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17/03/2010 | FRANCE | N°08-44127

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mars 2010, 08-44127


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 mai 2008), que Mme X..., engagée à compter du 28 septembre 1987 en qualité de rédactrice par la société Euravie devenue la société Alico, et nommée adjointe de rédaction avec le statut cadre à partir du 1er septembre 1991, a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le 9 janvier 2006, après son retour d'un congé parental d'éducation ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir qu'il soit j

ugé que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause rée...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 mai 2008), que Mme X..., engagée à compter du 28 septembre 1987 en qualité de rédactrice par la société Euravie devenue la société Alico, et nommée adjointe de rédaction avec le statut cadre à partir du 1er septembre 1991, a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le 9 janvier 2006, après son retour d'un congé parental d'éducation ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir qu'il soit jugé que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et demander la condamnation de la société à lui payer des sommes à titre d'indemnités de rupture et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur par la salariée est justifiée, et de la condamner en conséquence à lui payer des sommes à titre d'indemnité de préavis, congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement injustifié, alors, selon le moyen :
1°/ qu'à l'issue du congé parental, le salarié retrouve son précédent emploi ou, si celui-ci n'est plus disponible un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente ; qu'en l'espèce, en raison de la cessation d'activité de la branche dans laquelle travaillait Mme X..., l'emploi précédemment occupé par cette dernière n'existait plus à l'issue de son congé parental, de telle sorte que la société Alico était en droit de lui proposer un emploi similaire ; que le poste "gestionnaire grande branche" proposé à Mme X... était situé à La Défense, à temps partiel (80 %) avec prise du jour de repos le mercredi, exactement comme c'était le cas du poste initial ; qu'il relevait du statut "cadre", classe 5 de la convention collective, avec maintien de la rémunération et de l'ensemble des éléments contractuels et que si la tâche confiée à Mme X... était quelque peu différente de celle qu'elle exécutait antérieurement, elle correspondait néanmoins totalement à sa qualification professionnelle ; qu'en retenant que Mme X... était en droit de refuser ce poste du fait que celui-ci aurait été "moins valorisant" compte tenu de l'obligation de reporter à un salarié ne faisant pas partie de l'encadrement, la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant et a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1225-55 du code du travail ;
2°/ qu'il en va d'autant plus ainsi qu'aucune disposition du contrat de travail ni de la convention collective applicable ne garantissait un droit à Mme X... d'avoir à reporter son activité auprès d'une catégorie de salariés ayant un rang hiérarchique supérieur au sien ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1225-55 du code du travail ;
3°/ que dans l'offre faite par l'employeur, ce dernier précisait bien que l'obligation pour les salariés du service "gestionnaires grande branche" de reporter à un salarié non cadre résultait d'une organisation tout à fait ponctuelle et temporaire, dans l'attente de la prochaine création du pôle "relations clients" ; qu'en considérant que cette situation temporaire et limitée permettait de retenir l'existence d'une modification du contrat de travail de Mme X..., la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1225-55 du code du travail ;
4°/ qu'il en va d'autant plus ainsi qu'en matière contractuelle, la bonne foi est toujours présumée ; qu'en reprochant à la société Alico de ne pas avoir établi de manière positive que l'obligation de reporter à un salarié non cadre était seulement temporaire, cependant que l'engagement stipulé dans les écrits remis à Mme X... se suffisait à lui-même, puisqu'il permettait à la salariée, le cas échéant, de faire constater un éventuel manquement de son employeur et d'en tirer toutes conséquences de droit, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1231-1 et L. 1225-55 du code du travail, et 2268 du code civil ;
5°/ qu'il était constant aux débats que Mme X... avait pris acte de la rupture sans prendre le temps d'expérimenter ses nouvelles fonctions de "gestionnaire grande branche senior", quelques jours à peine après que cette offre lui avait été faite et alors que le contrat de travail était de nouveau suspendu, pour cause de maladie ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il n'en résultait pas que la salariée avait agi avec précipitation dans le seul but de provoquer la rupture du contrat, manquant ainsi à son devoir de loyauté de sorte que la prise d'acte de la rupture était injustifiée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail, ensemble les articles 1184 et 2268 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant rappelé que selon l'article L. 1225-55 du code du travail, à l'issue du congé parental d'éducation ou de la période de travail à temps partiel ou dans le mois qui suit la demande motivée de reprise de l'activité initiale mentionnée à l'article L. 1225-52, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente, la cour d'appel, qui a relevé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve, que le poste de travail de la salariée ayant été supprimé, il lui avait été proposé par l'employeur un poste comportant des fonctions qui étaient moins valorisantes que les précédentes, ne correspondaient pas à sa classification conventionnelle, et dont elle devait s'acquitter sous le contrôle d'une personne d'un statut inférieur au sien, a pu décider que l'emploi offert n'était pas similaire à celui qu'elle occupait précédemment ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Alico aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Alico à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Alico.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur par Madame X... était justifiée, et d'AVOIR en conséquence condamné la Société ALICO lui à payer les sommes de 5.933,38 € à titre d'indemnité de préavis, 593,33 € au titre des congés payés y afférents, 18.872,48 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié ;
AUX MOTIFS QUE : « Sur les effets de la prise d'acte : que lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire ; que par courrier du 9 janvier 2006, Madame X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail au motif que l'employeur, en ne la réintégrant pas sur son précédent poste et en ne lui proposant aucun emploi équivalent, n'avait pas respecté ses obligations légales et contractuelles ; que selon l'article L. 122-28-3, à l'issue du congé parental d'éducation, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ; qu'il résulte des éléments du dossier que le poste d'adjoint de production précédemment occupé par Madame X..., dégagé de sa composante, EPARGNE et transféré à ASNIERES, n'était plus disponible à la date du retour envisagé de la salariée au sein de la société ; qu'a été alors proposé à la salariée un poste de Responsable Outils et Qualité, de classe 5, pour lequel, ainsi que le démontrent les courriels adressés les 15 et 18 novembre par Madame X... au service des ressources humaines, celle-ci a manifesté son intérêt ; que par courrier du 20 décembre 2006, l'employeur faisait savoir à Madame X... que l'emploi qui lui avait ainsi été proposé l'avait été également à deux autres personnes et que l'une d'entre elles, qui avait accepté cet emploi, venait de prendre ses fonctions en qualité de non cadre ; que Madame X... ne pouvait prétendre à une priorité sur un poste qu'elle n'avait jamais occupé par le passé et qu'elle n'a pas expressément accepté ; que par courrier du 28 novembre 2005, soit 3 jours avant l'expiration de son congé parental, Madame X... faisait part à M. Y..., Secrétaire Général de la société, du fait qu'aucun poste ne lui avait encore été proposé en vue de sa réintégration ; que par courrier du 30 novembre 2005, M. Y... proposait alors à Madame X... le poste de Gestionnaire Grande Branche Senior sur le site de La Défense et lui précisait que son statut, sa rémunération et son temps partiel à 80 % ne subiraient pas de modification ; qu'était toutefois jointe à ce courrier une fiche de poste faisant apparaître la classification 4 de l'emploi proposé dont il était par ailleurs précisé qu'il était placé sous la hiérarchie du Chef de Groupe Administration Grande Branche ; que Madame X... ayant exprimé son désaccord, M. Y..., par courrier du 2 décembre 2004, expliquait à la salariée, en l'invitant à prendre son poste dès le 5 décembre suivant, que la mention de la classification 4 relevait d'une "coquille" sur la fiche de poste et que son statut de cadre (Classe 5) lui serait bien maintenu ; qu'il n'en demeure pas moins que les tâches énumérées par la fiche descriptive du poste ne s'apparentent pas, selon les critères de conception, d'autonomie et de contribution retenus par l'annexe numéro 1 de la Convention Collective, aux tâches relevant de la classe 5 ; que, tout en affirmant que le poste proposé était équivalent à celui occupé par Madame X... avant son congé, M. Y... reconnaissait dans le courrier susvisé : " Il est vrai que le poste est encadré par un collaborateur non cadre de l'entreprise, mais l'ensemble du service Administration Grande Branche se situe dans un contexte de transition vers la création d'un grand pôle "Relations Clients". Dans ce cadre, pendant l'élaboration du projet, nous acceptons certaines situations de ce type" ; que l'employeur qui présente la situation comme n'étant que temporaire dans l'attente de la mise en place du grand pôle Relations Clients" ne verse au dossier aucune pièce probante attestant l'évolution de l'organigramme de la société qui irait dans le sens de ses allégations ; que si aucun élément du dossier n'est de nature à établir que Madame X... exerçait réellement auparavant les fonctions de Responsable Mass Marketing, ce qui est du reste formellement contesté par l'employeur, rien n'établit non plus que la salariée aurait eu, par le passé, à rendre compte de son activité à un agent hiérarchiquement moins élevé qu'elle ; qu'en conséquence, en dépit du maintien de sa rémunération et de son statut de cadre, Madame X..., à laquelle il a été proposé des fonctions moins valorisantes que celles qui étaient les siennes avant son départ en congé et dont au surplus elle aurait du s'acquitter sous le contrôle d'une personne relevant d'un statut inférieur au sien, s'est trouvée fondée à considérer que l'emploi offert n'était pas similaire à celui qu'elle occupait précédemment ; que l'employeur n'ayant pas respecté les obligations mises à sa charge par l'article L. 122-28-3 du Code du Travail, la prise d'acte de Madame X... produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que compte tenu de l'âge de la salariée, de son ancienneté au sein de l'entreprise, de son aptitude à trouver un emploi et des pièces justificatives produites, l'employeur sera condamné à verser à Madame X... la somme de 20.000 € en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement ; que la décision prud'homale qui a débouté Madame X... de sa demande sera infirmée » ;

ALORS, D'UNE PART QU'à l'issue du congé parental, le salarié retrouve son précédent emploi ou, si celui-ci n'est plus disponible un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente ; qu'en l'espèce, en raison de la cessation d'activité de la branche dans laquelle travaillait Madame X..., l'emploi précédemment occupé par cette dernière n'existait plus à l'issue de son congé parental, de telle sorte que la Société ALICO était en droit de lui proposer un emploi similaire ; que le poste « Gestionnaire Grande Branche » proposé à Madame X... était situé à La Défense, à temps partiel (80%) avec prise du jour de repos le mercredi, exactement comme c'était le cas du poste initial ; qu'il relevait du statut « cadre », classe 5 de la Convention Collective, avec maintien de la rémunération et de l'ensemble des éléments contractuels et que si la tâche confiée à Madame X... était quelque peu différente de celle qu'elle exécutait antérieurement, elle correspondait néanmoins totalement à sa qualification professionnelle ; qu'en retenant que Madame X... était en droit de refuser ce poste du fait que celui-ci aurait été « moins valorisant » compte tenu de l'obligation de reporter à un salarié ne faisant pas partie de l'encadrement, la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant et a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1225-55 L. 121-1, L. 122-4 et L. 122-28-3 anciens du Code du travail ;
QU' il en va d'autant plus ainsi qu'aucune disposition du contrat de travail ni de la convention collective applicable ne garantissait un droit à Madame X... d'avoir à reporter son activité auprès d'une catégorie de salariés ayant un rang hiérarchique supérieur au sien ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1225-55 L. 121-1, L. 122-4 et L. 122-28-3 anciens du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE dans l'offre faite par l'employeur, ce dernier précisait bien que l'obligation pour les salariés du service « Gestionnaires Grande Branche » de reporter à un salarié non cadre résultait d'une organisation tout à fait ponctuelle et temporaire, dans l'attente de la prochaine création du pôle « Relations Clients » ; qu'en considérant que cette situation temporaire et limitée permettait de retenir l'existence d'une modification du contrat de travail de Madame X..., la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1225-55 L. 121-1, L. 122-4 et L. 122-28-3 anciens du Code du travail ;
QU' il en va d'autant plus ainsi qu'en matière contractuelle, la bonne foi est toujours présumée ; qu'en reprochant à la Société ALICO de ne pas avoir établi de manière positive que l'obligation de reporter à un salarié non cadre était seulement temporaire (arrêt p. 5, al. 4), cependant que l'engagement stipulé dans les écrits remis à Madame X... se suffisait à lui-même, puisqu'il permettait à la salariée, le cas échéant, de faire constater un éventuel manquement de son employeur et d'en tirer toutes conséquences de droit, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1231-1 et L. 1225-55 L. 121-1, L. 120-4, L. 122-4 et L. 122-28-3 anciens du Code du travail, et 2268 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QU' il était constant aux débats que Madame X... avait pris acte de la rupture sans prendre le temps d'expérimenter ses nouvelles fonctions de « Gestionnaire Grande Branche Senior », quelques jours à peine après que cette offre lui avait été faite et alors que le contrat de travail était de nouveau suspendu, pour cause de maladie ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il n'en résultait pas que la salariée avait agi avec précipitation dans le seul but de provoquer la rupture du contrat, manquant ainsi à son devoir de loyauté de sorte que la prise d'acte de la rupture était injustifiée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1222-1 du Code du travail, ensemble les articles 1184 et 2268 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44127
Date de la décision : 17/03/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 06 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 mar. 2010, pourvoi n°08-44127


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44127
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