La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2010 | FRANCE | N°08-44564;08-44565

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 mars 2010, 08-44564 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° E 08-44.564 et F 08-44.565 ;

Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu l'article 3.1.3 de l'annexe I du dévret n° 91-660 du 11 juillet 1991;
Attendu, selon ce texte, que tout membre de l'équipage doit s'abstenir d'exercer ses fonctions dès qu'il ressent une déficience quelconque de nature à lui faire croire qu'il ne remplit pas les conditions d'aptitude nécessaires à l'exercice de ses fonctions ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mmes

X... et Y... engagées en qualité d'hôtesse de l'air respectivement les 1er novemb...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° E 08-44.564 et F 08-44.565 ;

Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu l'article 3.1.3 de l'annexe I du dévret n° 91-660 du 11 juillet 1991;
Attendu, selon ce texte, que tout membre de l'équipage doit s'abstenir d'exercer ses fonctions dès qu'il ressent une déficience quelconque de nature à lui faire croire qu'il ne remplit pas les conditions d'aptitude nécessaires à l'exercice de ses fonctions ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mmes X... et Y... engagées en qualité d'hôtesse de l'air respectivement les 1er novembre 2001 et 4 janvier 1996 par la société Corse Méditerranée Airlines ont fait l'objet d'une mise à pied de sept jours prononcée le 11 juin 2004 pour avoir refusé d'effectuer un vol le 21 mars 2004 ;
Attendu que pour rejeter les demandes en annulation de ces sanctions, la cour d'appel a retenu que les salariées n'ont pas spontanément averti leur employeur de l'état de fatigue les empêchant d'effectuer le vol demandé mais ont invoqué cet état pour refuser la modification de planning tout en assurant dans le même temps le vol initialement prévu comparable quant à la durée et aux sujétions à bord ;
Qu'en statuant ainsi alors que le devoir d'abstention que prévoit l'article 3.1.3 de l'annexe I du code de l'aviation civile ne dépendant que de la seule appréciation subjective que porte le membre d'équipage sur son aptitude au vol dont il est chargé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 30 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Annule les mises à pied de Mmes X... et Y... prononcées le 11 juin 2004 ;
Condamne la société Corse Méditerranée Airlines aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Corse Méditerranée Airlines à payer à Mmes X... et Y... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi n° E08-44.564 par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR refusé d'annuler la sanction de mise à pied de sept jours infligée à la salariée et de l'avoir déboutée de sa demande de rappel de salaire ;
AUX MOTIFS QUE le 21 mars 2004, il a été demandé à Mme X... d'effectuer le vol Marseille-Rome en remplacement d'un agent devenu indisponible, au lieu du vol Marseille-Ajaccio sur lequel elle était programmée, ce qu'elle a refusé au motif qu'elle était dans l'incapacité physique d'accomplir ce travail ; qu'après convocation de la salariée à un entretien préalable tenu le 26 mai 2004, la C.C.M a sanctionné ce refus par une mise à pied de sept jours, au motif que l'état de fatigue invoqué n'était pas réel et qu'alors, le refus injustifié d'un ordre de service constituait un manquement aux obligations contractuelles ; qu'à l'appui de sa demande d'annulation de la sanction, Mme X... soutient qu'elle n'a fait qu'appliquer l'article 3.1.3 des règles générales de l'aviation civile issues du décret 91-660 du 11 juillet 1991, qui indique que « tout membre de l'équipage doit s'abstenir d'exercer ses fonctions dès qu'il ressent une déficience quelconque de nature à lui faire croire qu'il ne remplit pas les conditions d'aptitude nécessaires à l'exercice de ses fonctions », et reprises dans l'annexe à l'arrêté du 12 mai 1997 aux termes duquel « un membre de l'équipage ne doit pas exercer de fonctions sur un avion s'il sait, ou pense, qu'il est fatigué ou s'il ne se sent pas en état au point que le vol puisse être mis en danger » (O.P.S 1.085) ; qu'elle ajoute que l'appréciation de l'état de fatigue appartient en propre au membre d'équipage l'invoquant, sans que soit exigée la production d'un certificat médical, et que cette règle édictée dans l'intérêt de la sécurité des passagers s'impose à l'employeur ; que toutefois, il ressort des faits de l'espèce d'une part, que Mme X... n'a pas spontanément averti l'employeur qu'elle ressentait un état de fatigue l'empêchant d'embarquer et d'effectuer son service à bord, conformément aux termes de l'article 3.1.3 ci-dessus, mais qu'elle a seulement invoqué cet état à l'appui de son refus de la modification de planning qui venait de lui être demandée en raison de la nécessité de faire face en urgence à l'absence de personnel de cabine disponible pour effectuer le vol Marseille-Rome, et d'autre part, que l'intéressée a pu dans le même temps assurer le vol Marseille-Ajaccio comme prévu initialement ; qu'elle n'explique pas en quoi, dans un laps de temps très proche, son état lui interdisait d'effectuer le vol Marseille-Rome et lui permettait d'effectuer le vol Marseille-Ajaccio, par ailleurs comparables quant à la durée et aux sujétions du service à bord ; qu'il résulte de ces constatations que l'employeur est fondé à considérer que la salariée ne remplissait pas les conditions permettant la mise en oeuvre de l'article 3.1.3 ci-dessus, car l'état de fatigue invoqué, s'il avait été avéré, aurait dû la conduire à s'abstenir, dans l'intérêt de la sécurité des passagers, d'exercer ses fonctions sur l'un et l'autre vol, et que par voie de conséquence, son refus d'assurer le vol Marseille-Rome n'est pas justifié ; qu'enfin la CCM établit, et ce n'est pas contesté par madame X..., les nécessités de services liées à des circonstances exceptionnelles ayant imposé de modifier en urgence le planning de vol de la salariée, laquelle ne pouvait pas s'y opposer sans motif valable ;
ALORS QU'il ressort de l'article 3.1.3 de l'annexe I du Code de l'aviation civile, l'employeur n'est pas autorisé à contester, sauf abus de droit, le refus d'un salarié d'assurer un vol lorsque celui-ci affirme ressentir « une déficience de nature à lui faire croire qu'il ne remplit pas les conditions d'aptitude nécessaires à l'exercice de ses fonctions » ; que pour déclarer le refus de la salariée injustifié, la Cour d'appel a estimé qu'il s'agissait seulement d'un refus de la modification de son planning motivé par son état de fatigue ; qu'il ressort pourtant de ces constatations que la salariée s'est abstenue d'effectuer une rotation Marseille-Rome et a motivé sa décision par un état de fatigue ; qu'en déclarant néanmoins la sanction du refus de voler justifiée, la Cour d'appel a violé l'article 3.1.3 de l'annexe I du Code de l'aviation civile par refus d'application ;
ALORS QU'il était établi, d'une part, que la salariée devait terminer son service par un Marseille-Ajaccio, lieu de son domicile, et d'autre part, qu'il lui avait été demandé de faire, une fois à Marseille, non pas un vol Marseille-Rome, mais une rotation Marseille-Rome-Marseille, soit deux vols au lieu d'un, avec un retour sur Ajaccio retardé d'autant ; qu'en déclarant néanmoins que les vols Marseille-Rome et Marseille-Ajaccio étaient comparables quant à la durée pour en déduire que son refus était injustifié, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et partant violé l'article 4 du Code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi n° F 08-44.665 par la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme Y...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société BERLITZ FRANCE à payer à Monsieur Z... des sommes à titre de rappel de salaire correspondant au temps de préparation, de recherche et des autres activités pour la période courant de mai 1994 à octobre 2001, de rappels de gratification et de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour non-respect des obligations contractuelles et conventionnelles, et d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et à établir les bulletins de salaire rectificatifs afférents ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Z... a été embauché par la Société BERLITZ FRANCE en qualité de formateur en russe à partir du 9 avril 1993 juin 1992 selon lettre en date du 8 avril 1993; qu'il est noté : « Vous nous avez déclaré pouvoir consacrer quelques heures par jour à l'enseignement du russe . Votre rémunération sera alors réglée au prorata des leçons effectivement données sur la base horaire prévue (53,90 F par unité de 40 minutes de cours). S'ajoutent à ceci les gratifications : 8,33 % du salaire brut, les congés payés » ;
QUE selon les dispositions de la convention applicable, le temps de travail des formateurs se décompose en : - face à face pédagogique, FFP, devenu action de formation AF, - préparation, recherche et autres activités, PRAA, devenu préparation, recherche et activités connexes, PRAC, se répartissant dans un rapport de 70/30 (article 10-3) ; qu'il est rappelé par les parties que l'article 6 de la convention collective n'impose de faire figurer expressément sur les bulletins de paie les heures rémunérées au titre du temps de préparation « en sus des heures de FFP » que dans le cadre des contrats à durée indéterminée intermittents ; que sur les bulletins de paie remis à Monsieur Z... par l'employeur ne figure aucune distinction entre le temps de FFP et de PRAA ; qu'apparaissent seulement la valeur de l'unité langue B, le nombre d'heures prestées déterminant le salaire réglé ; que le salarié ne revendique aucunement dans la présente instance le bénéfice d'un contrat de travail intermittent ;
QUE Monsieur Z... soutient n'avoir été réglé que de ses seules heures FFP sans prise en compte du temps de PRAA, pourtant l'accessoire obligatoire des heures de cours effectuées ; que la Société BERLITZ FRANCE soutient que le taux de l'unité servie au salarié rémunère aussi bien le FFP que le PRAA ;
QUE d'une part, lors de la signature du contrat de travail, il n'est pas indiqué que le salarié ait eu connaissance de la convention collective qui dispose de l'existence d'un FFP et d'un PRAA ; que, d'autre part, l'employeur n'a énoncé dans le contrat que la mention de « leçons effectivement données », ce qui ne permet pas d'en déduire que le supplément de temps de travail PRAA est visé et inclus dans la rémunération ; que si l'employeur prétend tirer des « pré bulletins » la reconnaissance par le salarié du fait que la rémunération visée au contrat inclut le FFP et le PRAA, il en résulte que l'employeur entend appliquer une rémunération au forfait ;
QU'enfin, l'analyse de l'employeur selon laquelle le temps de trajet est inclus dans le PRAA ne peut être avalisée ; que le PRAA ou le PRAC ne vise, aux termes de la convention collective, que des activités en relation avec l'enseignement, la préparation des cours, les corrections et épreuves diverses et non les déplacements qui ne sont pas un temps en relation avec l'activité pédagogique mais le temps nécessaire à l'intervenant pour se rendre d'un centre à un autre pour dispenser son temps de cours ; que s'il n'existe point d'obligation de faire apparaître de façon distincte la fraction de salaire correspondant au FFP et celle correspondant au PRAA, excepté pour les intermittents, statut que le salarié ne revendique pas, la convention collective impose à l'employeur de rémunérer en plus du temps de cours constituant le FFP une proportion supplémentaire au titre du PRAA ; que l'employeur ne pouvait se dispenser de rémunérer les heures de PRAA, justement considérées comme l'accessoire des heures de cours assurées par le salarié, dans la proportion fixée par la convention collective, sauf s'il démontre l'avoir inclus dans l'unique rémunération du temps de cours procédant à une rémunération au forfait ;
QUE le forfait ne se présume pas et ne peut résulter de la seule exécution du contrat mais doit être convenu au moment de l'établissement du contrat de travail, ce qui n'est pas le cas ; que l'employeur, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit aucunement l'existence d'une convention de forfait exprès résultant d'un accord contractuel accepté par le salarié ; que Monsieur Z... est donc fondé à obtenir paiement d'un rappel de salaire correspondant aux heures de PRAA, non rémunérées et au titre des gratifications et congés payés y afférents ;
QUE Monsieur Z..., confronté à un employeur qui s'est affranchi des règles conventionnelles et contractuelles et qui ne lui a pas servi pendant des années une rémunération correspondant à celle qui lui était due, a nécessairement subi un préjudice distinct de ses demandes salariales, lesquelles ne se rapportent pas à une période atteinte par la prescription quinquennale ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en estimant que le fait pour une entreprise relevant de la convention collective des organismes de formation de verser une rémunération englobant les heures de face à face pédagogique (FFP) et les heures de préparation, de recherche et autres activités auxquelles se livre le formateur (PRAA) constituait une convention de forfait, et qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve, et en s'abstenant de ce fait de rechercher la volonté commune des parties, la Cour d'appel a violé l'article L. 212-5 ancien devenu L. 3121-22 nouveau du Code du travail, l'article 1134 - 2 du Code civil ainsi que les articles 10-2 et 10-3 de la convention collective des organismes de formation du 10 juin 1988 ;
ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'en énonçant que le PRAA ne visait pas, aux termes de la convention collective, le temps nécessaire à l'intervenant pour se rendre d'un centre à un autre pour dispenser son temps de cours, bien qu'il résulte de dispositions conventionnelles que les formateurs peuvent, dans l'exercice de leur activité, être amenés à se déplacer, et que les dispositions conventionnelles définissant le PRAA ou le PRAC n'en excluent pas le temps nécessaire à l'intervenant pour se rendre d'un centre à l'autre pour dispenser son temps de cours ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles 10-2 et 10-3 de la convention collective des organismes de formation du 10 juin 1988.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44564;08-44565
Date de la décision : 16/03/2010
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRANSPORTS AERIENS - Personnel - Personnel navigant professionnel - Contrat de travail - Défaut d'exécution - Article 3.1.3 de l'annexe I du décret n° 91-660 du 11 juillet 1991 - Abstention d'un membre de l'équipage en raison d'une déficience ressentie - Sanction du salarié - Exclusion

Selon l'article 3.1.3 de l'annexe I du décret n° 91-660 du 11 juillet 1991, tout membre de l'équipage doit s'abstenir d'exercer ses fonctions dès qu'il ressent une déficience quelconque de nature à lui faire croire qu'il ne remplit pas les conditions d'aptitude nécessaires à l'exercice de ses fonctions ; il en résulte qu'un tel devoir d'abstention dépend de la seule appréciation subjective du salarié concerné et que l'employeur ne peut sanctionner le salarié qui invoque ce devoir pour ne pas effectuer un vol en remplacement


Références :

article 3.1.3 de l'annexe I du code de l'aviation civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 30 juillet 2008

Sur le pouvoir de l'employeur lorsqu'un membre de l'équipage s'abstient d'exercer ses fonctions en raison d'une déficience lui laissant penser qu'il ne remplit pas les conditions d'aptitude nécessaires, à rapprocher : Soc., 10 juin 2008, pourvoi n° 06-46000, Bull. 2008, V, n° 130 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 mar. 2010, pourvoi n°08-44564;08-44565, Bull. civ. 2010, V, n° 67
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, V, n° 67

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Cavarroc
Rapporteur ?: M. Mansion
Avocat(s) : SCP Delvolvé, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44564
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award