LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 janvier 2008), que Frederick X... était titulaire dans les livres de la Caisse de crédit mutuel (la caisse) d'un compte personnel et d'un compte joint avec M. Y... ; qu'après son décès, deux virements ont été effectués du compte personnel sur le compte joint ; que soutenant avoir subi un préjudice moral et financier à l'occasion de ces opérations, M. Antoine X..., son père, et Mmes Eva et Sandrine X..., ses soeurs, ont assigné la caisse en responsabilité ;
Attendu que M. Antoine X... et Mme Eva X... (les consorts X...) font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes de dommages-intérêts et de les avoir condamnés à payer à la caisse les sommes de 2 000 et 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel, ne pouvait sans se contredire, et priver ainsi sa décision de toute motivation en violation de l'article 455 du code de procédure civile, affirmer successivement que les conditions dans lesquelles sont intervenus les virements litigieux étaient indéterminées et se déterminer, pour exclure toute faute de la banque, en fonction d'une hypothèse suivant laquelle ces virements auraient été effectués par des ordres transmis via internet ;
2°/ qu'en statuant par un tel motif hypothétique, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°/ que la cour d'appel ne pouvait prétendre motiver sa décision par adoption des motifs eux-mêmes sur ce point dubitatifs des premiers juges sans à nouveau priver sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
4°/ que s'agissant des chèques réglés après le décès de M. X... pour le paiement de ses obsèques, la cour d'appel, en se bornant à dénier l'existence d'un quelconque préjudice financier compte tenu de la destination de ces fonds, dès lors que la succession aurait dû en toute hypothèse supporter lesdits frais d'obsèques, a par là même statué par un motif inopérant à écarter le préjudice moral dont se prévalaient également les exposants et a encore une fois privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu en premier lieu qu'après avoir relevé que sont indéterminées les conditions dans lesquelles les virements litigieux sont intervenus, qu'aucun élément ne permet de considérer que lors de ces virements, la caisse était informée du décès de Frédérick X... et que, même si les virements avaient été opérés par internet, la caisse ne pouvait savoir qu'ils étaient effectués par une tierce personne, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'aucune faute de la caisse n'est démontrée par les consorts X... au titre des deux virements ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a, sans se prononcer par des motifs contradictoires ou dubitatifs, légalement justifié sa décision ;
Attendu en second lieu qu'après avoir écarté l'existence d'un préjudice financier, dès lors que les chèques avaient été émis pour le paiement des frais d'obsèques et qu'en leur qualité d'héritiers de Frédérick X..., ils auraient dû supporter ces frais, la cour d'appel a souverainement estimé que les consorts X... ne justifiaient pas d'un préjudice moral ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juin 1991, rejette les demandes des consorts X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour M. X... et Mme Z....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Antoine X... et Madame Eva X..., épouse Z..., de leurs demandes de dommages et intérêts et de les avoir condamnés à payer à la Caisse de Crédit Mutuel les sommes de 2.000 et 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs que les conditions dans lesquelles sont intervenus les virements du compte personnel de Monsieur Frédérick X... sur le compte joint restent indéterminées ; qu'aucun élément ne permet de considérer que lors de ces virements le Crédit Mutuel était informé du décès de Monsieur Frédérick X... ; que si, comme l'a retenu le premier juge, les virements ont été réalisés par internet, ils l'ont été par un tiers connaissant les codes d'accès du titulaire du compte, sans que la banque puisse savoir qu'ils étaient effectués par une tierce personne ; qu'aucune faute du Crédit Mutuel n'est démontrée par les appelants au titre de ces deux virements ; qu'il en va de même pour le règlement de chèques après le décès de Monsieur Frédérick X..., sur lesquels les consorts X... ne produisent aucun justificatif ; que le Crédit Mutuel souligne à juste titre que ces effets ont été utilisés par Monsieur Y... pour le paiement des frais d'obsèques de son compagnon, les appelants, qui, en leur qualité d'héritiers de Monsieur Frédérick X..., auraient dû supporter ces frais, ne peuvent se prévaloir d'aucun préjudice à ce titre ;
Et aux motifs, ainsi repris des premiers juges, que toute banque, en dehors d'une procédure d'exécution forcée, ne peut opérer des opérations à partir d'un compte bancaire que sur ordre du titulaire du compte ou du titulaire d'une procuration sur ce compte ; qu'en l'espèce, il apparaît qu'à la suite du décès de Frédérick X... survenu le 4 mai 2003, deux virements ont été effectués à partir du compte propre de ce dernier aux dates des 6 et 7 mai 2003 en direction du compte de ce dernier commun avec Didier Y... ; que, bien entendu du fait du décès du titulaire de ce compte ces opérations n'ont pas pu être effectuées par ce titulaire ou par un titulaire d'une quelconque procuration jamais donnée et en tout état de cause non produite aux débats ; que ces virements sont donc effectués sans l'accord du titulaire du compte ; que, pour autant, il semble, sans que d'autres éléments ne soient produits sur ce point, que ces virements ont été réalisés par internet comme cela apparaît dans les motifs du jugement rendu le 10 novembre 2005 et dès lors, compte tenu des dispositifs de sécurité applicables dans ces virements par internet, il est certain que celui qui les a effectués a agi en connaissance des codes d'accès confiés au seul titulaire ; que dès lors, la banque à la réception de ces ordres de virement, dans lesquels matériellement elle n'est pas intervenue, ne pouvait pas savoir qu'ils étaient effectués par un tiers, Didier Y..., à qui ils ont bénéficié, et il ne peut lui être reproché aucune faute dans la gestion du compte dans la mesure où, par ailleurs, les demandeurs se contentent d'affirmer avoir avisé la banque dès le 5 mai 2003 sans en apporter le moindre commencement de preuve de ce fait sic qui aurait effectivement alors pu caractériser une faute de la Banque ;
Alors, de première part, que la Cour d'appel, ne pouvait sans se contredire, et priver ainsi sa décision de toute motivation en violation de l'article 455 du Code de procédure civile, affirmer successivement que les conditions dans lesquelles sont intervenus les virements litigieux étaient « indéterminées » et se déterminer, pour exclure toute faute de la banque, en fonction d'une hypothèse suivant laquelle ces virements auraient été effectués par des ordres transmis via internet ;
Alors, de deuxième part, et en toute hypothèse, qu'en statuant par un tel motif hypothétique, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Alors, de troisième part, que la Cour d'appel ne pouvait prétendre motiver sa décision par adoption des motifs eux-mêmes sur ce point dubitatifs des premiers juges sans à nouveau priver sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civile ;
Alors, enfin, que s'agissant des chèques réglés après le décès de Monsieur X... pour le paiement de ses obsèques, la Cour d'appel, en se bornant à dénier l'existence d'un quelconque préjudice financier compte tenu de la destination de ces fonds, dès lors que la succession aurait dû en toute hypothèse supporter lesdits frais d'obsèques, a par là même statué par un motif inopérant à écarter le préjudice moral dont se prévalaient également les exposants et a encore une fois privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;