LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu le moyen soulevé d'office après avis donné aux parties ;
Vu le principe de séparation des pouvoirs, et la loi des 16 et 24 août 1790 ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé par la commune de Voh en qualité de chauffeur polyvalent, élu délégué du personnel en 2005, a été licencié le 23 février 2006 pour faute grave ; que le tribunal du travail a dit que le licenciement prononcé sans autorisation du directeur du travail était nul et a condamné la commune à payer diverses sommes à M. X... ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que par jugement irrévocable en date du 31 juillet 2008, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie retenant que l'article 89 de l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985 modifiée a exclu les collectivités publiques du champ d'application des dispositions relatives à l'exercice du droit syndical et aux représentants du personnel et aux délégués syndicaux, et notamment celles concernant l'autorisation préalable concernant leur licenciement, a rejeté la requête en annulation de la décision du 16 février 2006 du directeur du travail et de l'emploi de la Nouvelle-Calédonie refusant d'examiner la demande d'autorisation de licencier M. X... qui lui était soumise par la commune de Voh ;
Attendu que cette décision du juge administratif fait obstacle à ce que le juge judiciaire se prononce sur la nécessité de l'autorisation administrative de licenciement de M. X... en raison de sa qualité de délégué du personnel élu, mandat prévu par la convention collective ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'arrêt de la cour d'appel de Nouméa en date du 16 juillet 2009 ;
PAR CES MOTIFS :
ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée, pour qu'il soit statué sur les points restant en litige ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la commune de Voh.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... est nul de plein droit en l'absence d'autorisation du directeur du travail et d'avoir condamné la Commune de VOH à payer à Monsieur X... diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur de délégué du personnel, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'une convention collective peut comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles prévues par les lois et règlements en vigueur ; que si l'article 89 de l'ordonnance du 13 novembre 1985 établissant les principes directeurs du droit du travail en Nouvelle-Calédonie exclut du bénéfice de l'article 75 le personnel des collectivités publiques, la convention collective des personnels ouvriers et assimilés des services publics du 10 décembre 1980 énonce en son titre III article 9 que, pour ce qui concerne les délégués du personnel, la convention se réfère au chapitre III du Code du travail dans les territoires d'outre-mer et des textes pris pour son application, notamment l'arrêté n° 58/052/CG du 22 février 1958, modifié par arrêté n° 75/310/CG du 21 juillet 1975 et n° 76/421 du 13 septembre 1976 ; que l'article 1 de l'arrêté du 21 juillet 1975 crée un article 22 nouveau à l'arrêté du 22 février 1958 dont l'alinéa 1 prévoit que « tout licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail » ; que l'article 15 de la convention collective précitée renvoie à l'article 167 (en réalité 160) du Code du travail applicable dans les TOM, qui prévoit la nécessité d'une autorisation administrative avant le licenciement d'un délégué du personnel, que si pour l'avenir, et postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 13 novembre 1985 les collectivités publiques et les établissements publics administratifs peuvent se prévaloir de l'article 89 susvisé, il reste néanmoins que la convention collective plus favorable signée antérieurement demeure applicable tant qu'elle n'a pas été expressément dénoncée selon les formes prévues à l'article 2 de la convention ; que la Commune de VOH y a par ailleurs fait référence en sollicitant l'autorisation de l'inspecteur du directeur du travail préalablement au licenciement de Monsieur X... ; que le refus de statuer du directeur du travail ne constitue pas une cause d'exonération, alors que la Cour avait déjà retenu l'application de cette convention collective en dépit des dispositions de l'article 89 de la délibération du 13 novembre 1985, dans un arrêt du 21 janvier 2000, opposant le syndicat Union Territoriale Force Ouvrière à la mairie de Bourail ; qu'ainsi faute d'autorisation administrative, le licenciement est nul de plein droit ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 89 de l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985 exclut l'application des dispositions de son article 75 notamment, aux salariés des collectivités publiques, mais l'article 9 de la convention collective applicable aux personnels ouvriers et assimilés des services publics du territoire renvoie au chapitre III du Code du travail dans les territoires d'Outre-mer et aux textes pris pour son application, et notamment l'arrêté n° 58-052/CG du 22 février 1958 modifié par arrêté n° 75-310/CG du 21 juillet 1975 et n° 76-421/CG du 13 septembre 1976 ; que l'article 1 de l'arrêté du 21 juillet 1975 susvisé crée un article 22 nouveau à l'arrêté n° 58-052/CG dont l'alinéa 2 prévoit que « tout licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail » ; qu'il s'en déduit que le licenciement de Monsieur X... ne pouvait se faire qu'avec l'autorisation de la direction du travail de Nouvelle-Calédonie ;
1°- ALORS QUE ne relève pas de la compétence des partenaires sociaux le droit d'imposer à l'employeur une autorisation préalable de l'inspecteur du travail pour le licenciement d'un salarié quand la loi ne la prévoit pas ; que seule la loi détermine s'il y a lieu ou non d'obtenir une autorisation administrative avant de procéder au licenciement d'un salarié, fût-il protégé ; qu'en écartant l'application de l'article 89 de l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985 relative aux principes directeurs du droit du travail en Nouvelle-Calédonie, disposition qui exclut l'autorisation préalable du directeur du travail en cas du licenciement d'un délégué du personnel par une collectivité publique, au motif inopérant que la convention collective des personnels ouvriers et assimilés des services publics du territoire du 10 décembre 1980 comportait des dispositions plus favorables imposant que tout licenciement d'un délégué du personnel soit soumis à l'inspecteur du travail, pour en déduire que le licenciement de Monsieur X... par la Commune de VOH était nul faute d'avoir été autorisé par le directeur du travail, la Cour d'appel a violé par fausse application les articles 9 et 15 de la convention collective précitée et l'article 89 de l'ordonnance précitée par refus d'application, commis un excès de pouvoir et violé le principe de la séparation des pouvoirs et la loi des 16 et 24 août 1790 ;
2°- ALORS QUE les conditions de la rupture du contrat de travail relèvent des règles en vigueur à sa date ; que l'article 89 de l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985 a supprimé, dès son entrée en vigueur, l'autorisation administrative préalable pour le licenciement d'un salarié protégé par une collectivité publique et a abrogé les textes réglementaires antérieurs et au besoin les dispositions conventionnelles contraires ; qu'en écartant l'application de l'article 89 de l'ordonnance précitée au licenciement de Monsieur X... prononcé en février 2006 au motif que la convention collective des personnels ouvriers et assimilés des services publics du territoire du 10 décembre 1980, qui renvoyait à des dispositions réglementaires plus favorables, était toujours en vigueur à la date du licenciement, la Cour d'appel a violé l'article 6 du Code civil, les articles 9 et 15 de la convention précitée, par fausse application et l'article 89 de l'ordonnance susvisée, par refus d'application, ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs ;
ALORS en tout état de cause que l'erreur n'est pas créatrice de droit et ne permet pas de déroger à une règle d'ordre public absolu ; que la référence de la Commune de VOH à la convention collective des personnels ouvriers et assimilés des services publics du territoire du 10 décembre 1980 lorsqu'elle a sollicité l'autorisation du directeur du travail avant le licenciement de Monsieur X... n'emporte ni application de ses dispositions, ni dérogation à la règle de l'article 89 susvisé ; qu'à supposer que la Cour d'appel ait entendu se fonder sur l'erreur commise par la Commune de VOH qui a sollicité l'autorisation du Directeur du travail, par méconnaissance du régime juridique applicable, une telle motivation est inopérante ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et les textes susvisés ;
ALORS enfin que la référence à une précédente décision rendue dans un litige différent ne peut servir de fondement au jugement ; qu'en se référant à un arrêt du 21 janvier 2000 qu'elle avait rendu dans un autre litige, entre des parties différentes, pour dire qu'elle avait déjà retenu l'application de la convention collective en dépit des dispositions de l'article 89 de la délibération du 13 novembre 1985, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.