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10/11/2010 | FRANCE | N°09-41452

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 novembre 2010, 09-41452


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 février 2009), que M. X..., salarié de la Coopérative agricole linière de région d'Abbeville depuis 1975, délégué syndical, a fait l'objet d'une procédure de licenciement à la suite de violences commises sur son supérieur hiérarchique ; que son licenciement a été autorisé par l'inspecteur du travail le 12 décembre 2002, et les recours contre cette autorisation successivement rejetés par le tribunal administratif, la cour d'appel et le

Conseil d'Etat ; que M. X... a été licencié pour faute grave par lettre du 1...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 février 2009), que M. X..., salarié de la Coopérative agricole linière de région d'Abbeville depuis 1975, délégué syndical, a fait l'objet d'une procédure de licenciement à la suite de violences commises sur son supérieur hiérarchique ; que son licenciement a été autorisé par l'inspecteur du travail le 12 décembre 2002, et les recours contre cette autorisation successivement rejetés par le tribunal administratif, la cour d'appel et le Conseil d'Etat ; que M. X... a été licencié pour faute grave par lettre du 16 décembre 2002 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit aux demandes du salarié alors, selon le moyen :
1°/ que le tribunal administratif a jugé, par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, que les accusations de harcèlement moral alléguées par le salarié n'étaient pas établies et que « les difficultés rencontrées par M. X... relèvent plus de tensions liées à l'organisation du travail et à la recherche de la productivité que d'une volonté délibérée de lui nuire en portant atteinte à ses droits et à sa dignité, en altérant sa santé physique ou mentale ou en compromettant son avenir professionnel » ; qu'en jugeant au contraire que les faits invoqués à l'appui du licenciement « doivent être considérés pour une large part comme réactionnels à la situation de harcèlement dans laquelle il se trouvait placé et avait été sciemment maintenu », la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs et violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;
2°/ que le tribunal administratif a jugé, par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, que les accusations de harcèlement moral alléguées par le salarié n'étaient pas établies et que « les difficultés rencontrées par M. X... relèvent plus de tensions liées à l'organisation du travail et à la recherche de la productivité que d'une volonté délibérée de lui nuire en portant atteinte à ses droits et à sa dignité, en altérant sa santé physique ou mentale ou en compromettant son avenir professionnel » ; qu'en jugeant au contraire que les faits invoqués à l'appui du licenciement « doivent être considérés pour une large part comme réactionnels à la situation de harcèlement dans laquelle il se trouvait placé et avait été sciemment maintenu », la cour d'appel a méconnu la décision du tribunal administratif et violé l'article 480 du code de procédure civile ;
3°/ que la violence physique et verbale sur un supérieur hiérarchique, a fortiori en présence de témoins, constitue une faute grave quel que soit le contexte qui l'a précédée ; qu'en excluant la qualification de faute grave aux motifs erronés que les faits reprochés au salarié « doivent être considérés pour une large part comme réactionnels à la situation de harcèlement dans laquelle il se trouvait placé et avait été sciemment maintenu », quand elle avait constaté que le salarié s'était rendu coupable d'une agression très violente sur la personne de son supérieur hiérarchique qui n'avait pas réagi et avait tenté de se protéger, et que cette violence faisait suite à de simples instructions de travail données par ce supérieur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;
4°/ qu'un fait isolé peut constituer une faute grave ; qu'en jugeant au contraire que la circonstance que M. X... n'ait jamais démérité ni fait montre d'acte de violence verbale ou physique était de nature à atténuer la gravité de son comportement, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;
5°/ que l'employeur, tenu à une obligation de sécurité de résultat, ne peut maintenir dans l'entreprise même pendant la durée du préavis un salarié qui a frappé violemment et insulté un autre salarié ; qu'en excluant au contraire dans de telles circonstances la qualification de faute grave, aux motifs erronés que les faits reprochés au salarié « doivent être considérés pour une large part comme réactionnels à la situation de harcèlement dans laquelle il se trouvait placé et avait été sciemment maintenu », la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
6°/ que la société produisait aux débats deux attestations de M. Y... et J... qui témoignaient de ce que M. X... les avait déjà agressés physiquement ; qu'en jugeant au contraire que M. X... n'avait jamais « fait montre d'acte de violence verbale ou physique », la cour d'appel a dénaturé par omission les documents susvisés et violé l'article 1134 du code civil ;
7°/ qu'en affirmant que l'absence injustifiée du salarié en avril 2001 avait été sanctionnée par un avertissement notifié le 24 avril 2001, quand il ressortait des conclusions de la société et de celles du salarié que cette absence n'avait jamais été sanctionnée, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le juge judiciaire reste compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute sur laquelle s'est fondée l'autorité administrative pour autoriser le licenciement d'un salarié protégé, au regard du droit aux indemnités de préavis et de licenciement ;
Et attendu que la cour d'appel ayant constaté que les faits commis par le salarié, à l'origine de son licenciement, étaient pour une large part imputables au comportement agressif et parfois menaçant de son supérieur hiérarchique dont l'employeur avait été informé sans prendre aucune mesure pour le faire cesser, c'est sans violer le principe de la séparation des pouvoirs qu'elle a pu, au vu de cette seule constatation, juger qu'ils n'étaient pas constitutifs d'une faute grave ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Coopérative agricole linière de région d'Abbeville aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Coopérative agricole linière de région d'Abbeville à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la Coopérative agricole linière de région d'Abbeville
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et non pas sur une faute grave et que M. X... avait été victime de faits de harcèlement moral en rapport avec son licenciement, et d'AVOIR en conséquence condamné l'employeur au payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement, de dommages intérêts pour harcèlement moral et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'en l'espèce, les faits ont été aussitôt sanctionnés dès qu'ils ont été portés à la connaissance de l'employeur, que ni leur réalité, ni leur imputabilité au salarié ne peuvent être discutés en l'état de l'autorisation de licenciement définitivement accordée par l'autorité administrative, laquelle fait également obstacle à toute contestation sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que concernant leur caractère de gravité et l'impossibilité de conserver le salarié même momentanément dans l'entreprise, que les violences physiques, voire verbales exercées par un salarié sur son lieu de travail envers ses collègues ou supérieurs hiérarchiques sont en principe constitutifs d'une faute grave justifiant une éviction immédiate de l'entreprise et n'autorisant plus la poursuite du contrat de travail même pendant la durée limitée du préavis ; qu'en l'espèce, MM. Z..., A... et B..., seuls témoins directs des faits, dont les déclarations concordantes ne sont pas utilement contredites, confirment la relation des faits donnée dans la lettre de licenciement et attestent du caractère violent de l'agression à la fois physique et verbale à laquelle le salarié s'est livré sur la personne de son supérieur hiérarchique, M. C..., lequel n'a pas réagi, se contentant de tenter de se protéger ; qu'il est également établi que les faits ont fait suite à de simples instructions de travail données à l'intéressé par le chef de teilleuse et relayées par M. C... ;
que pour contester la qualification de faute grave résultant a priori des considérations qui précèdent, M. X..., tout en relativisant le degré de violence qui lui est imputé, soutient que les faits du 27 novembre 2002 ne seraient en réalité que la conséquence du harcèlement moral dont il aurait été victime de la part de M. C... depuis la promotion de ce dernier aux fonctions de chef de poste ; (…) qu'en l'espèce, M. X... verse aux débats différentes pièces établissant l'existence de faits propres à laisser supposer l'existence d'une situation de harcèlement ; qu'il ressort notamment des attestations concordantes et non utilement contredites délivrées par un certain nombre de salariés de l'entreprise, au nombre desquels entre autres MM. D..., E..., G..., H..., I..., que M. X... était constamment agressé et mis sous pression par M. C... qui contredisait systématiquement et sans justification sa manière de travailler, lui rappelait sans cesse sa situation de subordonné, avec manifestement d'autre but que le souci d'asseoir son autorité, ainsi qu'en attestent les propos réitérés, assortis de menaces à peine voilée, de M. C... rapportés par un témoin « les vieux comme X... il faut les virer, ça coûte trop cher à l'usine, maintenant c'est moi le chef et c'est moi qui commande », « je vais prendre des jeunes pour pouvoir les dresser à ma façon », « si vous n'êtes pas content, je vous envoie au bureau » ;
qu'il est également établi que bien qu'ayant expressément autorisé le salarié, pompier volontaire, à s'absenter les 18 et 19 avril pour faire face à la situation engendrée par les inondations dans la région d'Abbeville, M. C... s'est opposé à sa reprise de travail le 20 avril, motif pris d'une prétendue absence injustifiée, de surcroît sanctionnée par un avertissement notifié le 24 avril suivant ; que les éléments du dossier font également apparaître qu'informé de ces actes et agissements à la fois par M. X... et par M. F..., délégué syndical permanent, l'employeur est resté sans réaction et n'a pris aucune mesure de sauvegarde, se contentant de qualifier d'inadaptés à la situation les propos et l'accusation de harcèlement moral ; qu'en l'état et si l'on considère d'une part que les pièces et documents médicaux versés aux débats établissent l'existence d'un grave syndrome dépressif réactionnel aux conditions de travail ayant contraint le salarié à interrompre sa prestation de travail et que l'employeur ne justifie par aucun élément objectif probant que les actes et agissements incriminés et portés à sa connaissance puissent être considérés comme étrangers à une situation de harcèlement, les actes commis par le salarié le 27 novembre 2002, à l'origine de son licenciement, doivent être considérés pour une large part comme réactionnels à la situation de harcèlement dans laquelle il se trouvait placé et avait été sciemment maintenu ;
que ces circonstances, ajoutées au fait que M. X... présent dans l'entreprise depuis 1975, n'avait jamais jusqu'à là démérité, ni fait montre d'acte de violence verbale ou physique, sont de nature à atténuer la gravité du comportement adopté par celui-ci le 27 novembre 2002 et à exclure par voie de conséquence la qualification de faute grave ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le tribunal administratif a jugé par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que les accusations de harcèlement moral alléguées par le salarié n'étaient pas établies et que « les difficultés rencontrées par M. X... relèvent plus de tensions liées à l'organisation du travail et à la recherche de la productivité que d'une volonté délibérée de lui nuire en portant atteinte à ses droits et à sa dignité, en altérant sa santé physique ou mentale ou en compromettant son avenir professionnel » ; qu'en jugeant au contraire que les faits invoqués à l'appui du licenciement « doivent être considérés pour une large part comme réactionnels à la situation de harcèlement dans laquelle il se trouvait placé et avait été sciemment maintenu », la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs et violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le tribunal administratif a jugé par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que les accusations de harcèlement moral alléguées par le salarié n'étaient pas établies et que « les difficultés rencontrées par M. X... relèvent plus de tensions liées à l'organisation du travail et à la recherche de la productivité que d'une volonté délibérée de lui nuire en portant atteinte à ses droits et à sa dignité, en altérant sa santé physique ou mentale ou en compromettant son avenir professionnel » ; qu'en jugeant au contraire que les faits invoqués à l'appui du licenciement « doivent être considérés pour une large part comme réactionnels à la situation de harcèlement dans laquelle il se trouvait placé et avait été sciemment maintenu », la cour d'appel a méconnu la décision du tribunal administratif et violé l'article 480 du code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la violence physique et verbale sur un supérieur hiérarchique, a fortiori en présence de témoins, constitue une faute grave quel que soit le contexte qui l'a précédée ; qu'en excluant la qualification de faute grave aux motifs erronés que les faits reprochés au salarié « doivent être considérés pour une large part comme réactionnels à la situation de harcèlement dans laquelle il se trouvait placé et avait été sciemment maintenu », quand elle avait constaté que le salarié s'était rendu coupable d'une agression très violente sur la personne de son supérieur hiérarchique qui n'avait pas réagi et avait tenté de se protéger, et que cette violence faisait suite à de simples instructions de travail données par ce supérieur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'un fait isolé peut constituer une faute grave ; qu'en jugeant au contraire que la circonstance que M. X... n'ait jamais démérité ni fait montre d'acte de violence verbale ou physique était de nature à atténuer la gravité de son comportement, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;
ALORS, DE CINQUIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'employeur, tenu à une obligation de sécurité de résultat, ne peut maintenir dans l'entreprise même pendant la durée du préavis un salarié qui a frappé violemment et insulté un autre salarié ; qu'en excluant au contraire dans de telles circonstances la qualification de faute grave, aux motifs erronés que les faits reprochés au salarié « doivent être considérés pour une large part comme réactionnels à la situation de harcèlement dans laquelle il se trouvait placé et avait été sciemment maintenu », la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
ALORS, DE SIXIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la société produisait aux débats deux attestations de M. Y... et J... qui témoignaient de ce que M. X... les avait déjà agressés physiquement ; qu'en jugeant au contraire que M. X... n'avait jamais « fait montre d'acte de violence verbale ou physique », la cour d'appel a dénaturé par omission les documents susvisés et violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, DE SEPTIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en affirmant que l'absence injustifiée du salarié en avril 2001 avait été sanctionnée par un avertissement notifié le 24 avril 2001, quand il ressortait des conclusions de la société (p. 25) et de celles du salarié (p. 13) que cette absence n'avait jamais été sanctionnée, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 03 février 2009


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 10 nov. 2010, pourvoi n°09-41452

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Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (président)
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 10/11/2010
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09-41452
Numéro NOR : JURITEXT000023057245 ?
Numéro d'affaire : 09-41452
Numéro de décision : 51002054
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2010-11-10;09.41452 ?
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