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02/03/2010 | FRANCE | N°08-45313

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mars 2010, 08-45313


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 février 2008), que Mme X..., engagée le 5 juin 1996 par l'association Centre nautique Cormorane au sein de laquelle elle exerçait en dernier lieu les fonctions de directrice administrative, a été licenciée le 23 octobre 2003 pour faute grave ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié par une faute grave et de la débouter de ses demandes de rappel de salaire, d'indemnités de rupture et de dom

mages-intérêts pour licenciement abusif, alors, selon le moyen :

1° / que lors...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 février 2008), que Mme X..., engagée le 5 juin 1996 par l'association Centre nautique Cormorane au sein de laquelle elle exerçait en dernier lieu les fonctions de directrice administrative, a été licenciée le 23 octobre 2003 pour faute grave ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié par une faute grave et de la débouter de ses demandes de rappel de salaire, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors, selon le moyen :

1° / que lorsque l'employeur impute au salarié, dans la lettre de licenciement, une faute grave, il est tenu d'engager la procédure de licenciement disciplinaire, c'est-à-dire de convoquer le salarié à un entretien préalable, dans un délai restreint à compter de la connaissance des faits fautifs reprochés ; qu'à défaut, les griefs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement sont prescrits, et aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du salarié, ce qui rend son licenciement disciplinaire nécessairement abusif ; que les juges du fond sont tenus de rechercher si les griefs invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement disciplinaire sont, ou non, prescrits ; que la cour d'appel s'est bornée à affirmer que les griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement du 23 octobre 2003, tirés d'achats personnels pour le compte de l'association, d'une comptabilité fantaisiste en 2002 et 2003, d'une absence de comptabilité de caisse, d'une omission de déclarations à la CIPS, et d'un défaut de paiement des charges sociales, étaient établis, ce qui justifiait le licenciement pour faute grave de la salariée ; que la cour d'appel n'a pas vérifié, comme le soutenait pourtant la salariée dans ses écritures, à quelle date l'employeur qui avait convoqué la salariée à un entretien préalable en vue de son licenciement disciplinaire, par lettre du 23 septembre 2003, avait eu connaissance des achats personnels que l'intéressée avait effectués pour le compte de l'entreprise, bien qu'elle ait relevé dans le même temps que dès janvier 2002, les responsables de l'association avaient formalisé auprès de la salariée, une demande de production officielle de documents comptables, demande réitérée les 11 février, 6 et 26 juin 2003, ce dont il résultait que faute pour l'employeur d'avoir enclenché la procédure de licenciement disciplinaire dans un délai restreint à compter de la connaissance des faits reprochés, les griefs imputés étaient prescrits, et qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de la salariée ; qu'en s'abstenant de procéder à cette vérification indispensable, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

2° / que la faute grave, privative des indemnités de licenciement et de préavis, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que le fait d'effectuer des achats personnels pour le compte de l'employeur afin d'obtenir une réduction par une salariée qui bénéficie de plus de 7 ans d'ancienneté dans l'entreprise sans avoir jamais fait l'objet de reproche, qu'elle a postérieurement payés avec ses propres deniers, ce qui était une pratique tolérée dans l'entreprise, lors même que l'intéressé avait sur ses fonds personnels plusieurs fois consenti à des avances pour le règlement des factures de l'employeur, ne constitue pas une faute grave de nature à rendre impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'à supposer que ce grief ne soit pas prescrit, la cour d'appel qui a jugé que la salariée avait commis une faute grave de ce chef, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3° / que le fait d'omettre d'effectuer des déclarations concernant la situation de salariés auprès des organismes compétents par un salarié placé sous la subordination juridique du Président et du trésorier d'une association, ne constitue pas une faute grave ; que pour retenir une faute grave à l'encontre de la salariée tirée d'une omission de déclarations à la CIPS, la cour d'appel a énoncé que cette omission avait entraîné une assignation en paiement diligentée par l'organisme contre l'association ; qu'en statuant par ce motif inopérant, bien qu'à supposer même que la prescription ne soit pas acquise pour ce grief, seuls le trésorier et le président de la structure, qui étaient tenus de s'enquérir de la situation comptable et financière de l'association, étaient responsables de cette action en justice, la cour d'appel a, à nouveau, violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

4° / que la cour d'appel a elle-même relevé que la salariée n'avait pas la signature des chèques ; que la cour d'appel aurait donc du déduire de ses propres constatations que le grief invoqué par l'employeur à l'appui du licenciement pour faute grave tiré d'une omission de payer les charges sociales et de signaler au trésorier ce non paiement, ne pouvait être retenu à l'encontre de la salariée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a, à nouveau, violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que l'arrêt retient, sans être critiqué sur ce point, que l'employeur reproche à la salariée non seulement d'avoir effectué, au cours du premier semestre 2003, des achats pour son propre compte au nom de l'association, mais aussi de n'avoir réglé ces achats qu'après que la société Leclerc est intervenue auprès de son employeur, en septembre 2003, pour en réclamer le paiement, ce dont il résulte que celui-ci n'avait eu une exacte connaissance des faits fautifs que moins de deux mois avant d'engager des poursuites disciplinaires ;

Attendu ensuite, que l'arrêt relève d'une part que, nonobstant les factures et rappels, la salariée n'a réglé le montant de ses achats que plusieurs mois plus tard, après intervention de la société Leclerc auprès de son employeur, exposant celui-ci à des poursuites judiciaires, d'autre part, qu'en sa qualité de directrice administrative chargée de la comptabilité, elle s'était volontairement abstenue de communiquer divers documents comptables, et notamment des relevés bancaires et des justificatifs de paiement de cotisations à l'URSSAF, à l'ASSEDIC et à la caisse de retraite, au trésorier qui les lui avait réclamés, à plusieurs reprises, pour apprécier la situation financière du centre nautique et, enfin, que la tenue d'une comptabilité " fantaisiste " pour les exercices 2002 et 2003 était avérée ; que la cour d'appel a pu en déduire que ces divers comportements rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et constituaient des fautes graves ; que le moyen, qui critique dans sa troisième branche un motif surabondant, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR dit que le licenciement était justifié par une faute grave, et débouté la salariée de ses demandes formulées à titre de rappel de salaire, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

AUX MOTIFS QUE « Madame X... a été licenciée pour fautes graves, sans indemnité de préavis, indemnité de licenciement, avec mise à pied conservatoire pour les griefs suivants : nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs de fautes graves, en effet : achat d'un magnétoscope, une PS2, une télévision à titre personnel sur le compte de l'association, au cours de l'année 2003 ; tenue d'une comptabilité fantaisiste en 2002 et 2003 ; dissimulations des courriers de mise en demeure de la CIPS ; omission, à plusieurs reprises, de retourner les déclarations de situation salariés à la CIPS ; omission de payer les charges sociales URSSAF et CIPS et de signaler au trésorier ce non-paiement, omission de tenir une comptabilité de la caisse en 2003 ; qu'il appartient à l'employeur qui invoque la faute grave d'en rapporter la preuve. Les achats personnels : que Madame X... ne conteste pas avoir effectué ses achats au nom de l'Association pour son propre compte pour bénéficier de réduction, mais ajoute s'en être acquittée auprès du Centre LECLERC, alors qu'il résulte des courriers, nonobstant les factures, et rappels du Centre LECLERC, que Madame X... n'a pas réglé le Centre LECLERC, ce n'est qu'après intervention du Centre LECLERC auprès du Club Nautique en septembre 2003, pendant la période de congés de Madame X..., que cette dernière s'est présentée, après dépôt de plainte à la gendarmerie, au Centre LECLERC, avec les originaux des factures pour régler le montant de ces achats ; que ce grief à lui seul justifie le prononcé du licenciement pour faute grave, il importe peu pour Madame X... d'invoquer une pratique courante de certains membres de l'Association, qui est bien éminemment fautive, étant observé que Madame X... a attendu plusieurs mois avant de régler personnellement les factures, ce qui était de nature à entraîner des poursuites judiciaires contre le Centre Nautique Cormorane. Sur la tenue de la compatibilité fantaisiste en 2002 et 2003, absence de comptabilité de caisse : que le septembre 2002 les responsables de l'association ont formalisé auprès de Madame X... une demande officielle de production de documents comptables, réitère les demandes non satisfaites de janvier et juin 2002 ; que le 11 février 2003 le Président du Centre Nautique a demandé à Madame X... le récapitulatif des charges du Club ; que le 6 et 26 juin 2003 le Trésorier M. Y..., a exigé la production de relevés bancaires (déjà réclamés), un arrêté de compte au 16 juin, des justifications de paiement URSSAF, Assedic, Caisse retraite, Assurances, que n'ayant pu obtenir les documents comptables de l'Association M. Y..., Trésorier bénévole, a démissionné le 22 août 2003 ; que le cabinet comptable E. T. Conseils a confirmé le 29 octobre 2003 que Madame X... n'avait pas effectué les travaux demandés, la comptabilité de 2002 n'ayant pas de caractère probant, et en 2003 il n'y avait pas de saisie informatique ; que la production en justice des documents originaux, des livres comptables, saisies informatiques, confirment la réalité des griefs formulés. Omissions de déclarations à la CIPS, et omission de payer les charges sociales et d'en aviser le trésorier ; que l'assignation en paiement de la CIPS confirme la matérialité du grief, d'autant qu'à plusieurs reprises Madame X... a été sommée de produire divers documents comptables notamment au Trésorier pour lui permettre d'apprécier la situation financière du centre nautique ; que la rétention de telles informations par la directrice administrative chargée de la comptabilité a un caractère fautif ou de nature à justifier la rupture du contrat de travail, sans qu'il soit procédé à l'exécution du préavis ; que Madame X... n'avait pas la signature des chèques ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la faute grave » ;

ALORS, de première part, QUE lorsque l'employeur impute au salarié, dans la lettre de licenciement, une faute grave, il est tenu d'engager la procédure de licenciement disciplinaire, c'est-à-dire de convoquer le salarié à un entretien préalable, dans un délai restreint à compter de la connaissance des faits fautifs reprochés ; qu'à défaut, les griefs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement sont prescrits, et aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du salarié, ce qui rend son licenciement disciplinaire nécessairement abusif ; que les juges du fond sont tenus de rechercher si les griefs invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement disciplinaire sont, ou non, prescrits ; que la Cour d'appel s'est bornée à affirmer que les griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement du 23 octobre 2003, tirés d'achats personnels pour le compte de l'association, d'une comptabilité fantaisiste en 2002 et 2003, d'une absence de comptabilité de caisse, d'une omission de déclarations à la CIPS, et d'un défaut de paiement des charges sociales, étaient établis, ce qui justifiait le licenciement pour faute grave de la salariée ; que la Cour d'appel n'a pas vérifié, comme le soutenait pourtant la salariée dans ses écritures, à quelle date l'employeur qui avait convoqué la salariée à un entretien préalable en vue de son licenciement disciplinaire, par lettre du 23 septembre 2003, avait eu connaissance des achats personnels que l'intéressée avait effectués pour le compte de l'entreprise, bien qu'elle ait relevé dans le même temps que dès janvier 2002, les responsables de l'association avaient formalisé auprès de la salariée, une demande de production officielle de documents comptables, demande réitérée les 11 février, 6 et 26 juin 2003, ce dont il résultait que faute pour l'employeur d'avoir enclenché la procédure de licenciement disciplinaire dans un délai restreint à compter de la connaissance des faits reprochés, les griefs imputés étaient prescrits, et qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de la salariée ; qu'en s'abstenant de procéder à cette vérification indispensable, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 1332-4 du Code du travail ;

ALORS, de deuxième part, QUE la faute grave, privative des indemnités de licenciement et de préavis, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que le fait d'effectuer des achats personnels pour le compte de l'employeur afin d'obtenir une réduction par une salariée qui bénéficie de plus de 7 ans d'ancienneté dans l'entreprise sans avoir jamais fait l'objet de reproche, qu'elle a postérieurement payés avec ses propres deniers, ce qui était une pratique tolérée dans l'entreprise, lors même que l'intéressé avait sur ses fonds personnels plusieurs fois consenti à des avances pour le règlement des factures de l'employeur, ne constitue pas une faute grave de nature à rendre impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'à supposer que ce grief ne soit pas prescrit, la Cour d'appel qui a jugé que la salariée avait commis une faute grave de ce chef, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;

ALORS, de troisième part, QUE le fait d'omettre d'effectuer des déclarations concernant la situation de salariés auprès des organismes compétents par un salarié placé sous la subordination juridique du Président et du trésorier d'une association, ne constitue pas une faute grave ; que pour retenir une faute grave à l'encontre de la salariée tirée d'une omission de déclarations à la CIPS, la Cour d'appel a énoncé que cette omission avait entraîné une assignation en paiement diligentée par l'organisme contre l'association ; qu'en statuant par ce motif inopérant, bien qu'à supposer même que la prescription ne soit pas acquise pour ce grief, seuls le trésorier et le Président de la structure, qui étaient tenus de s'enquérir de la situation comptable et financière de l'association, étaient responsables de cette action en justice, la Cour d'appel a, à nouveau, violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;

ALORS, enfin, QUE la Cour d'appel a elle-même relevé que la salariée n'avait pas la signature des chèques ; que la Cour d'appel aurait donc du déduire de ses propres constatations que le grief invoqué par l'employeur à l'appui du licenciement pour faute grave tiré d'une omission de payer les charges sociales et de signaler au trésorier ce non paiement, ne pouvait être retenu à l'encontre de la salariée ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a, à nouveau, violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45313
Date de la décision : 02/03/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 07 février 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mar. 2010, pourvoi n°08-45313


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Tiffreau et Corlay

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45313
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