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30/11/2011 | FRANCE | N°10-21120

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 novembre 2011, 10-21120


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 4 mars 2009, n°08-41.408), que M. X... a été employé à compter du 29 octobre 1998 par le Centre René Gauducheau, en qualité de praticien assistant en pharmacie, en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée successifs dont le dernier expirait le 31 octobre 2002 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale, le 10 septembre 2002, aux fins d'obtenir la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée ; qu'il a été dÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 4 mars 2009, n°08-41.408), que M. X... a été employé à compter du 29 octobre 1998 par le Centre René Gauducheau, en qualité de praticien assistant en pharmacie, en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée successifs dont le dernier expirait le 31 octobre 2002 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale, le 10 septembre 2002, aux fins d'obtenir la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée ; qu'il a été désigné représentant syndical au comité d'entreprise par le syndicat FO le 30 octobre 2002 ; que son contrat a été définitivement requalifié en contrat à durée indéterminée selon l'arrêt rendu sur renvoi après cassation (Soc., 8 mars 2006, n° 04-41.074) ;

Sur le premier moyen qui est recevable :

Vu l'article L.436-1 devenu L. 2411-8 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant à voir déclarer nul le licenciement intervenu en violation du statut protecteur et de ses demandes subséquentes, la cour d'appel retient que les demandes du salarié ne procédant que des conséquences de la violation du statut de salarié protégé qui lui avait été conféré par fraude, ne peuvent qu'être rejetées ;

Qu'en statuant ainsi, alors que ni la lettre du syndicat du 21 novembre 2002 demandant à l'employeur de considérer comme nulle et non avenue la désignation qu'il avait opérée le 28 octobre précédent, ni les circonstances de cette désignation qui n'a pas été annulée, ne pouvaient priver rétroactivement le salarié de la protection afférente à son mandat de délégué syndical en cours au jour de la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne le Centre René Gauducheau aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Centre René Gauducheau à payer à M. X... la somme de 2 500 euros à M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X....

MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes en nullité de la rupture de son contrat de travail, en réintégration et au paiement des salaires dus sur la période comprise entre le 1er novembre 2002 et le jour effectif de sa réintégration, outre les intérêts au taux légal et la reconnaissance des droits au titre d'un compte épargne temps, d'avoir condamné Monsieur X... à verser au Centre René GAUDUCHEAU la somme de 1.800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE la désignation de Monsieur X... en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise du Centre René GAUDUCHEAU prise le 28 octobre 2002 a été reçue par l'employeur le 30 octobre 2002, alors que la relation de travail était encore en cours dans le cadre formel d'un contrat à durée déterminée contesté par le salarié ainsi que par le syndicat FO comme celui-ci le revendique dans sa lettre du 13 février 2007, une instance prud'homale en requalification en contrat à durée indéterminée ayant été introduite le 10 septembre 2002 par Monsieur X... ; la rupture de la relation de travail en réalité à durée indéterminée, en raison du caractère illicite du recours par le Centre René GAUDUCHEAU au contrat à durée déterminée, est intervenue le 31 octobre 2002 alors que le salarié disposait apparemment de la qualité de salarié protégé depuis le 30 octobre précédent, en raison de sa désignation par le syndicat FO en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, dès lors que l'annulation par le syndicat du mandat de représentant syndical au comité d'entreprise n'avait pas d'effet rétroactif sur la qualité de salarié protégé et que la rupture est intervenue antérieurement à l'annulation du mandat, peu important que Monsieur X... n'en ait pas exercé effectivement les fonctions ; or cette rupture ne procédait pas d'une lettre de licenciement ni d'une autorisation préalable de l'inspecteur du travail ;

Et AUX MOTIFS QUE le Centre R GAUDUCHEAU soutient que la désignation de Monsieur X... faite dans son intérêt personnel a procédé d'une fraude ; contrairement à ce que soutient le salarié, la cour de cassation dans son arrêt du 4 mars 2009 ne s'est pas prononcée sur ce moyen dès lors que la cour d'appel de Rennes avait rejeté la demande en nullité du licenciement, au seul motif que le syndicat avait, peu après la désignation de Monsieur X..., déclaré celle-ci nulle et non avenue, alors que celui-ci n'avait jamais exercé son mandat ; il convient d'observer que le syndicat FO pour désigner un nouveau représentant syndical, s'est borné à invoquer de manière ambiguë sa volonté de mettre un terme à un "malentendu" et à des "quiproquos" ; or, la chronologie des faits et notamment la notification au Centre René GAUDUCHEAU de la désignation de Monsieur X... en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, faite la veille du jour où l'employeur entendait à l'époque voir rompre la relation de travail, incite à retenir que le syndicat a procédé à cette désignation essentiellement afin de conférer à ce salarié la qualité de salarié protégé, et de faire ainsi pression sur l'employeur à l'occasion du litige concernant la qualification et le maintien de la relation de travail ; le raisonnement induit par cette chronologie, est confirmé par les termes de la lettre adressée le 13 février 2007 à l'employeur, par laquelle le syndicat FO explique que la désignation de Monsieur X... est intervenue alors que la qualification du contrat de travail de ce dernier " était fortement contestée tant par l'intéressé que par l'organisation syndicale", le syndicat poursuivant par ces termes : "Cependant, notre souci était aussi celui de faire fonctionner les institutions sociales de votre établissement au mieux des intérêts des personnels et de notre organisation syndicale, C 'est pourquoi par un courrier du 13 novembre 2002, nous nommions M. Dominique Y... à ce même poste,,.,". ; par les termes explicites de cette lettre, le syndicat a reconnu avoir poursuivi un double objectif visant non seulement sa représentation au comité d'entreprise mais également les intérêts personnels d'un salarié en litige avec son employeur et menacé d'une éviction imminente, ce motif apparaissant être la cause déterminante de la désignation litigieuse, alors que Monsieur X... ne fait état d'aucune activité syndicale antérieure au sein de l'entreprise ; ce faisant, le syndicat a détourné les pouvoirs qu'il tient de la loi pour assurer sa représentation au sein des entreprises, la cause déterminante de la désignation de Monsieur X... tenant en l'espèce à conférer à ce dernier le statut de salarié protégé et de faire ainsi pression sur le Centre R GAUDUCHEAU, dans le cadre du litige en cours sur le maintien du salarié dans l'entreprise et la qualification de son contrat de travail ; enfin le fait que les prétentions du salarié à un contrat de travail à durée indéterminée étaient fondées, ne peut justifier le détournement du pouvoir de désignation du syndicat, aux fins de satisfaire l'intérêt personnel d'un salarié ; les demandes de Monsieur X... ne procédant que des conséquences de la violation du statut de salarié protégé qui lui avait été conféré par fraude, ne peuvent donc qu'être rejetées ; Monsieur X... sera donc débouté de l'ensemble de ses demandes, y compris celle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; en raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer au Centre René GAUDUCHEAU, une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépetibles dont le montant sera fixé au dispositif ;

ALORS QU'après l'expiration du délai de 15 jours imparti à peine de forclusion pour contester la désignation d'un représentant syndical au comité d'entreprise, la désignation est purgée de tout vice, l'employeur ne pouvant ultérieurement remettre en cause sa validité, même par voie d'exception, pour priver le salarié de son statut protecteur ; que la Cour d'appel, saisie de la contestation concernant la rupture du contrat de travail, a rejeté la demande de Monsieur X... fondée sur la méconnaissance de son statut protecteur en faisant droit à la contestation de l'employeur concernant la validité de la désignation alors que cette désignation était purgée de tout vice ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article R 2324-24 du Code du Travail (anciennement R 433-4) ;

ALORS QUE seul le cas de fraude révélée après l'expiration du délai permet à l'employeur de former une contestation dans le délai de 15 jours suivant la date à laquelle il a eu connaissance de ce fait nouveau ; que la Cour d'appel a considéré que la fraude résultait de la volonté du salarié de faire valoir ses droits pour faire requalifier les relations de travail en contrat à durée indéterminée, ce pour quoi il avait saisi le Conseil de Prud'hommes dès avant sa désignation en qualité de représentant syndical ; qu'en autorisant néanmoins l'employeur à contester la validité de la désignation après l'expiration du délai de forclusion, la Cour d'appel a violé l'article R 2324-24 du Code du Travail (anciennement R 433-4) ;

ALORS subsidiairement QUE les fins de non recevoir doivent être soulevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public ; que la Cour d'appel a relevé que l'employeur avait eu connaissance de la désignation de Monsieur X... le 30 octobre 2002 et a considéré que la fraude résultait de la volonté du salarié de faire valoir ses droits pour faire requalifier les relations de travail en contrat à durée indéterminée, ce pour quoi il avait saisi le Conseil de Prud'hommes dès avant sa désignation en qualité de représentant syndical ; que la Cour d'appel, qui n'a pas retenu l'irrecevabilité pour forclusion de la contestation du Centre René GAUDUCHEAU portant sur la validité de la désignation de Monsieur X... et tendant à le priver du bénéfice du statut protecteur, a violé l'article 125 du Code du Procédure Civile ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes en nullité de la rupture de son contrat de travail, en réintégration et au paiement des salaires dus sur la période comprise entre le 1er novembre 2002 et le jour effectif de sa réintégration, outre les intérêts au taux légal et la reconnaissance des droits au titre d'un compte épargne temps, d'avoir condamné Monsieur X... à verser au Centre René GAUDUCHEAU la somme de 1.800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

AUX MOTIFS énoncés au premier moyen

ALORS QUE la bonne foi est toujours présumée et la preuve de la fraude incombe exclusivement à celui qui s'en prévaut ; qu'en se fondant sur une suspicion de fraude alors que la bonne foi est toujours présumée, la Cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du Code Civil ;

ALORS encore QUE dans son courrier du 13 février 2007, le syndicat FO n'a pas indiqué que la désignation de Monsieur X... avait été faite pour satisfaire les intérêts personnels du salarié ; que la Cour d'appel a relevé que « par les termes explicites de cette lettre, le syndicat a reconnu avoir poursuivi un double objectif visant non seulement sa représentation au comité d'entreprise mais également les intérêts personnels d'un salarié en litige avec son employeur et menacé d'une éviction imminente, ce motif apparaissant être la cause déterminante de la désignation litigieuse, alors que Monsieur X... ne fait état d'aucune activité syndicale antérieure au sein de l'entreprise » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a dénaturé le courrier du syndicat FO du 13 février 2007 en violation de l'article 1134 du Code Civil ;

ALORS subsidiairement QUE d'une part, la désignation d'un salarié en qualité de représentant syndical ne peut être jugée frauduleuse que s'il est établi qu'elle est intervenue dans le but exclusif d'assurer au salarié une protection et, d'autre part, le fait que le salarié n'ait pas manifesté d'intérêt pour l'action syndicale antérieurement à sa désignation est inopérant pour caractériser une fraude ; que pour considérer que la désignation était frauduleuse, la Cour d'appel a considéré d'une part, qu'en désignant Monsieur X..., le syndicat poursuivait un double objectif visant non seulement sa représentation au comité d'entreprise mais également les intérêts personnels du salarié et, d'autre part, que Monsieur X... ne faisait état d'aucune activité syndicale antérieure au sein de l'entreprise ; qu'en considérant la désignation frauduleuse par des motifs inopérants alors qu'elle relevait qu'elle n'était pas intervenue dans le but exclusif d'assurer au salarié une protection contre la rupture de son contrat de travail, la Cour d'appel a violé les articles L 2324-2 et R 2324-24 du Code du Travail (anciennement L 433-1 et R 433-4) ;

ALORS en tout état de cause QUE la mise en cause de la validité d'une désignation ne peut priver le salarié du bénéfice du statut protecteur qu'à compter de la date où le juge se prononce et n'a pas d'effet rétroactif ; que la Cour d'appel, considérant, le 11 juin 2010, que la désignation, le 28 octobre 2002, de Monsieur X... en qualité de représentant syndical, était frauduleuse, a rejeté ses demandes fondées sur la méconnaissance du statut protecteur dont il bénéficiait lors de la rupture de son contrat de travail le 31 octobre 2002 ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que la remise en cause de la désignation n'avait pas d'effet rétroactif sur le statut protecteur, la Cour d'appel a violé l'article L. 2411-8 du code du travail (anciennement L 436-1).


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 11 juin 2010


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 30 nov. 2011, pourvoi n°10-21120

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Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 30/11/2011
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10-21120
Numéro NOR : JURITEXT000024921263 ?
Numéro d'affaire : 10-21120
Numéro de décision : 51102500
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2011-11-30;10.21120 ?
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