La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2010 | FRANCE | N°09-12640

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 mai 2010, 09-12640


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Vu l'article 1719 du code civil, ensemble l'article 1709 du même code ;

Attendu que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 15 janvier 2009), que la société Cyval, venue aux droits de M. X..., est titulaire de deux baux qui ont été consentis à ce dernier le 22 octobre 1991 par la soci

été Pépinières Sallé-Proust, aux droits de laquelle se trouve la société Plandor, pour...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Vu l'article 1719 du code civil, ensemble l'article 1709 du même code ;

Attendu que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 15 janvier 2009), que la société Cyval, venue aux droits de M. X..., est titulaire de deux baux qui ont été consentis à ce dernier le 22 octobre 1991 par la société Pépinières Sallé-Proust, aux droits de laquelle se trouve la société Plandor, pour une durée de 9 ans ayant commencé à courir le 1er septembre 1990, le premier étant à l'origine un bail à ferme portant sur une parcelle de terre à usage d'exploitation horticole et de pépinière avec serres et hangar, d'une superficie d'un hectare environ, sise à Saint-Cyr en Val (Loiret), le second étant un bail commercial portant sur une superficie de 600 mètres carrés se trouvant à l'intérieur de l'ensemble de serres et halls du marché Plandor, domaine de Ligny à Saint-Cyr en Val et comportant autorisation de sous-louer ; que, du commun accord des parties, le bail à ferme a été transformé en bail commercial le 17 novembre 1992 ; qu'un jugement du 18 juin 2002, confirmé par un arrêt du 16 février 2006, rendu à la demande de la société Cyval, a ordonné une expertise afin de rechercher si les locaux et surfaces mis à la disposition de cette société étaient conformes à ceux donnés à bail ; qu'après dépôt du rapport de l'expert, la société Cyval a sollicité la résolution du bail commercial portant sur une superficie de 600 mètres carrés et le remboursement des loyers qu'elle a versés au titre de ce bail au motif que la bailleresse avait manqué dès l'origine à son obligation de délivrance ;

Attendu que, pour rejeter ces demandes, l'arrêt retient que l'expert a considéré que la superficie de 600 mètres carrés louée aux termes du bail commercial ne peut être localisée qu'à l'intérieur du périmètre des serres et autres bâtiments occupés par la société Cyval et loués au titre du seul bail initialement à ferme, qu'il conclut que l'assiette du bail commercial se confond avec une partie de la surface louée en vertu du bail à ferme transformé en bail commercial et que les 600 mètres carrés objet du bail commercial d'origine se trouvent situés à l'intérieur du périmètre des serres qui sont désignées pour une surface de 3 000 mètres carrés dans l'autre bail, mais que malgré cette impossibilité matérielle de distinguer l'objet des deux contrats, M. X... a déclaré dans le bail commercial d'origine connaître les lieux pour les avoir visités en détail, que cette mention se retrouve dans les actes de sous-location conclus par M. X..., que lorsqu'elle a fait l'acquisition de ce droit au bail commercial aujourd'hui litigieux, la société Cyval, en la personne de l'acquéreur auquel elle s'est ensuite substituée et dont elle tire ses droits, a elle-même déclaré "s'agissant du droit au bail cédé : prendre les lieux dans leur état actuel sans recours contre le cédant.. déclarant bien les connaître pour les avoir vus et visités", que le loyer de ce bail a été effectivement payé et que ces éléments concordent tous à établir que la chose objet du bail a d'emblée et constamment été délivrée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une chose délivrée en vertu d'un premier contrat de bail ne peut matériellement faire l'objet d'une seconde délivrance, la cour d'appel, qui a constaté que la chose objet du bail commercial était déjà incluse dans le bail à ferme et qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée ;

Condamne la société Plandor aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Plandor ; la condamne à payer à la société Cyval la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Cyval

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Cyval de sa demande de résolution du bail commercial initial daté du 22 octobre 1991 et de sa demande de restitution des loyers, D'AVOIR dit que les deux baux conclus le 22 octobre 1991 étaient indissociables et D'AVOIR condamné la société Cyval à payer à la société Plandor une somme au titre des loyers restant dus sur une période allant du 1er septembre 1999 au 30 novembre 2008 ;

AUX MOTIFS QU'en concluant le bail commercial en vertu duquel il prenait en location « une superficie de 600 m2 se trouvant à l'intérieur de l'ensemble de serres et halls du marché Plandor, Domaine de Ligny, 500 route des pépinières à Saint Cyr en Val... », Monsieur X... a déclaré dans l'acte «connaître parfaitement les lieux pour les avoir visités en détail... » ; que par une mention manuscrite apposée à coté de sa signature au pied de cet acte, le bailleur a d'emblée autorisé le preneur à sous-louer à la SARL fleurs van Der Mey ; que par acte du surlendemain, Monsieur X... a sous-loué à ladite société Fleur van Der Mey une partie des biens ainsi loués, constituée d' « une salle climatisée pour fleurs coupées d'une superficie d'environ 250 m2 et d'une chambre de stockage d'une superficie d'environ 100 m2, le tout se trouvant à l'intérieur de l'ensemble de serres et halls du marché Plandor, Domaine de Ligny, 500 route des Pépinières à saint Cyr en Val... » ; que cet acte s'ouvre par l'exposé des droits de Monsieur X... sur ces biens, dont l'indication qu'il les tenait d'un bail commercial conclu le 22 octobre 1991 avec les pépinières Salle-Proust et le rappel d'une part, de leur désignation dans les mêmes termes soit donc « une superficie de 600 m2 se trouvant à l'intérieur de l'ensemble de serres et halls du marché Plandor, Domaine de Ligny, 500 route des Pépinières à Saint-Cyr en Val...», et d'autre part de ce qu'il les connaissait parfaitement pour les avoir visités en détail et les prenait tels qu'ils se trouvaient sans qu'il fût nécessaire de les décrire davantage ; que le sous-locataire a luimême déclaré dans l'acte «connaître parfaitement les lieux pour les avoir visités en détail et les prendre tels qu'ils s'étendent, se poursuivent et se comportent... » ; qu'il n'est ni démontré, ni soutenu qu'une difficulté quelconque se soit jamais fait jour entre le locataire et le sous-locataire quant à l'effectivité de la mise à disposition de l'objet de cette sous-location ; qu'après la société Van Der Mey, Monsieur X... a conclu dans les mêmes termes et avec les mêmes mentions que celles qui viennent d'être rappelées, un contrat de sous-location pour le même objet soit toujours cette « ...superficie de 600 m2 se trouvant à l'intérieur de l'ensemble de serres et halls du marché Plandor, Domaine de Ligny, 500 Route des Pépinières à saint-Cyr en Val...» avec une SARL Le Plantage, aux termes d'un acte non daté précisant toutefois que cette sous-location « commençait à courir le 1er février 1994 pour se terminer, comme les baux principaux, le 31 août 1999 » ; que là encore, le sous-locataire a lui-même déclaré dans l'acte « connaître parfaitement les lieux pour les avoir visités en détail et les prendre tels qu'ils s'étendent, se poursuivent et se comportent... », et il n'est ni démontré, ni soutenu, qu'une difficulté quelconque soit survenue au titre de l'effectivité de la mise à disposition de l'objet de cette sous-location ; qu'il est également à relever que dans un acte distinct qualifié « protocole d'accord », dépourvu de date mais contenant l'indication qu'il était conclu le même jour que la sous-location, et instituant un surloyer à la charge de la société Le Plantage au profit de Monsieur X..., l'exposé préalable énonce de même que « les Etablissements Horticole X... exercent leur activité d'horticulture dans les locaux sis à Saint-Cyr en Val, Domaine de Ligny, Marché Plandor, 500 Rue des Pépinières, loués aux Pépinières Salle-Proust par deux baux, l'un commercial, l'autre à ferme transformé en bail commercial par lettre du 17 novembre 1992 » ; qu'encore le 10 janvier 1996, Monsieur X... consentait une promesse de sous-location en tête de laquelle figurent à titre d'exposé ces mêmes indications relatives aux deux baux ; que lorsqu'elle a fait l'acquisition, parmi d'autres actifs de Monsieur X..., de ce droit au bail commercial aujourd'hui litigieux, la société Cyval - en la personne de l'acquéreur auquel elle s'est ensuite substituée et dont elle tire ses droits -a elle-même déclaré « s'agissant du droit au bail cédé : prendre les lieux dans leur état actuel sans recours contre le cédant, ... déclarant bien les connaître pour les avoir vus et visités » ; que le loyer de ce bail a été effectivement payé ; que ces éléments concordent tous à établir que la chose objet du bail a d'emblée et constamment été délivrée ; que l'expert considère aux termes d'une analyse minutieuse que la superficie de 600 m2 louée aux termes du bail commercial n'est pas située à l'extérieur des locaux actuellement occupés et ne peut être localisée qu'à l'intérieur du périmètre des serres et autres bâtiments occupés par la société Cyval et loués au titre du seul bail initialement à ferme ; qu'il conclut que l'assiette du bail commercial se confond avec une partie de la surface louée en vertu du bail à ferme transformé en bail commercial ; qu'au vu de cette impossibilité de distinguer matériellement l'objet des deux contrats ; que la relative imprécision dans la définition de l'objet respectif des deux conventions puisque les surfaces visées au bail à ferme transformé sont approximatives et que la superficie concernée par le bail commercial d'origine n'est pas localisée autrement que dans le « marché Plandor » lesquels est situé dans le susdit Domaine de Ligny ; que l'expert judiciaire confirme l'affirmation de la société Plandor selon laquelle les lieux sous-loués par Monsieur X... à l'entreprise Fleurs Van Der Mey au visa de sa propre location des 600 m2 objet du bail commercial d'origine se trouvaient situés à l'intérieur du périmètre des serres qui sont désignées pour une surface de 3000 m2 dans l'autre bail ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE si l'expert n'a pu identifier matériellement la surface de 600 m2 donnée à bail par la société Plandor à la société Cyval au titre du bail commercial, il a néanmoins conclu que cette surface se trouve incluse dans le périmètre des locaux désignés dans le bail à ferme devenu commercial et qu'elle a fait l'objet d'une double location conformément à la commune intention des parties ; que de fait les pièces versées aux débats, qui ont également été soumises à l'expert, permettent en premier lieu de relever que le bail à ferme et le bail commercial consentis initialement par la société Pépinières Salle-Proust aux établissements horticoles X... ont été établis à la même date, soit le 22 octobre 1991 et pour une durée identique de neuf années à compter du 1er septembre 1990 ; qu'il apparaît également que le bail commercial du 22 octobre 1991 spécifie que la superficie de 600 m2 donnée à bail se trouve à l'intérieur de l'ensemble de serres et halls du marché Plandor, Domaine de Ligny, 500 Route des Pépinières à Saint-Cyr en val, soit au sein même des biens par ailleurs donnés en location dans le cadre du bail à ferme ; qu'il figure également sur ce bail sous la mention lu et approuvé « Autorisation de sous-location à Fleurs Van Der Mey Sarl » ; que la société Plandor verse aux débats le contrat de sous-location qui a été effectivement conclu entre la société précitée et les établissements horticoles X... le 24 octobre 1991, soit deux jours après le bail commercial ; qu'il ressort de ce contrat de bail que le loyer est d'un montant annuel de 150 000 francs HT, soit strictement identique au montant du loyer prévu dans le bail commercial liant la société pépinières Salle-Proust aux établissements horticoles Dumais ; qu'il apparaît également que les locaux donnés à bail consiste en une salle de vente climatisée pour les fleurs coupées d'une superficie d'environ 250 m2, d'une chambre de stockage d'une superficie d'environ 100 m2 se trouvant à l'intérieur de l'ensemble de serres et halls du marché Plandor Domaine de Ligny, 500 Route de Pépinières à Saint-Cyr en Val;

ALORS. D'UNE PART, QUE le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer au preneur la chose louée ; qu'un bien délivré en vertu d'un premier contrat de bail ne peut matériellement faire l'objet d'une seconde délivrance ; qu'en l'espèce la Cour d'appel qui constate que la chose objet du bail commercial était déjà incluse dans le bail à ferme mais dit néanmoins qu'il a été satisfait à l'obligation de délivrance dans le bail commercial et violé l'article 1719 du Code civil ;

ALORS. D'AUTRE PART, QUE le juge ne peut retenir que l'obligation de délivrance a été satisfaite sans identifier précisément et matériellement la consistance de la chose louée ; qu'en retenant que le bailleur avait rempli son obligation de délivrance en vertu du bail commercial initial quand elle constatait par ailleurs qu'il était « impossible de distinguer matériellement l'objet » des deux contrats de bail et qu'il existait une «relative imprécision dans la définition de l'objet respectif des deux conventions » (arrêt p. 8, 2eme §), la Cour d'appel a violé l'article 1719 du Code civil ;

ALORS, ENCORE. QU'en s'abstenant totalement de répondre aux conclusions d'appel de la société Cyval qui faisaient valoir que le bailleur n'avait pas satisfait à son obligation de délivrance en vertu du bail commercial initial dans la mesure où elle devait, au titre des deux baux, disposer « d'une surface totale de 5 200 m2 : 4 600 m2 au titre du bail à ferme et 600 m2 au titre du bail commercial» et qu'elle n'occupait réellement, comme l'a conclu l'expert, qu'une surface de « 4 260 m2 correspondant aux locaux désignés dans le bail à ferme » (conclusions d'appel, p. 8, 4eme §), la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS. ENFIN. QU'en déduisant d'une part, de la clause du bail selon laquelle le preneur avait déclaré connaître les lieux pour les avoir vus et visités et d'autre part, de la circonstance qu'une partie des biens loués en vertu du bail commercial initial avait fait l'objet de sous-locations successives que le bailleur avait respecté son obligation de délivrance, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1719 et 1765 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-12640
Date de la décision : 19/05/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL (règles générales) - Bailleur - Obligations - Délivrance - Objet - Détermination

Une chose délivrée en vertu d'un premier contrat de bail ne peut matériellement faire l'objet d'une seconde délivrance


Références :

articles 1709 et 1719 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 15 janvier 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 mai. 2010, pourvoi n°09-12640, Bull. civ. 2010, III, n° 96
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, III, n° 96

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Bailly
Rapporteur ?: M. Assié
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.12640
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award