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13/12/2011 | FRANCE | N°10-25606

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 décembre 2011, 10-25606


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 5 octobre 2010) et les pièces de la procédure, que, par ordonnance du 13 mai 2002, le président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé des enquêteurs de l'administration des douanes à procéder à des visites et saisies dans les locaux professionnels de la société Vestel France, sis 16 rue des Oliviers à Thiais ; qu'à la suite de ces opérations, qui se sont déroulées le 14 mai 2002, un avis de mise

en recouvrement a été délivré contre la société Vestel France, qui l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 5 octobre 2010) et les pièces de la procédure, que, par ordonnance du 13 mai 2002, le président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé des enquêteurs de l'administration des douanes à procéder à des visites et saisies dans les locaux professionnels de la société Vestel France, sis 16 rue des Oliviers à Thiais ; qu'à la suite de ces opérations, qui se sont déroulées le 14 mai 2002, un avis de mise en recouvrement a été délivré contre la société Vestel France, qui l'a contesté ; que la société, ainsi que son dirigeant, M. X..., ont été poursuivis pour importation sans déclaration de marchandises prohibées, les deux instances étant en toujours en cours ; que le 15 février 2010, M. X...et la société Vestel France ont formé un recours contre les opérations de visite et de saisies ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Vestel France et M. X...font grief à l'ordonnance d'avoir déclaré irrecevable leur recours alors, selon le moyen, que l'article 164, IV, 2° de la loi du 4 août 2008 est contraire à la Constitution au regard du principe d'égalité devant la loi posé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du droit à un recours juridictionnel effectif et au respect des droits de la défense en ce qu'il crée une différence de traitement injustifiée dès lors qu'il prive certaines personnes, qui sont actuellement l'objet de procédures reposant sur des opérations de visite et de saisie, de tout recours contre lesdites opérations ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité du texte précité qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;
Mais attendu que, par décision du n° 2011-150 QPC du 13 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le 2° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Vestel France et M. X...font le même grief à l'ordonnance, alors, selon le moyen, que l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme implique en matière de visite domiciliaire que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement ; que les dispositions transitoires de la loi du 4 août 2008 prévoient un droit d'appel contre l'ordonnance statuant sur une demande d'autorisation de visite ou contre le déroulement des opérations de visite mais uniquement pour les procédures de visite et de saisie réalisées durant les trois années précédant la date de publication de la loi, soit au plus tard le 5 août 2005, privant ainsi effectivement de tout contrôle juridictionnel effectif les personnes ayant fait l'objet de visites domiciliaires avant cette date, en violation des exigences européennes ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable, sur le fondement de ces dispositions, le recours formé par la société Vestel France et M. X...contre les opérations de visite et de saisie du 14 mai 2002, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu que l'ordonnance énonce, par un motif qui n'est pas critiqué, qu'il appartiendra aux juges du fond d'apprécier la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie exclues du régime transitoire, ce dont il résulte que la société Vestel France et M. X...ne sont pas privés d'un contrôle juridictionnel effectif ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Vestel France et M. X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à l'administration des douanes une somme de 2 500 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Vestel France et M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable le recours formé par la société Vestel France et M. X...contre les opérations de visite et de saisie réalisées le 14 mai 2002 ;
ALORS QUE l'article 164, IV, 2° de la loi du 4 août 2008 est contraire à la Constitution au regard du principe d'égalité devant la loi posé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du droit à un recours juridictionnel effectif et au respect des droits de la défense en ce qu'il crée une différence de traitement injustifiée dès lors qu'il prive certaines personnes, qui sont actuellement l'objet de procédures reposant sur des opérations de visite et de saisie, de tout recours contre lesdites opérations ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité du texte précité qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable le recours formé par la société Vestel France et M. X...contre les opérations de visite et de saisie réalisées le 14 mai 2002 ;
AUX MOTIFS QUE la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés n'impose pas l'existence d'un double degré de juridiction ; qu'au titre des mesures transitoires, l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie prévoit que pour les procédures de visite et de saisie réalisées durant les trois années qui précèdent la date de publication de la loi, un appel contre l'ordonnance statuant sur une demande d'autorisation de visite, ou contre le déroulement des opérations reste possible dans certaines conditions ; que le même texte précise que cet appel et ces recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie ; qu'il résulte de l'article 164 précité que le législateur a entendu limiter à trois ans à compter de la publication de la loi le caractère rétroactif du droit d'appel en matière de visite et de saisie ; qu'il revient alors au juge du fond d'apprécier la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie exclues du dispositif transitoire ; que compte tenu de ce que la publication de la loi en cause a eu lieu le 5 août 2008, les procédures bénéficiant de la rétroactivité sont celles qui se sont déroulées au plus tard le 5 août 2005 ; qu'il s'ensuit que le législateur n'a pas ouvert la voie de l'appel contre les opérations litigieuses datées de 2001/ 2002 qui sont bien antérieures à la date limite fixée par le texte ; qu'il a réservé au juge du fond de connaître de ces questions ; qu'il convient donc de déclarer la société Vestel France et M. ...
X...irrecevables, sans que soient méconnues les dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et en particulier son article 6 § 1 ;
ALORS QUE l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme implique en matière de visite domiciliaire que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement ; que les dispositions transitoires de la loi du 4 août 2008 prévoient un droit d'appel contre l'ordonnance statuant sur une demande d'autorisation de visite ou contre le déroulement des opérations de visite mais uniquement pour les procédures de visite et de saisie réalisées durant les trois années précédant la date de publication de la loi, soit au plus tard le 5 août 2005, privant ainsi effectivement de tout contrôle juridictionnel effectif les personnes ayant fait l'objet de visites domiciliaires avant cette date, en violation des exigences européennes ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable, sur le fondement de ces dispositions, le recours formé par la société Vestel France et M. X...contre les opérations de visite et de saisie du 14 mai 2002, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-25606
Date de la décision : 13/12/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 déc. 2011, pourvoi n°10-25606


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.25606
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