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30/11/2011 | FRANCE | N°10-26346

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 novembre 2011, 10-26346


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, que par une lettre reçue le 13 septembre 2010, le syndicat CFDT agroalimentaire de la Marne a notifié à la société Champagne de Castellane la désignation de M. X... en qualité de représentant de la section syndicale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... et le syndicat CFDT agroalimentaire de la Marne font grief au jugement d'annuler cette désignation, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié en contrat à durée déterminée peut être désigné en qualitÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, que par une lettre reçue le 13 septembre 2010, le syndicat CFDT agroalimentaire de la Marne a notifié à la société Champagne de Castellane la désignation de M. X... en qualité de représentant de la section syndicale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... et le syndicat CFDT agroalimentaire de la Marne font grief au jugement d'annuler cette désignation, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié en contrat à durée déterminée peut être désigné en qualité de délégué syndical, quelle que soit la précarité de son statut ; que l'existence d'un comportement frauduleux ne peut se déduire de la précarité d'un contrat de travail, même en présence de revendications non satisfaites du salarié, sauf à déclarer frauduleuses toutes les désignations de représentants du personnel travaillant en exécution d'un contrat à durée déterminée et présentant des revendications ; que pour considérer que la désignation était frauduleuse, le tribunal s'est fondé sur le seul fait que M. X... travaillait en exécution d'un contrat à durée déterminée et qu'il existait un conflit l'opposant à son employeur concernant la qualification de son contrat de travail, M. X... ayant sollicité la requalification de son contrat à durée déterminée en cours en contrat à durée indéterminée ; qu'en déduisant l'existence d'une fraude de la précarité du contrat de travail et de l'existence de revendications du salarié, le tribunal a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail et l'article 1315 du code civil ;
2°/ que c'est à la date de la désignation litigieuse qu'il convient de se placer pour déterminer si elle est frauduleuse, la menace devant être imminente ; que pour considérer que la désignation était frauduleuse, le tribunal s'est fondé sur le fait que M. X... travaillait en exécution d'un contrat à durée déterminée ; qu'en statuant comme il l'a fait sans rechercher ni a fortiori préciser à quelle date le contrat venait à échéance, le tribunal n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;
3°/ que pour considérer que la désignation de M. X... était frauduleuse, le tribunal a relevé "qu'il ressort du procès-verbal d'un constat d'huissier réalisé le 1er octobre 2010 au sein de la société Champagne de Castellane que M. X... a fait afficher sur le panneau destiné aux informations syndicales, à l'exclusion de tout autre élément de portée générale, l'intégralité des documents liés au litige qu'il a avec son employeur" ; qu'en statuant comme il l'a fait alors que le procès-verbal de constat ne mentionne ni l'auteur de l'affichage ni à la demande de qui il aurait été effectué, le tribunal a dénaturé ledit constat en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que la désignation d'un salarié en qualité de représentant de section syndicale ne peut être jugée frauduleuse que s'il est établi qu'elle est intervenue dans le but exclusif de faire bénéficier le salarié d'une protection personnelle ; que le tribunal s'est fondé sur l'existence de mesures protectrices résultant légalement de la désignation et de démarches tendant à défendre les droits du salarié ; qu'en statuant par des motifs inopérants sans qu'il résulte de ses constatations que la désignation était intervenue dans le but exclusif de faire bénéficier le salarié d'une protection personnelle, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;
Mais attendu que sous le couvert de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par le tribunal, des éléments de preuve, qu'il n'a pas dénaturés, relatifs à l'existence d'une fraude ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article R. 2143-5 du code du travail ;
Attendu que le tribunal a condamné M. X... et le syndicat CFDT agroalimentaire de la Marne aux dépens ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le juge saisi d'une contestation portant sur la désignation d'un représentant de section syndicale statue sans frais, le tribunal a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... et le syndicat CFDT agroalimentaire de la Marne aux dépens, le jugement rendu le 2 novembre 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance de Châlons-en-Champagne ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Champagne de Castellane à payer à M. X... et au syndicat CFDT agroalimentaire de la Marne, la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X... et le syndicat CFDT agroalimentaire Marne.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR prononcé l'annulation de la désignation de Monsieur Patrice X... en qualité de représentant de la section syndicale du syndicat général agroalimentaire CFDT de la MARNE au sein de la société CHAMPAGNE DE CASTELLANE et condamné Monsieur X... et le syndicat général agroalimentaire CFDT de la MARNE aux entiers frais et dépens de la présente instance ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L 2131-1 du code du travail, les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que les intérêts matériels et moraux tant collectifs qu'individuels, des personnes visées par leurs statuts ; il résulte de ces dispositions, et selon une jurisprudence constante en la matière, que la désignation d'un représentant syndical ne peut avoir pour but exprès ou tacite de protéger les intérêts individuels du salarié concerné, mais d'assurer la représentation des intérêts matériels et moraux de l'ensemble des salariés du l'entreprise, dans l'exercice de l'activité syndicale ; une désignation dans l'intérêt personnel exclusif du salarié concerné constitue une fraude, par violation des dispositions susvisées et est susceptible de faire l'objet d'une annulation en cas de contestation ; en l'espèce, il est constant qu'il existe une situation conflictuelle entre M, X... et son employeur, la société CHAMPAGNE DE CASTELLANE, sur la question de la qualification du contrat du défendeur, au regard d'un courrier que celui-ci a adressé à la demanderesse le 27 juillet 2010, dans lequel il sollicite la requalification de son CDD en cours en CDI ; il a d'ailleurs, à ce titre, saisi l'inspection du travail qui a adressé un courrier à la société CHAMPAGNE DE CASTELLANE à la date du 2 septembre 2010 dans lequel elle évoque des irrégularités affectant les contrats et les conditions d'embauche de Monsieur X... et invite l'employeur à procéder à la requalification du contrat en CDI et à verser des rappels de salaire ; la société CHAMPAGNE DE CASTELLANE a répondu par courrier en date du 16 septembre 2010 en indiquant notamment que la succession des CDD de M. X... se justifiait selon elle par des circonstances prévues par le code du travail ; il apparaît ainsi manifeste que le conflit opposant M. X... à son employeur n'était pas réglé et perdurait lorsque le syndicat général agroalimentaire CFDT de la MARNE a fait part à la société CHAMPAGNE DE CASTELLANE de la désignation du défendeur comme représentant de sa section syndicale ; dans ce contexte, il ne peut qu'être considéré que cette désignation avait pour but de protéger les intérêts individuels de M. X... en le faisant bénéficier du statut privilégié propre aux représentants syndicaux, dans la mesure où ce dernier se trouvait en litige avec son employeur sur la question essentielle des conditions de son embauche et de la qualification de son contrat de travail, alors même qu'il apparaît nécessaire que cette question soit tranchée avant la fin de son CDD et donc avant qu'il ne quitte éventuellement l'entreprise, la requalification judiciaire en CDI a posteriori n'entraînant pas, dans ce cas, la certitude, pour M. X..., de retrouver son poste ; la position de représentant syndical lui confère un avantage évident dans ce litige, qu'il n'a d'ailleurs pas manqué d'utiliser puisqu'il ressort du procès-verbal d'un constat d'huissier réalisé le 1er octobre 2010 au sein de la société CHAMPAGNE DE CASTELLANE que M. X... a fait afficher sur le panneau destiné aux informations syndicales, à l'exclusion de tout autre élément de portée générale, l'intégralité des documents liés au litige qu'il a avec son employeur, à savoir son courrier du 27 juillet 2010 adressé à la société CHAMPAGNE DE CASTELLANE, son courrier du même jour à l'inspection du travail, le courrier de l'inspection du travail du 2 septembre 2010 adressé à la société CHAMPAGNE DE CASTELLANE, sa désignation comme représentant de la section syndicale et la requête en contestation de la société CHAMPAGNE DE CASTELLANE adressée au greffe du tribunal le 28 septembre 2010 ; il résulte de ces considérations, et sans qu'il soit nécessaire d'apprécier la question de l'activité syndicale antérieure de M. X..., qu'il apparaît que sa désignation comme représentant de la section syndicale du syndicat agroalimentaire CFDT de la Marne revêt un caractère frauduleux en raison de la recherche de l'intérêt personnel du salarié et non de l‘intérêt collectif ; cette désignation est contraire aux dispositions de l'article L 2131-1 du Code du Travail sus visées et il convient d'en prononcer l'annulation ; …il convient par ailleurs de condamner le syndicat général agroalimentaire CFDT de la MARNE et M. X... au paiement des entiers frais et dépens de la présente instance conformément à l'article 696 du CPC ;
ALORS QUE le salarié en contrat à durée déterminée peut être désigné en qualité de délégué syndical, quelle que soit la précarité de son statut ; que l'existence d'un comportement frauduleux ne peut se déduire de la précarité d'un contrat de travail, même en présence de revendications non satisfaites du salarié, sauf à déclarer frauduleuses toutes les désignations de représentants du personnel travaillant en exécution d'un contrat à durée déterminée et présentant des revendications ; que pour considérer que la désignation était frauduleuse, le Tribunal s'est fondé sur le seul fait que Monsieur X... travaillait en exécution d'un contrat à durée déterminée et qu'il existait un conflit l'opposant à son employeur concernant la qualification de son contrat de travail, Monsieur X... ayant sollicité la requalification de son contrat à durée déterminée en cours en contrat à durée indéterminée ; qu'en déduisant l'existence d'une fraude de la précarité du contrat de travail et de l'existence de revendications du salarié, le Tribunal a violé l'article L 2142-1-1 du Code du Travail et l'article 1315 du Code Civil ;
ALORS en outre QUE c'est à la date de la désignation litigieuse qu'il convient de se placer pour déterminer si elle est frauduleuse, la menace devant être imminente ; que pour considérer que la désignation était frauduleuse, le Tribunal s'est fondé sur le fait que Monsieur X... travaillait en exécution d'un contrat à durée déterminée ; qu'en statuant comme il l'a fait sans rechercher ni a fortiori préciser à quelle date le contrat venait à échéance, le Tribunal n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L 2142-1-1 du Code du Travail ;
Et ALORS QUE pour considérer que la désignation de Monsieur X... était frauduleuse, le Tribunal a relevé « qu'il ressort du procès-verbal d'un constat d'huissier réalisé le 1er octobre 2010 au sein de la société CHAMPAGNE DE CASTELLANE que M. X... a fait afficher sur le panneau destiné aux informations syndicales, à l'exclusion de tout autre élément de portée générale, l'intégralité des documents liés au litige qu'il a avec son employeur » ; qu'en statuant comme il l'a fait alors que le procès-verbal de constat ne mentionne ni l'auteur de l'affichage ni à la demande de qui il aurait été effectué, le Tribunal a dénaturé ledit constat en violation de l'article 1134 du Code Civil ;
ALORS en tout état de cause QUE la désignation d'un salarié en qualité de représentant de section syndicale ne peut être jugée frauduleuse que s'il est établi qu'elle est intervenue dans le but exclusif de faire bénéficier le salarié d'une protection personnelle ; que le Tribunal s'est fondé sur l'existence de mesures protectrices résultant légalement de la désignation et de démarches tendant à défendre les droits du salarié ; qu'en statuant par des motifs inopérants sans qu'il résulte de ses constatations que la désignation était intervenue dans le but exclusif de faire bénéficier le salarié d'une protection personnelle, le Tribunal d'instance a violé l'article L 2142-1-1 du Code du Travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... et le syndicat général agroalimentaire CFDT de la MARNE aux entiers frais et dépens de l'instance ;
AUX MOTIFS QU'il convient par ailleurs de condamner le syndicat général agroalimentaire CFDT de la MARNE et M. X... au paiement des entiers frais et dépens de la présente instance conformément à l'article 696 du CPC ;
ALORS QUE le Tribunal d'instance, statuant sur la contestation de la désignation d'un représentant de section syndicale statue sans frais ; qu'en condamnant les exposants aux dépens, le Tribunal a violé l'article R 2143-5 du Code du Travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-26346
Date de la décision : 30/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Châlons-en-Champagne, 02 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 nov. 2011, pourvoi n°10-26346


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.26346
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