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27/10/2009 | FRANCE | N°08-16818

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 octobre 2009, 08-16818


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1er de la décision 2005/449/CE de la Commission, du 20 juin 2005, concernant une demande d'exonération de la taxe sur les véhicules à moteur introduite par la France en vertu de l'article 6, paragraphe 2, point b), de la directive 1999/62, ensemble l'article 1er du décret n° 2006-818 du 7 juillet 2006 modifiant le décret n° 70-1285 du 23 décembre 1970 relatif au transfert de l'assiette et du recouvrement de la taxe spéciale sur certains

véhicules routiers à l'administration des douanes ;
Attendu, selon l'a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1er de la décision 2005/449/CE de la Commission, du 20 juin 2005, concernant une demande d'exonération de la taxe sur les véhicules à moteur introduite par la France en vertu de l'article 6, paragraphe 2, point b), de la directive 1999/62, ensemble l'article 1er du décret n° 2006-818 du 7 juillet 2006 modifiant le décret n° 70-1285 du 23 décembre 1970 relatif au transfert de l'assiette et du recouvrement de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers à l'administration des douanes ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Foselev, Foselev industries, Foselev Provence, Foselev Rhône Durance, Foselev Méditerranée et Nasa, relevant toutes du groupe Foselev (les sociétés Foselev), ont assigné l'administration douanière en remboursement des sommes acquittées par elles, entre le 20 juin 2005 et le 9 juillet 2006, au titre de la taxe à l'essieu frappant certaines catégories de véhicules ; qu'elles estiment être bénéficiaires, dès la date de notification à la République française de la décision de la Commission européenne l'autorisant, de l'exonération prévue par le décret n° 2006-818, publié le 9 juillet 2006, en faveur des véhicules à moteur de douze tonnes ou plus utilisés exclusivement pour le transport d'équipements installés à demeure dans le cadre de travaux publics et industriels en France ;
Attendu que, pour accueillir cette demande en remboursement, l'arrêt retient que les dispositions de la décision de la Commission imposent à l'Etat français une obligation inconditionnelle et suffisamment nette et précise, à savoir l'autorisation conformément à la demande présentée d'exonérer certains véhicules de la taxe à l'essieu jusqu'au 31 décembre 2009 ; qu'il retient encore que cette décision a conféré des droits aux particuliers dès sa notification à l'Etat français, le 20 juillet 2005, et ce indépendamment de toute mesure nationale de transposition ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que selon l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 20 novembre 2008 (C-18/08, Foselev Sud-Ouest), la décision 2005/449/CE de la Commission, du 20 juin 2005, concernant une demande d'exonération de la taxe sur les véhicules à moteurs introduite par la France en vertu de l'article 6 , paragraphe 2, point b), de la directive 1999/62/CE, du Parlement européen et du Conseil, relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures, ne peut être invoquée par un particulier à l'encontre de la République française, destinataire de cette décision, afin d'obtenir le bénéfice de l'exonération autorisée par cette dernière dès la notification ou la publication de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a réformé le jugement en ce que ce dernier a condamné la Direction régionale des douanes et droits indirects de Marseille aux dépens, a rejeté l'appel incident des sociétés Foselev et Nasa sur le point de départ des intérêts, et dit n'y avoir lieu à dépens, l'arrêt rendu le 7 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande des sociétés Foselev en remboursement des sommes acquittées par elles, entre le 20 juillet 2005 et le 9 juillet 2006, au titre de la taxe à l'essieu ;
Condamne les sociétés Foselev, Foselev industries, Foselev Provence, Foselev Rhône Durance, Foselev Méditerranée et Nasa aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer au directeur général des douanes et droits indirects la somme globale de 2 500 euros ; rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects ;
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que la SA FOSELEV, la SARL FOSELEV INDUSTRIES, la SARL FOSELEV PROVENCE, la SAS FOSELEV RHONE DURANCE, la SA NASA et la SARL FOSELEV MEDITERRANEE devaient être exonérées des droits sur la taxe à l'essieu pour certains véhicules à compter du 20 juin 2005, d'AVOIR condamné la Direction régionale des douanes et droits indirects de MARSEILLE à restituer, à la SA FOSELEV, la somme de 9.339,47 euros, à la SARL FOSELEV INDUSTRIES, celle de 404,98 euros, à la SARL FOSELEV PROVENCE, celle de 3.364,42 euros, à la SARL FOSELEV RHONE DURANCE, celle de 5.034,19 euros, à la SA NASA, 3.511,97 euros et à la SARL FOSELEV MEDITERRANEE, celle de 5.476,52 euros, qui auraient été indûment versées pour la période du 20 juin 2005 au 9 juillet 2006, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2007 et d'AVOIR dit qu'aucune majoration de retard n'était due pour la période du 20 juin 2005 au 9 juillet 2006 ;
AUX MOTIFS QUE, d'abord, selon l'article 249 du traité : « la décision est obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu'elle désigne » ; que les normes communautaires, dont les décisions font partie, créent des droits et des obligations pour des individus et peuvent donc être invoquées directement devant le juge national par ceux-ci ; qu'aux termes de l'article 189 alinéa 4 du traité, les décisions sont obligatoires pour les destinataires qu'elle désigne, dans le cas des décisions adressées aux Etats membres, ce caractère obligatoire s'impose à tous les organes y compris à ses juridictions ; que la décision se distingue de la directive et du règlement ; qu'en effet, d'une part, contrairement au règlement qui a une portée générale, la décision a une portée individuelle et d'autre part et surtout, contrairement à la directive, la décision prescrit les moyens imposés pour parvenir au résultat ; qu'en conséquence, la décision n'est soumise à aucune mesure de réception dans le droit national et confère des droits et des obligations aux particuliers concernés indépendamment d'une mesure nationale d'exécution ; qu'en l'espèce, la directive de 1999 a laissé aux Etats membres le choix des moyens pour arriver à l'objectif de l'harmonisation des législations européennes sur la TSVR et donc fixé un délai de transposition jusqu'au 1er juillet 2000 ; qu'au contraire, la décision de la Commission de 2005 a donné son accord à la demande d'exonération sollicitée par la France pour certains véhicules et donc fixé les moyens pour parvenir à ce résultat ; qu'elle a donc conféré des droits aux particuliers concernés (en l'espèce, les sociétés du groupe FOSELEV) dès sa notification à l'Etat français et ce, indépendamment de toute mesure nationale de transposition ; ensuite, que les dispositions d'une décision du Conseil produisent un effet direct dans les relations entre les Etats membres et leurs justiciables, en ce sens qu'elles engendrent dans le chef des particuliers des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder, dès lors que ces dispositions imposent aux Etats membres, une obligation inconditionnelle et suffisamment nette et précise ; qu'une disposition est inconditionnelle lorsqu'elle ne laisse aux Etats membres aucune marge d'appréciation ; que le caractère inconditionnel d'une disposition s'apprécie au regard de la nature de l'obligation, de l'identité de l'obligé et du détenteur du droit et enfin, du degré de précision des modalités d'exécution ; qu'en l'espèce, il s'agit de l'application d'une exonération de la taxe à l'essieu incombant à l'Etat français et dont doivent bénéficier, jusqu'au 31/12/2009, les propriétaires des véhicules routiers dont la liste a été établie dans la décision ; que la décision de la Commission permet bien de déduire les conséquences immédiates au niveau de son exécution et ce, notamment, puisqu'il s'agit simplement d'une autorisation donnée par la Commission suite à une demande précise de l'Etat français dans le cadre fixé par la directive de 1999 ; qu'en conséquence, les dispositions de la décision de la Commission en date du 20 juin 2005 imposent bien à l'Etat français une obligation inconditionnelle et suffisamment nette et précise, à savoir l'autorisation conformément à la demande présentée d'exonérer certains véhicules de la taxe à l'essieu jusqu'au 31 décembre 2009 ; que dans ces conditions et contrairement à ce qui est soutenu par l'Administration des douanes, la Commission européenne n'avait pas à préciser la date de mise en oeuvre de sa décision ; qu'en effet, suite à l'arrêt HOECHST, « les décisions prennent effet par leur notification » et le traité de MAASTRICHT dispose dans son article 254 paragraphe 3 que « les directives ainsi que les décisions sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification » ; que la décision n° 2005/449/CE a été notifiée à la République française le jour de son adoption, soit le 20 juin 2005 selon acte enregistré sous le numéro C (2005) 1818 ; que la décision n° 2005/449/CE de la Commission européenne dont le destinataire désigné est l'Etat français a pris effet le jour de sa notification, soit le 20 juin 2005 ; qu'elle lui est donc opposable à compter de cette date ; que c'est à partir de cette date qu'elle a engendré des droits pour les particuliers et notamment les sociétés concluantes propriétaires de plusieurs véhicules désignés par la décision communautaire, dont la situation juridique se trouve donc modifiée ; que les sociétés du groupe FOSELEV peuvent donc légitimement se prévaloir de l'exonération de la taxe spéciale prévue par les articles 284 bis et suivants du Code général des douanes pour la période du 20 juin 2005 au 9 juillet 2006 ;
1°) ALORS QUE les décisions par lesquelles la Commission européenne donne son accord pour qu'un Etat membre prenne une mesure ne peuvent être directement invoquées par les justiciables, lesquels doivent attendre que l'Etat membre, seul compétent pour en décider, ait pris cette mesure pour s'en prévaloir ; qu'en affirmant que la décision de la Commission européenne du 20 juin 2005 pouvait être immédiatement invoquée par les sociétés du groupe FOSELEV, bien que cette décision n'avait pour objet que d'autoriser l'Etat français à exonérer de la taxe à l'essieu les véhicules qu'elle visait, de sorte que cette exonération ne pouvait être invoquée qu'à partir du moment où la France, seule compétente pour en décider, l'avait édictée et rendue publique, soit seulement à compter du 9 juillet 2006, date de publication du décret du 7 juillet 2006, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la directive n° 1999/62/CE du 17 juin 1999 du Parlement européen et du Conseil et l'article 1er de la décision n° 2005/449/CE du 20 juin 2005 de la Commission, ensemble l'article 1er du décret n° 2006-818 du 7 juillet 2006 ;
2°)ALORS QUE les décisions communautaires qui n'ont pour destinataire qu'un Etat membre et dont l'application est subordonnée à une mesure ultérieure comportant un pouvoir d'appréciation discrétionnaire de la part de cet Etat membre, sont dépourvues d'applicabilité directe à l'égard des personnes privées ; qu'en affirmant que la décision de la Commission européenne du 20 juin 2005 pouvait être immédiatement invoquée par les sociétés du groupe FOSELEV, bien que cette décision n'avait pour destinataire que l'Etat français et laissait à son entière discrétion et dans les délais qu'il souhaitait le soin de prévoir l'exonération qu'elle autorisait, de sorte que cette décision ne pouvait être immédiatement invoquée par les sociétés du groupe FOSELEV qui devaient attendre, pour ce faire, que l'Etat français édicte l'exonération, ce qu'il n'a fait que par le décret du 7 juillet 2006 publié le 9 juillet 2006, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la directive n° 1999/62/CE du 17 juin 1999 du Parlement européen et du Conseil et les articles 1er et 2 de la décision n° 2005/449/CE du 20 juin 2005 de la Commission, ensemble l'article 1er du décret n° 2006-818 du 7 juillet 2006.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-16818
Date de la décision : 27/10/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DOUANES - Taxe spéciale sur certains véhicules routiers - Exonération - Décision de la Commission européenne du 20 juin 2005 - Absence d'effet direct - Portée

La Cour de justice a dit pour droit (arrêt du 20 novembre 2008, C-18/08, Foselev Sud-Ouest) que la décision 2005/449/CE de la Commission, du 20 juin 2005, concernant une demande d'exonération de la taxe sur les véhicules à moteurs introduite par la France en vertu de l'article 6, paragraphe 2, point b), de la Directive 1999/62/CE, du Parlement européen et du Conseil, relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures, ne peut être invoquée par un particulier à l'encontre de la République française, destinataire de cette décision, afin d'obtenir le bénéfice de l'exonération autorisée par cette dernière dès la notification ou la publication de celle-ci. Dès lors, encourt la cassation, pour violation de l'article 1er de la décision 2005/449/CE, ensemble l'article 1er du décret n° 2006-818 du 7 juillet 2006 modifiant le décret n° 70-1285 du 23 décembre 1970 relatif au transfert de l'assiette et du recouvrement de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers à l'administration des douanes, un arrêt d'une cour d'appel qui a condamné l'administration douanière à rembourser à plusieurs sociétés des sommes dont elles s'étaient acquittées, entre le 20 juin 2005 et le 9 juillet 2006, au titre de la taxe à l'essieu frappant certaines catégories de véhicules, c'est-à-dire dès la date de notification à la République française de la décision 2005/449/CE


Références :

article 1er de la décision n° 2005/449/CE de la Commission, du 20 juin 2005

article 6 § 2, point b), de la Directive n° 1999/62/CE du 17 juin 1999

article 1er du décret n° 2006-818 du 7 juillet 2006

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 07 mai 2008

Cf. :CJCE, 20 novembre 2008, affaire n° C-18/08, Foselev Sud-Ouest.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 oct. 2009, pourvoi n°08-16818, Bull. civ. 2009, IV, n° 133
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 133

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Rapporteur ?: Mme Maitrepierre
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.16818
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