La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2011 | FRANCE | N°10-14847

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 31 mars 2011, 10-14847


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel statuant en matière de taxe (Nancy, 22 janvier 2010), que condamnée aux dépens dans l'instance l'ayant opposée à la société Wega et à la société Espace Saint-Dizier Dominicains (ESDD) , la société Eiffage construction lorraine ( ECL) a contesté l'état de frais vérifié de la SCP d'avocats Lebon - Mennegand - Larere qui avait représenté les deux sociétés adverses ;
Attend

u que la société ECL fait grief à l'ordonnance de rejeter sa contestation et de fixer ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel statuant en matière de taxe (Nancy, 22 janvier 2010), que condamnée aux dépens dans l'instance l'ayant opposée à la société Wega et à la société Espace Saint-Dizier Dominicains (ESDD) , la société Eiffage construction lorraine ( ECL) a contesté l'état de frais vérifié de la SCP d'avocats Lebon - Mennegand - Larere qui avait représenté les deux sociétés adverses ;
Attendu que la société ECL fait grief à l'ordonnance de rejeter sa contestation et de fixer le droit proportionnel revenant à la SCP Lebon - Mennegand - Larere à une certaine somme alors selon le moyen :
1°/ que des demandes identiques, formées par conclusions uniques par plusieurs demandeurs ayant des intérêts communs, n'ouvrent droit pour leur avocat qu'à un seul émolument proportionnel ; que la SCP Lebon - Mennegand - Larere représentait les sociétés Wega et ESDD, lesquelles étaient liées par un mandat d'intérêt commun, avaient un intérêt identique et présentaient des demandes faisant l'objet de conclusions uniques en la même qualité de maître d'ouvrage des travaux confiés à la société ECL ; que le tribunal de grande instance de Nancy, par son jugement du 23 mai 2008 ayant donné lieu aux frais de postulation litigieux, a jugé que les deux sociétés représentées par la SCP Lebon - Mennegand - Larere avaient la qualité de maître d'ouvrage, peu important que l'un le soit à titre principal et l'autre à titre délégué ; qu'en décidant néanmoins que l'avocat pouvait solliciter le paiement de deux émoluments proportionnels, au motif inopérant que les sociétés Wega et ESDD avaient présenté des argumentations différentes, le premier président de la cour d'appel a violé les articles 5, 6 et 11 du décret n° 60-323 du 2 avril 1960 ;
2°/ que le juge taxateur doit procéder, même d'office, à tous les redressements nécessaires afin de rendre le compte conforme aux tarifs ; qu'il ne peut ainsi renvoyer l'avocat à établir un nouvel état de frais pour une des parties représentées, tout en validant celui soumis à vérification relatif à une autre partie ; qu'en disant n'y avoir lieu de statuer sur la réclamation formée par la SCP Lebon - Mennegand - Larere au titre de la représentation de la société ESDD, le premier président de la cour d'appel a violé les articles 5 et 11 du décret n° 60-323 du avril 1960 et 711 du code de procédure civile ;
3°/ que l'article 11 du décret du 2 avril 1960 est applicable dès lors que, dans les demandes principales en dommages-intérêts, le montant de la réclamation ne résulte pas uniquement de la clause d'une convention et que la détermination en est abandonnée à la volonté du demandeur ; que la demande de dommages- intérêts portant sur des pénalités de retard dont le montant unitaire est contractuellement fixé mais dont le quantum est laissé à l'arbitraire du demandeur ne peut donner droit qu'à un émolument fixé en application du texte susvisé ; qu'en l'espèce, les sociétés Wega et ESDD demandaient la condamnation de la société ECL au paiement de pénalités de retard dont le quantum était laissé à leur arbitraire et devait être tranché par le juge saisi ; qu'en appliquant néanmoins à ces demandes l'article 5 du décret du 2 avril 1960 et non l'article 11 du même décret, au motif inopérant que la détermination de l'état des retards résultait des conclusions d'un collège d'experts judiciaire, qui ne faisaient pas obstacle à l'arbitraire des demandeurs dans la fixation de ce quantum et ne liaient pourtant pas le juge saisi, le premier président de la cour d'appel a violé les articles 5 et 11 du décret n° 60-323 du 2 avril 1960 ;
Mais attendu que des demandes distinctes formées par des parties dont les intérêts sont également distincts ouvrent droit pour leur avocat qui a déposé des conclusions uniques à un émolument apprécié pour chaque partie ; qu'ayant relevé que les demandes dirigées contre la société Wega et la société ESDD trouvaient leur fondement dans des obligations distinctes, que bien que représentées par le même conseil, ces sociétés avaient développé des moyens différents en défense, et formulé des demandes distinctes, chacune d'elles poursuivant un intérêt qui lui était propre, la société ESDD s'attachant en particulier à démontrer, en contestant sa qualité de maître d'ouvrage, qu'elle ne pouvait être tenue au règlement des sommes réclamées par la société ECL, le premier président en a justement déduit que la SCP Lebon - Mennegand - Larere était en droit d'établir deux états de frais et d'obtenir un émolument pour chacune des parties qu'il avait représentée ;
Et attendu que l'ordonnance n'a pas renvoyé l'avocat à un nouvel état de frais pour une des parties représentée mais a constaté que la réclamation formée par la SCP Lebon - Mennegand - Larere était pendante devant le juge taxateur du tribunal de grande instance ;
Et attendu enfin que pour écarter l'application de l'article 11 du décret du 2 avril 1960 à la demande reconventionnelle formé par la SCI Wega au titre des pénalités de retard, l'ordonnance retient que les sommes réclamées ne résultent pas de la seule appréciation des demandeurs mais de l'application des clauses du marché, de sorte que la demande de la SCP Lebon - Mennegand - Larere relève de l'article 5 dudit décret ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Eiffage construction Lorraine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eiffage construction Lorraine ; la condamne à payer à la SCP Lebon - Mennegand - Larere la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour la société Eiffage construction Lorraine
IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé le droit proportionnel revenant à la SCP Lebon Mennegand Larere à la somme de 107.631,25 € et d'avoir débouté la société Eiffage Construction Lorraine de ses demandes et contestations ;
AUX MOTIFS QUE sur le chef de demande tendant à voir dire et juger que la représentation de la Sci Wega et de la Sa Espace Saint-Dizier Dominicains par la Scp Lebon ne peut donner lieu à l'établissement de deux états de frais distincts ; que l'article 5 du décret du 2 avril 1960, suivant lequel "le droit proportionnel est calculé, sous réserve des dispositions des articles 6, 7, 11, 12 et 13 sur le total des montants des conclusions tant principales qu'incidentes et reconventionnelles, déduction faite de la partie de ces conclusions qui n'a pas été soutenue" pose le principe de l'unité du droit proportionnel ; que toutefois, la cour de cassation a admis des exceptions à ce principe, notamment, en se fondant sur la notion d'intérêts distincts et de cause juridique différente, dans l'hypothèse où l'avocat représente plusieurs parties dans la même instance (2éme chambre civile 9 avril 2009 et 3 novembre 1993) ; que tel est le cas en l'espèce ; qu'il résulte des éléments du dossier que les demandes dirigées contre la Sci Wega et la Sa Espace Saint Dizier Dominicains trouvaient leur fondement dans des obligations distinctes ; que bien que représentées par le même conseil, elles ont développé des moyens différents en défense, et formulé des demandes distinctes, chacune d'elles poursuivant un intérêt qui lui est propre, la Sa Espace Saint-Dizier Dominicains s'attachant en particulier à démontrer qu'elle ne pouvait être tenue au règlement des sommes réclamées par la Snc Eiffage Construction Lorraine en contestant sa qualité de maître d'ouvrage ; qu'il convient en conséquence de rejeter les prétentions de la Snc Eiffage Construction Lorraine de ce chef ; que sur les modalités de calcul du droit proportionnel et sur la détermination de l'assiette du calcul du droit proportionnel, il résulte de l'article 11 du décret du 2 avril 1960 que "pour les demandes principales en dommages intérêts dont le chiffre ne résulte pas d'une convention, l'intérêt du litige est déterminé au delà de 459 €, par le total des préjudices reconnus par le tribunal et servant de base au montant des condamnations" ; que le but de cette disposition, dérogatoire à l'article 5 qui prévoit que le droit proportionnel est calculé sur le total des montants des conclusions, étant d'éviter, dans une matière où l'appréciation du montant de la demande est laissée à l'arbitraire du demandeur, des prétentions inconsidérées qui entraîneraient des émoluments disproportionnés à l'intérêt réel du litige ; que en l'espèce, la somme de 30.668.357,99 € prise en compte par le premier juge au titre de la demande reconventionnelle formée par la Sei Wega, qui représente suivant décompte définitif :
- pour 966.248,40 € les réfactions (en compensation des défauts esthétiques qui ne nuisent pas à la destination de l'immeuble ou sa solidité mais constituant des vices apparents ayant fait l'objet de réserves lors de la réception),- pour 5.854.359,01 € TTC le montant total des marchés de travaux,- pour 30.697.071,92 € les pénalités de retard, résulte de la stricte exécution des conventions passées entre les parties ; que s'agissant en particulier des pénalités de retard, elles sont prévues par l'article 4.3.1.1. du Cahier des Clauses Administratives Particulières qui en fixe le montant journalier à 2/1000èmes du montant de l'ensemble du marché ; que la détermination de l'état des retards, qui résulte, ainsi que l'a relevé le tribunal dans son jugement du 23 mai 2008, des conclusions d'un collège d'experts judiciairement commis, ne procède pas, contrairement à ce que soutient la Snc Eiffage Construction Lorraine, de la seule appréciation des demandeurs, mais de l'application des clauses des marchés ; que c'est par une exacte appréciation des éléments de droit, que le premier juge a retenu que cette demande relevait de l' article 5 du décret et non de l'article 11 de sorte qu'il convient d'écarter la contestation de la Snc Eiffage Construction Lorraine sur ce point ; que par dérogation à l'article 5 du décret et au principe de l'unité du droit proportionnel, la jurisprudence constante admet la pluralité de pluralité de droits proportionnels dans l'hypothèses de pluralités de demandes entre un même demandeur et un même défendeur, si elles ont un objet différent ou une cause juridique distincte ; qu'or, en l'espèce, ainsi que l'a justement relevé le juge taxateur, la cause juridique de chaque demande trouvant sa source et sa cause dans l'inexécution de trois conventions distinctes prises séparément, l'avocat postulant est fondé à calculer un droit proportionnel sur le montant de chacune de ces demandes et non pas sur le montant total ;

1°/ ALORS QUE des demandes identiques, formées par conclusions uniques par plusieurs demandeurs ayant des intérêts communs, n'ouvrent droit pour leur avocat qu'à un seul émolument proportionnel ; que la SCP Lebon Mennegand Larere représentait les sociétés Wega et Espace Saint-Dizier Dominicains, lesquelles étaient liées par un mandat d'intérêt commun, avaient un intérêt identique et présentaient des demandes faisant l'objet de conclusions uniques en la même qualité de maître d'ouvrage des travaux confiés à la société Eiffage ; que le tribunal de grande instance de Nancy, par son jugement du 23 mai 2008 ayant donné lieu aux frais de postulation litigieux, a jugé que les deux sociétés représentées par la SCP Lebon Mennegand Larere avaient la qualité de maître d'ouvrage, peu important que l'un le soit à titre principal et l'autre à titre délégué ; qu'en décidant néanmoins que l'avocat pouvait solliciter le paiement de deux émoluments proportionnels, au motif inopérant que les sociétés Wega et Espace Saint-Dizier Dominicains avaient présenté des argumentations différentes, le premier président de la cour d'appel a violé les articles 5, 6 et 11 du décret n°60-323 du 2 avril 1960 ;
2°/ ALORS QUE le juge taxateur doit procéder, même d'office, à tous les redressements nécessaires afin de rendre le compte conforme aux tarifs ; qu'il ne peut ainsi renvoyer l'avocat à établir un nouvel état de frais pour une des parties représentées, tout en validant celui soumis à vérification relatif à une autre partie ; qu'en disant n'y avoir lieu de statuer sur la réclamation formée par la SCP Lebon Mennegand Larere au titre de la représentation de la société Espace Saint-Dizier Dominicains, le premier président de la cour d'appel a violé les articles 5 et 11 du décret n°60-323 du avril 1960 et 711 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE l'article 11 du décret du 2 avril 1960 est applicable dès lors que, dans les demandes principales en dommages intérêts, le montant de la réclamation ne résulte pas uniquement de la clause d'une convention et que la détermination en est abandonnée à la volonté du demandeur ; que la demande de dommages et intérêts portant sur des pénalités de retard dont le montant unitaire est contractuellement fixé mais dont le quantum est laissé à l'arbitraire du demandeur ne peut donner droit qu'à un émolument fixé en application du texte susvisé ; qu'en l'espèce, les sociétés Wega et Espace Saint-Dizier Dominicains demandaient la condamnation de la société Eiffage au paiement de pénalités de retard dont le quantum était laissé à leur arbitraire et devait être tranché par le juge saisi ; qu'en appliquant néanmoins à ces demandes l'article 5 du décret du 2 avril 1960 et non l'article 11 du même décret, au motif inopérant que la détermination de l'état des retard résultait des conclusions d'un collège d'experts judiciaire, qui ne faisaient pas obstacle à l'arbitraire des demandeurs dans la fixation de ce quantum et ne liaient pourtant pas le juge saisi, le premier président de la cour d'appel a violé les articles 5 et 11 du décret n°60-323 du 2 avril 1960.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-14847
Date de la décision : 31/03/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Postulation - Tarif - Emolument - Pluralité - Cas - Dépôt de conclusions uniques pour des parties ayant des intérêts et des demandes distincts

FRAIS ET DEPENS - Taxe - Avocat - Emolument - Pluralité - Cas - Dépôt de conclusions uniques pour des parties ayant des intérêtset des demandes distincts

Lorsqu'un même avocat a déposé des conclusions uniques pour deux parties, il a droit à un émolument apprécié pour chacune d'elles, dès lors que les parties avaient des intérêts distincts et que les demandes formées étaient éga- lement distinctes


Références :

articles 5, 6 et 11 du décret n° 60-323 du 2 avril 1960

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 22 janvier 2010

Sur le droit à émolument des avoués en cas de pluralités de parties défendues, à rapprocher :2e Civ., 7 décembre 2000, pourvoi n° 99-11939, Bull. 2000, II, n° 165 (cassation) ;2e Civ., 9 avril 2009, pourvois n° 07-20.114, 07-20.115, 07-20.116, 07-20.117, 07-20.118, 07-20.119, Bull. 2009, II, n° 94 (2) (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 31 mar. 2011, pourvoi n°10-14847, Bull. civ. 2011, II, n° 76
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, II, n° 76

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Avocat général : M. Mucchielli
Rapporteur ?: Mme Nicolle
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.14847
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award