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24/06/2009 | FRANCE | N°08-40553

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 juin 2009, 08-40553


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Boldis et qui était protégé, a été mis à pied à titre conservatoire le 9 octobre 1999, puis licencié par lettre du 2 novembre 1999, après obtention d'une autorisation administrative de licenciement de l'inspecteur du travail du 28 octobre 1999 ; que sur recours hiérarchique de l'intéressé, le ministre du travail a annulé cette autorisation par une décision du 17 mars 2000 ; que le salarié qui a refusé sa réintégration le 4 avril 20

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Boldis et qui était protégé, a été mis à pied à titre conservatoire le 9 octobre 1999, puis licencié par lettre du 2 novembre 1999, après obtention d'une autorisation administrative de licenciement de l'inspecteur du travail du 28 octobre 1999 ; que sur recours hiérarchique de l'intéressé, le ministre du travail a annulé cette autorisation par une décision du 17 mars 2000 ; que le salarié qui a refusé sa réintégration le 4 avril 2000 a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de salaires correspondant aux jours de mise à pied conservatoire et de diverses indemnités de rupture pour licenciement illicite et sans cause réelle et sérieuse ; que le recours contentieux de l'employeur contre la décision du ministre a été rejeté par jugement du tribunal administratif du 17 avril 2002 confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel du 17 mai 2003, au motif que la faute alléguée contre le salarié n'était pas établie ; que ces décisions ainsi que celle du ministre du 17 mars 2000 ont été annulées par arrêt du Conseil d'Etat du 22 novembre 2006, au motif qu'à la date de sa décision, le ministre ne pouvait plus retirer l'autorisation implicite accordée ; que devant la cour d'appel, statuant postérieurement, le salarié a maintenu ses demandes en soutenant que son licenciement était illicite ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :

Vu la loi des 16-24 août 1790, l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 2421-3 du code du travail ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes en paiement de sommes pour licenciement illicite et sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel retient que par arrêt du 22 novembre 2006 le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 17 mai 2003 de la cour administrative d'appel, le jugement du 17 avril 2002 du tribunal administratif et la décision du 17 mars 2000 du ministre du travail au motif qu'à la date à laquelle elle est intervenue, le ministre ne pouvait plus retirer l'autorisation de licenciement ; que cet arrêt donne donc plein et entier effet à l'autorisation administrative décidée par l'inspecteur du travail et que dès lors, le juge judiciaire ne peut apprécier le caractère réel et sérieux de la rupture en raison du principe de la séparation des pouvoirs ;

Attendu cependant que si l'annulation des décisions des juridictions administratives rejetant le recours contre la décision du ministre du 17 mars 2000 et de cette dernière décision, a laissé subsister la décision de l'inspecteur du travail, l'arrêt du Conseil d'Etat qui ne porte que sur la décision du ministre, ne se prononce pas sur la légalité de la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail en ce qu'elle a estimé réelle et sérieuse la cause du licenciement ; qu'au regard de ces circonstances l'ayant empêché de contester antérieurement la décision de l'inspecteur du travail, la contestation par le salarié de la licéité de son licenciement valait contestation de la licéité de l'autorisation administrative, que cette contestation était sérieuse et qu'il appartenait dès lors à la cour d'appel de poser une question préjudicielle nécessaire à la solution du litige ;

Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Boldis aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP ROCHETEAU et UZAN-SARANO, avocat aux Conseils pour M. X..., demandeur au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamné à payer à la société Boldis la somme de 12.880, 31 euros.

AUX MOTIFS QUE par arrêt du 22 novembre 2006, et parce que le ministre ne pouvait plus retirer l'autorisation implicite accordée, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 17 mai 2003 de la cour administrative d'appel de Marseille, le jugement du 17 avril 2002 du tribunal administratif de Marseille et la décision du 17 mars 2000 du ministre du travail ; que cet arrêt du Conseil d'Etat donne donc plein et entier effet à l'autorisation administrative du licenciement décidée par l'inspecteur du travail ; que dès lors le juge judiciaire ne peut apprécier le bien fondé du caractère réel et sérieux de la rupture, seul devant être opéré dans le cadre du présent litige l'examen d'une part de la privation des indemnités de rupture, d'autre part celui des restitutions réclamées par l'employeur ;…que l'autorisation administrative de licenciement a produit tous ses effets à sa date de sorte que la lettre de licenciement fixe la date de la rupture du contrat ; que si le salarié protégé qui ne demande pas sa réintégration qui, sauf sursis à exécution, court à compter de la notification de la décision ministérielle, a droit à une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi pour la période qui s'est écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois, ce droit n'est ouvert que lorsque la décision administrative d'annulation est définitive ;

1°) ALORS QUE le seul fait que l'autorisation de licenciement ne soit pas annulée ne fait pas obstacle à ce que la décision de l'inspecteur du travail puisse être déclarée illégale ; qu'en ce cas, le juge judiciaire peut apprécier l'existence d'une cause réelle et sérieuse du licenciement, et réparer le préjudice subi par le salarié du fait de cette illégalité, si elle est imputable à une faute de l'employeur ; qu'à cet égard, l'annulation par le Conseil d'Etat, au seul motif que ce retrait est intervenu tardivement, de la décision ayant retiré, sur recours hiérarchique, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ainsi que des décisions juridictionnelles ayant confirmé ce retrait, si elle fait certes revivre la décision de l'inspecteur du travail, ne préjuge en rien de sa légalité, qui reste ainsi sujette à appréciation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a refusé de statuer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement de M. X... au seul motif que le Conseil d'Etat avait annulé la décision du ministre du travail ayant retiré l'autorisation de licencier ainsi que les deux décisions juridictionnelles ayant tour à tour confirmé l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail; qu'en se déterminant de la sorte, quand la décision du Conseil d'Etat ne permettait pas au juge judiciaire de considérer comme définitivement acquis le bien fondé du licenciement, la cour d'appel a méconnu tant l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat que le principe de la séparation des pouvoirs, violant l'article 1351 du code civil, la loi des 16-24 août 1790, et le décret du 16 fructidor an III, et entachant sa décision d'excès de pouvoir négatif ;

2°) ALORS QUE si l'issue du litige dont il est saisi dépend de l'appréciation de la légalité d'une décision administrative posant une difficulté sérieuse, le juge judiciaire doit surseoir à statuer et renvoyer les parties devant le juge administratif pour qu'il tranche la question préjudicielle de légalité ; qu'en l'espèce, l'annulation par le Conseil d'Etat de la décision du ministre ayant retiré la décision de l'inspecteur du travail, ainsi que des décisions juridictionnelles subséquentes, au seul motif de la tardiveté du retrait, ne préjugeait en rien de la légalité de l'autorisation de licencier, qui restait donc sujette à appréciation ; qu'il appartenait dès lors à la cour d'appel de renvoyer les parties devant le juge administratif aux fins d'appréciation de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail dont la licéité était contestée devant elle, sans pouvoir se retrancher derrière la décision du Conseil d'Etat ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, et le décret du 16 fructidor an III ;

3°) ALORS QUE tout salarié a le droit de soumettre au juge le bienfondé de son licenciement et d'obtenir réparation du préjudice subi lorsque son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, il était constant que tant l'autorité administrative que le juge administratif, en premier ressort et en appel, avaient constaté le mal fondé et l'illégalité interne de l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ; qu'il était encore constant que ces décisions n'avaient finalement été annulées par le Conseil d'Etat que pour l'unique raison tirée d'une tardiveté de la décision ministérielle de retrait ; que cette annulation, qui ne préjugeait pas de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail, ne pouvait en aucun cas priver le salarié du droit de voir le bien fondé de son licenciement apprécié par le juge, et ce d'autant qu'en l'état du retrait prononcé par le ministre sur son recours hiérarchique, le salarié n'avait par hypothèse jamais été en mesure de demander au juge administratif d'annuler directement l'autorisation de licenciement, que seule l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat avait fait revivre ; qu'en refusant catégoriquement d'apprécier le bien fondé du licenciement, et en considérant ainsi à tort que le bien fondé de celui-ci était définitivement acquis en raison de l'arrêt du Conseil d'Etat, la cour d'appel a privé le salarié d'un recours effectif pour voir dire son licenciement injustifié, et a, partant, violé les articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du code du travail alors applicables, ensemble l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Moyen produit par la SCP CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat aux Conseils pour la société Boldis, demanderesse au pourvoi incident

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... ne reposait pas sur une faute grave, d'AVOIR, en conséquence, condamné la Société BOLDIS à lui payer les sommes de 4.268,57 à titre d'indemnité de préavis et 853,71 à titre d'indemnité légale de licenciement et d'AVOIR dit qu'il convenait de déduire des sommes que Monsieur X... était condamné à rembourser à la Société BOLDIS, celle de 2.008,06 correspondant au salaire de la période de mise à pied conservatoire,

AUX MOTIFS QUE "l'appelant a été licencié le 2 novembre 1999 pour des agissements frauduleux entraînant une perte de confiance car il avait sollicité aux environs du 4 mai 1989 un fournisseur de la société afin d'obtenir la remise en cadeaux d'un lot de cent cinquante bouteilles de vin à l'occasion de son mariage, et q'il avait réitéré, auprès d'un autre fournisseur, une autre demande de cadeaux courant septembre ; que cependant, la perte de confiance de l'employeur ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement même quand elle repose sur des éléments objectifs ; que seuls ces éléments objectifs peuvent, le cas échéant, constituer une cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour l'employeur ; que dès lors la faute reprochée ne saurait caractériser une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la courte période du préavis , qu'ainsi il sera alloué à l'appelant la somme de 4.268, 57 à titre de préavis, de 853, 71 à titre d'indemnité légale de licenciement, outre le salaire pour la durée de la mise à pied de 2.008, 86 ".

ALORS, DE PREMIÈRE PART QUE la lettre de licenciement doit simplement contenir des griefs matériellement vérifiables sans qu'il soit besoin pour l'employeur de les qualifier juridiquement et qu'il appartient alors au juge d'apprécier l'existence d'une faute grave d'examiner l'existence et la gravité des motifs invoqués en leur attribuant, le cas échéant, leur qualification juridique exacte ; que si la perte de confiance ne peut constituer en tant que telle une cause de licenciement même quant elle repose sur des éléments objectifs, ces éléments peuvent en revanche, le cas échéant, constituer une faute grave ; qu'en refusant d'examiner si les griefs objectifs mentionnés par la lettre de licenciement étaient constitutifs d'une faute grave au seul motif que celle-ci faisait également état d'une perte de confiance qui en était la conséquence, la Cour d'appel a statué d'après des motifs inopérantes et violé par là les articles L.122-14-2, L.122-6 et L.122-8 (recod. L.1232-6, 1234-1 et L.1234-5) du Code du travail ;

QU'À TOUT LE MOINS, en s'abstenant de rechercher si les griefs objectifs mentionnés par la lettre de licenciement constituaient une faute grave, la Cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard des articles L.122-6 et L.122-8 (recod. L.1234-1 et L.1234-5) du Code du travail ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE QUE constituent une faute grave les agissements frauduleux consistant de la part du salarié à avoir sollicité auprès des fournisseurs de l'entreprise, en se prévalant de sa position privilégiée au regard des décisions d'achat, des cadeaux consistant en un lot de cent cinquante bouteilles de vins, alors que le contrat de travail fait interdiction formelle au salarié de solliciter ou même d'accepter le moindre cadeau de la part des fournisseurs ; qu'en déclarant que ces faits, matériellement avérés puisque constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, ne constituaient pas une faute grave, la Cour d'appel a violé les articles L.122-6 et L.122-8 (recod. L.1234-1 et L.1234-5) du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-40553
Date de la décision : 24/06/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 05 décembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 jui. 2009, pourvoi n°08-40553


Composition du Tribunal
Président : Mme Morin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.40553
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