d'appel, en décidant que Monsieur X... ne rapportait pas la preuve de la prétendue modification unilatérale de son contrat de travail susceptible de justifier la résiliation judiciaire dudit contrat n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard de l'article 1184 du Code civil ainsi violé;

ALORS D'AUTRE PART QUE le secteur de prospection est un élément constitutif du contrat de VRP dont la modification est soumise à l'accord de l'intéressé, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du contrat de travail aux conditions modifiées et doit résulter d'éléments démontrant la volonté non équivoque du salarié d'accepter cette modification ; que jusqu'en 2006 le secteur de Monsieur X..., titulaire d'un contrat de VRP exclusif avec la société FRANCE ELEVATEURS comportait, ainsi que la Cour d'appel l'a expressément constaté, cinq départements (22, 44, 49, 56, et 72) ; que par courrier du 21 avril 2006, son employeur lui a annoncé son intention de « modifier l'usage concernant la distribution des coupons », précisant que, désormais, il ne recevrait des coupons que des départements 44, 49, 56, 72 ;
que par courrier en date du 28 juillet 2006, pour contester les reproches qui lui étaient adressés par son employeur quant à ses résultats dans un courrier du 30 juin précédent, Monsieur X... a invoqué le fait que son employeur lui avait retiré un département depuis trois mois ; que dès lors la Cour d'appel ne pouvait, sans violer le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause juger que dans le courrier du 28 juillet 2006 Monsieur X... ne faisait aucune allusion à une prétendue diminution de son dernier secteur contractuel de prospection tel qu'elle l'avait défini ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1134 du Code civil ;

ALORS ENFIN et subsidiairement QUE le secteur de prospection constitue un élément constitutif du contrat de VRP dont la modification est soumise à l'accord de l'intéressé ; qu'une telle acceptation ne peut être implicite et résulter de la seule poursuite par lui du contrat de travail, même pendant plusieurs années ; que dès lors en décidant, qu'en tout état de cause, une modification du secteur de prospection de Monsieur X... au début de l'année 2006 ne saurait justifier, en l'absence de toute protestation du salarié pendant près de deux ans et de toute preuve de la baisse de sa rémunération, une résiliation de son contrat de travail, et en déduisant l'acceptation du salarié de la seule prétendue absence de contestation la Cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-17828
Date de la décision : 11/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 23 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 jan. 2012, pourvoi n°10-17828


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.17828
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