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23/11/2011 | FRANCE | N°11-81905

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 novembre 2011, 11-81905


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Christian X...,

contre l'arrêt de la cour d'assises des BOUCHES-DU-RHÔNE, en date du 23 février 2011, qui, pour viols et agressions sexuelles aggravés, l'a condamné à neuf ans d'emprisonnement et a décerné mandat de dépôt, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des

articles 6 § 1, 6 § 2 et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Christian X...,

contre l'arrêt de la cour d'assises des BOUCHES-DU-RHÔNE, en date du 23 février 2011, qui, pour viols et agressions sexuelles aggravés, l'a condamné à neuf ans d'emprisonnement et a décerné mandat de dépôt, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1, 6 § 2 et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, ensemble violation des droits de la défense ;

" en ce que la cour d'assises a, sur la base du faux témoignage de la prétendue victime des faits objet de l'accusation, faux témoignage dont l'existence est établie par une attestation dépourvue d'ambiguïté de celle-ci, recueillie par acte extrajudiciaire le 3 mai 2011, déclaré M. X...coupable de viols et agressions sexuelles aggravées ;

" 1°) alors que, lorsque, comme en l'espèce, en raison de la nature du crime reproché à l'accusé, la déclaration de culpabilité – au demeurant motivée par des énonciations de fait insuffisantes – repose essentiellement, voire exclusivement, sur le témoignage de la prétendue victime et qu'il est établi que ce témoignage est entièrement mensonger, la Cour de cassation doit considérer que les droits de l'accusé ont subi des limitations telles que la méconnaissance du caractère équitable de son procès ne peut qu'entraîner la cassation de l'arrêt de condamnation ;

" 2°) alors qu'en matière de viols et d'agressions sexuelles, la réponse affirmative de la cour et du jury aux questions portant sur le fait principal trouve nécessairement sa base principale dans les accusations de la victime et que dès lors, lorsque celle-ci a reconnu postérieurement à l'arrêt de condamnation dans un écrit dépourvu d'ambiguïté établi à une date où elle était devenue majeure le caractère mensonger de ses accusations, la Cour de cassation doit censurer l'arrêt qui lui est déféré pour violation de la loi et subsidiairement pour contradiction de motifs ; qu'en vertu de la présomption d'innocence, la cassation doit être prononcée sans renvoi " ;

Attendu que la demande relève d'une requête en révision et non d'un pourvoi en cassation ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 § 1 et 6 § 3 d de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 331, alinéa 3, et 332 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

" en ce qu'au cours des débats, et par deux fois, M. Gabriel X..., témoin à charge, a été entendu sans avoir préalablement prêté serment et qu'à la date du 15 février 2011, première audience où ce témoin a été entendu, le président de la cour d'assises a omis d'observer les dispositions de l'article 332 du code de procédure pénale et par conséquent de permettre à la défense de l'accusé de lui poser des questions ;

" 1°) alors qu'il résulte des dispositions de l'article 6 § 3 d de la Convention européenne des droits de l'homme que l'accusé a le droit d'obtenir l'interrogation des témoins à charge dans les mêmes conditions que les témoins à décharge ; que ce droit est un élément essentiel du procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de ladite convention et un élément essentiel du principe de l'équilibre des droits des parties au sens de l'article préliminaire du code de procédure pénale ; qu'aux termes de l'article 331, alinéa 3, du code de procédure pénale, avant de commencer leur déposition, les témoins prêtent le serment « de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité » ; que le petit-fils de l'accusé, qui a dénoncé au stade de l'enquête préliminaire et tout au long de la procédure écrite des faits de viols et d'agressions dont il prétend avoir été victime de la part de celui-ci et qui est partie civile, est nécessairement un témoin à charge au sens de la convention et que, dès lors, les dispositions de l'article 335 du code de procédure pénale qui privent l'accusé du droit à ce qu'il soit entendu sous serment sous le double prétexte qu'il est un descendant de celui-ci et partie civile, dispositions qui ont été appliquées en l'espèce par le président de la cour d'assises, méconnaissent ouvertement les dispositions conventionnelles susvisées relatives au droit au procès équitable ;

" 2°) alors que le droit à l'interrogation des témoins à charge dans les mêmes conditions que les témoins à décharge doit s'entendre du droit au bénéfice de l'ensemble des règles procédurales relatives à la déposition des témoins, en ce compris les témoins qui se sont constitués parties civiles ; que l'article 332 du code de procédure pénale prescrit qu'« après chaque déposition des témoins, l'accusé et le conseil de l'accusé ont le droit de poser des questions aux témoins » et que dès lors, la première audition du témoin M. Gabriel X..., déterminante pour la manifestation de la vérité et la suite du procès, a méconnu les dispositions combinées des articles 6 § 1 et 6 § 3 d de la Convention européenne des droits de l'homme et 332 du code de procédure pénale ;

" 3°) alors que la procédure soumise à la Cour de cassation met en évidence, par l'attestation de M. Gabriel X..., en date du 3 mai 2011, annexée à un procès-verbal de constat, de Me Y..., huissier de justice, du même jour, que la méconnaissance des règles susvisées a tout à la fois porté atteinte à la manifestation de la vérité et aux droits de l'accusé dès lors que cette méconnaissance a permis au témoin M. Gabriel X...de maintenir devant la cour d'assises ses accusations qu'il savait mensongères à l'encontre de M. X...sans que ce dernier ait pu disposer des moyens adéquats pour les combattre ;

" 4°) alors qu'en cet état, la conjonction des dysfonctionnements de droit et de fait qui ont affecté l'audition du principal témoin à charge lors des débats devant la cour d'assises, a nécessairement privé M. X...du procès équitable auquel il avait droit " ;

Attendu qu'en entendant sans prestation de serment, à titre de simple renseignement, M. Gabriel X..., petit fils de l'accusé et partie civile, le président s'est conformé aux dispositions de l'article 335 du code de procédure pénale qui ne méconnaissent pas les dispositions conventionnelles invoquées, la partie civile, partie au procès, n'ayant pas la qualité de témoin ;

Que, par ailleurs, en l'absence de demande de donné acte, il doit être présumé que l'accusé et son avocat ont été mis en mesure de poser des questions à la partie civile après son audition ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 et 6 § 3 d de la Convention européenne des droits de l'homme, 331, alinéa 4, du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

" en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats, qu'à l'audience du 15 février 2011 au matin, le témoin Mme Maryse Z...a été interrompu par la partie civile, laquelle a sollicité que le témoin M. Alain A...prenne place dans l'auditoire pendant son audition ;

" 1°) alors qu'aux termes de l'article 331, alinéa 4, du code de procédure pénale, sous réserve des dispositions de l'article 309, les témoins ne sont pas interrompus dans leur déposition et que la méconnaissance de cette règle de droit interne, essentielle au caractère équitable du procès d'assises, suffit à entraîner la nullité de l'arrêt de condamnation ;

" 2°) alors que cette règle étant d'ordre public, la circonstance que sa méconnaissance n'ait fait l'objet d'aucune observation de la part de l'accusé et de son avocat ne suffit pas à rendre l'audition du témoin interrompu régulière ;

" 3°) alors de surcroît que les témoins Mme Z...et M. A...étant, selon les pièces de la procédure soumises à la Cour de cassation, l'un et l'autre des témoins de l'accusation ayant la qualité d'enquêteur, l'interruption par la partie civile du témoin Mme Z...en vue de permettre au témoin M. A...de prendre place dans l'auditoire a nécessairement eu pour but et pour effet de porter atteinte aux droits de l'accusé ;

" 4°) alors que l'interruption du témoin Mme Maryse Z...s'étant produite à l'initiative de la partie civile et ayant eu pour but et pour effet de conforter la position procédurale de celle-ci, cette interruption a objectivement constitué une rupture du principe de l'égalité des armes ne pouvant à ce titre qu'entrainer la cassation de l'arrêt de condamnation ;

Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que les témoins M. A...et Mme Z...ont été successivement entendus et que, " à la demande de la partie civile et sans observation de quiconque le témoin Alain A...a pris place dans l'auditoire pendant l'audition du témoin Maryse Z..." ;

Que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, le fait que le témoin M. A...soit demeuré dans la salle d'audience, à la demande de la partie civile, pendant l'audition du témoin Mme Z..., n'implique pas que la partie civile ait interrompu cette audition ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

" en ce qu'il résulte de la feuille des questions que la cour et le jury ont répondu affirmativement aux questions sur la culpabilité de l'accusé rédigées en ces termes :

1) Christian X...est-il coupable d'avoir, à Vence (Alpes Maritimes) entre 1996 et 1999, commis, par violence, contrainte, menace ou surprise des actes de pénétration sexuelle, en l'espèce de sodomie, sur la personne de Gabriel X...?
2) Gabriel X...était-il, à la date des faits ci-dessus spécifiés, âgé de moins de quinze ans pour être né le 21 janvier 1991 ?
3) Christian X...est-il l'ascendant légitime de Gabriel X..., en l'espèce son grand-père ?
4) L'accusé Christian X...est-il coupable d'avoir, à Vence (Alpes-Maritimes) entre 1996 et 1999, commis par violence, contrainte, menace ou surprise des atteintes sexuelles sur la personne de Gabriel X..., en l'espèce des caresses manuelles et buccales sur le sexe et les fesses ?
5) Gabriel X...était-il, à la date des faits spécifiés à la question n° 4, âgé de moins de quinze ans pour être né le 21 janvier 1991 ?
6) Christian X...est-il l'ascendant légitime de Gabriel X..., en l'espèce son grand-père ?

" 1°) alors que les Etats adhérants à la Convention européenne des droits de l'homme sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme sans attendre d'être attaqués devant elle, ni d'avoir modifié leur législation ; qu'il résulte de l'arrêt B... c/ Belgique rendu par la grande chambre de la Cour européenne des droits de l'homme le 16 novembre 2010 et de la Décision de chambre rendue par ladite cour le 13 janvier 2009 (req. n° 926/ 05) que la présentation au jury de questions précises constitue une exigence indispensable devant permettre à la personne concernée de comprendre un éventuel verdict de culpabilité et que les questions posées doivent lui permettre de savoir quels éléments de preuve et circonstances de fait parmi toutes celles qui ont été discutées durant le procès ont conduit en définitive le jury à répondre aux questions le concernant et que les questions susvisées, auxquelles la cour et le jury ont donné des réponses laconiques (oui à la majorité de dix voix au moins) étant formulées de manière vague et générale, ne permettent pas de justifier la décision de la cour d'assises, laquelle avait l'obligation d'appliquer d'office les principes de motivation posés par la cour européenne des droits de l'homme ;

" 2°) alors que toute question posée à la cour et au jury sur le fait principal de viol ou d'agression sexuelle doit, pour respecter les règles susvisées posées par la Cour européenne des droits de l'homme, préciser en quoi la personne objet de l'accusation, a usé de violence, contrainte, menace ou surprise et que les questions n° 1 et n° 4, qui ne comportent aucune précision sur ce point, contreviennent à ces principes qui sont essentiels au procès équitable ;

" 3°) alors que le viol est une infraction instantanée qui doit être précisément localisée dans le temps et que la question n° 1, qui se borne pour l'essentiel à interroger la cour et le jury dans les termes abstraits de la loi et pour le surplus à faire état de deux actes de pénétration sexuelle qui seraient localisées dans le temps à l'intérieur d'une période de trois ans sans autre précision de fait, contrevient aux principes de motivation susvisés ;

" 4°) alors qu'une condamnation pour agression sexuelle doit reposer sur des motifs dépourvus d'ambiguïté et que la question n° 4, qui se borne pour l'essentiel à interroger la cour et le jury dans les termes abstraits de la loi et pour le surplus à faire état de « caresses manuelles buccales sur le sexe et les fesses », qui seraient également localisées dans le temps à l'intérieur d'une période de trois ans et qui ne comporte aucune autre précision notamment quant au point essentiel de savoir si lors de ces « caresses », la victime prétendue était dénudée ou non, contrevient, une fois encore, aux principes de motivation susvisés " ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-24 du code pénal, préliminaire, du principe de primauté du droit conventionnel sur les règles de droit interne, du principe de l'autorité de chose jugée qui s'attache aux décisions définitives de la Cour européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

" en ce que ni la feuille des questions ni l'arrêt pénal ne comportent la moindre précision concernant la personnalité de l'accusé justifiant le choix de la peine qui a été prononcée par la cour et le jury alors que tant les dispositions conventionnelles telles qu'elles résultent de la jurisprudence B... que les principes généraux du droit pénal et de la procédure pénale imposent que toute décision de privation de liberté soit spécialement motivée sur ce point " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, d'une part, la cour et le jury ont répondu affirmativement à la question numéro 1 posée comme suit : " l'accusé Christian X...est-il coupable d'avoir, à Vence, entre 1996 et 1999, commis par violence, contrainte, menace ou surprise, des actes de pénétration sexuelle, en l'espèce deux sodomies, sur la personne de Gabriel X...? " et à la question numéro 4, posée comme suit : " l'accusé Christian X...est-il coupable d'avoir à Vence, entre 1996 et 1999, par violence, contrainte, menace ou surprise, commis des atteintes sexuelles sur la personne de Gabriel X..., en l'espèce des caresses manuelles et buccales sur le sexe et les fesses ? " ;

Attendu que ces questions reproduisent les termes des articles 222-23 et 222-27 du code pénal ; qu'elles caractérisent tous les éléments, tant matériels qu'intentionnel du crime et du délit prévus et punis par ces textes, lesquels n'exigent pas que les questions précisent autrement ni les actes caractérisant la violence, la contrainte ou la menace ni la nature des atteintes sexuelles constitutives du délit réprimé ;

Attendu que, d'autre part, sont reprises dans l'arrêt de condamnation les réponses qu'en leur intime conviction, magistrats et jurés composant la cour d'assises d'appel, statuant dans la continuité des débats, à vote secret et à la majorité qualifiée des deux tiers, ont données aux questions sur la culpabilité posées conformément au dispositif de l'arrêt de mise en accusation ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'ont été assurés l'information préalable sur les charges fondant la mise en accusation, le libre exercice des droits de la défense ainsi que le caractère contradictoire des débats, l'arrêt satisfait aux exigences légales et conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Pometan conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-81905
Date de la décision : 23/11/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'assises des Bouches-du-Rhône, 23 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 nov. 2011, pourvoi n°11-81905


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:11.81905
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