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04/06/2009 | FRANCE | N°08-16142

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 juin 2009, 08-16142


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 mars 2008), que dans le cadre d'une enquête sur une infraction de blanchiment reprochée à M. X..., le tribunal ordinaire de Milan a ordonné la mise sous séquestre d'un immeuble dénommé Villa Kismet, situé à Beausoleil ; qu'agissant en vertu d'une commission rogatoire pour l'exécution de cette décision, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice, autorisé par ordonnance du juge de l'ex

écution de ce tribunal, a inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur ce...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 mars 2008), que dans le cadre d'une enquête sur une infraction de blanchiment reprochée à M. X..., le tribunal ordinaire de Milan a ordonné la mise sous séquestre d'un immeuble dénommé Villa Kismet, situé à Beausoleil ; qu'agissant en vertu d'une commission rogatoire pour l'exécution de cette décision, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice, autorisé par ordonnance du juge de l'exécution de ce tribunal, a inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur cet immeuble ; que la SCI Zanoro (la SCI), propriétaire de l'immeuble, a sollicité la mainlevée de cette mesure ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire ; qu'en refusant de constater la caducité de l'inscription judiciaire provisoire, motif pris que le tribunal de Milan, par jugement du 26 avril 2005, avait ordonné la mise sous séquestre de l'immeuble dénommé Villa Kismet à Beausoleil et "qu'il ressort de cette décision qu'avant même la mise en oeuvre de la mesure d'exécution sur le sol français, une procédure tenant à la confiscation de l'immeuble a été engagée devant la juridiction italienne, procédure qui est actuellement en cours devant la Cour de cassation italienne… à laquelle elle a été invitée à participer par le tribunal de Milan", sans constater qu'une action avait été directement introduite contre la SCI, propriétaire du bien, pour obtenir un titre exécutoire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 215 du décret du 31 juillet 1992 ;

2°/ que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; qu'en déduisant que la créance invoquée paraissait fondée en son principe et que des circonstances en menaçaient le recouvrement de ce que la SCI propriétaire de la villa est détenue à 99 % par une société fiduciaire dont l'ayant droit économique est M. X..., qu'elle est contrôlée par lui, qu'elle ne pouvait ignorer l'origine frauduleuse des fonds ayant servi à l'acquisition de la villa et que la complexité des montages tendent à occulter tout lien visible entre cette société et M. X..., la cour d'appel, qui s'est ainsi prononcée par des motifs inopérants, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991 ;

3°/ que l'exécution sur le territoire français de mesures conservatoires faisant l'objet d'une demande présentée par une autorité judiciaire étrangère est ordonnée selon les modalités prévues par le code de procédure civile et par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, par le président du tribunal de grande instance lorsqu'il est saisi, à cette fin, par le procureur de la République, dès lors que le propriétaire des biens ne pouvait en ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse ; que toutefois, la demande est refusée s'il apparaît d'ores et déjà que les biens ne sont pas susceptibles d'être confisqués dans des circonstances analogues selon la loi française ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, sans constater que la villa était susceptible d'être confisquée dans des circonstances analogues selon la loi française, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 15, alinéa 2, de la loi n° 96-392 du 13 mai 1996 ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu'avant même l'exécution de la mesure conservatoire, une procédure tendant à la confiscation de l'immeuble litigieux avait été engagée devant le tribunal de Milan et que celui-ci avait invité la SCI à y participer pour faire valoir ses droits, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'il avait été satisfait aux exigences de l'article 215 du décret du 31 juillet 1992 ;

Et attendu que l'arrêt énonce exactement que selon l'article 15 de la loi n° 96-392 du 13 mai 1996, l'exécution sur le territoire français d'une mesure conservatoire demandée par une autorité étrangère est ordonnée dès lors que le propriétaire des biens ne pouvait en ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse; qu'il relève que la SCI est détenue à 99 % par une société fiduciaire dont l'ayant droit économique est M. X..., poursuivi pour blanchiment et appartenance à une mafia, que la SCI avait été créée pour acquérir la Villa Kismet et que des montages complexes tendent à occulter tout lien visible entre la SCI et M. X... ; que la cour d'appel en a déduit souverainement que la SCI ne pouvait ignorer l'origine frauduleuse de cet immeuble, faisant ainsi ressortir que le requérant justifiait à son égard d'une créance paraissant fondée en son principe, correspondant au prix d'acquisition de l'immeuble, et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ;

Attendu, enfin, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que la SCI ait soutenu devant la cour d'appel que l'immeuble litigieux n'était pas susceptible d'être confisqué dans des circonstances analogues selon la loi française ;

D'où il suit que le moyen, qui est nouveau, mélangé de fait et de droit et, comme tel irrecevable dans sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Zanoro aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Zanoro ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP ORTSCHEIDT, avocat aux Conseils pour la SCI Zanoro

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la SCI ZANORO de sa demande tendant à obtenir la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire prise sur la « Villa Kismet », par M. le procureur de la République près le tribunal de grande instance de NICE, le 3 juillet 2006 ;

AUX MOTIFS QUE la convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime du 8 novembre 1990 énonce une obligation d'entraide entre les Etats ayant ratifié la convention, notamment l'obligation pour l'Etat requis d'exécuter les mesures provisoires demandées par l'Etat requérant, énumérant les motifs de refus pouvant être opposés par l'Etat requis ; que la loi n°96-392 du 13 mai 1996 a transposé cette convention notamment dans ses articles à 16 ; qu'elle énumère à l'article 10 les motifs de refus d'exécuter la mesure demandée et en son article 15 les conditions d'exécution des mesures provisoires ; qu'en l'espèce, le tribunal de Milan, par décision du 26 juin 2005, a ordonné la mise sous séquestre de l'immeuble dénommé "Villa Kismet" à Beausoleil" appartenant à la SCI ZANORO dans le cadre dune enquête pénale sur l'infraction de blanchiment résultant du réemploi d'activités illicites pouvant être reprochées à Giampiefro X... ; que le Parquet de Nice, compétent eu égard à la situation du bien, a été autorisé, par ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice du 12 mai 2006, à prendre une hypothèque provisoire sur l'immeuble litigieux;hypothèque provisoire publiée le 3 juillet 2006 et dénoncée à la SCI ZANORO le 4 juillet 2006 ; que l'article 15 de la loi n° 96-392 du 13 mai 1996 énonce que l'exécution sur le territoire français d'une mesure conservatoire présentée par une autorité étrangère est ordonnée selon les modalités prévues par le code de procédure civile et par la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ; que l'article 70 de cette loi prévoit que le créancier qui ne possède pas un titre exécutoire, doit engager une procédure permettant d'obtenir ce titre exécutoire, à peine de caducité de la mesure conservatoire ; que l'article 215 du décret du 31 juillet 1992 pris pour l'application de la loi du 9 juillet 1991 précise qu'il est nécessaire d'introduire une procédure ou d'accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire dans le mois qui suit l'exécution de la mesure ; qu'il convient d'appliquer ces textes en tenant compte du contexte international de la procedure ; qu'en l'espèce, par sa décision du 26 avril 2005, le Tribunal de Milan a ordonné la mise sous séquestre de l'immeuble dénommé "Villa Kismet" à Beausoleil" avec transmission d'une demande d'assistance judiciaire à l'Etat français et a fixé au 30 septembre 2005 les débats sur la confiscation, invitant notamment la SCI ZANORO à y participer ; qu'il ressort de cette décision qu'avant même la mise en oeuvre de la mesure d'exécution sur le sol français, une procédure tenant à la confiscation de l'immeuble a été engagée devant la juridiction italienne, procédure qui est actuellement en cours devant la Cour de cassation italienne, selon les propres écritures de l'appelante, qui démontre ainsi une connaissance suffisante de cette procédure à laquelle elle a été invitée à participer par le Tribunal de-Milan; qu'ainsi l'action visant à obtenir un titre exécutoire étant antérieure à la mesure provisoire; il convient de considérer qu'il est satisfait aux exigences de l'article 70 de la loi du 9 juillet 1991 et de l'article 215 du décret du 31 juillet 1992, pris pour son application ; que l'article 15 de la loi n°96-392 du 13 mai 1996 énonce que l'exécution sur le territoire français d'une mesure conservatoire présentée par une autorité étrangère est ordonnée dès lors que le propriétaire des biens ne pouvait ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse ; qu'en l'espèce, le Tribunal de Milan, dans sa décision du 26 avril 2005, décrit de manière détaillée le comportement de Giampietro X... depuis 1984, qui a été, à plusieurs reprises, trouvé en possession de fortes sommes d'argent et de chèques bancaires sans indication de lieu et de date d'émission ; et poursuivi pour blanchiment, -escroquerie, recel et usure, et qui est renvoyé pour jugement devant la juridiction italienne pour les infractions d'appartenance à une association de mafia relative à la commission de crimes financiers, de blanchiment et escroquerie; qu'elle précise que Giampietro X... s'est installé dans la "Villa Kismet" au milieu des années 1990, et que la SCI ZANORO, créée le 16 mars 2001 pour acquérir la "Villa Kismet", ce qui a été fait par acte authentique du 30-mai2001, est détenue à 99 % par la société FIM.GE. Sri, qui est une société fiduciaire dont l'ayant droit économique est Giampietro X... ; que ces éléments suffisent à établir que la SCI ZANORO, entité juridique distincte de la personne de Giampietro X... mais contrôlée par lui, ne pouvait ignorer l'origine frauduleuse des fonds ayant servi à l'acquisition de la villa ; que la créance dont se prévaut l'Etat requérant est ainsi fondée en son- principe et la complexité des montages tendant à occulter tout lien visible entre la SCI ZANORO et la personne de Giampietro X... caractérise les circonstances de nature à menacer le-recouvrement de cette créance ; qu'aucune des causes de refus énumérée par l'article 10 de la loi n°96-392 du 13 mai 1996 n'est établie ;

1°/ ALORS QUE si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire ; qu'en refusant de constater la caducité de l'inscription judiciaire provisoire, motif pris que le tribunal de MILAN, par jugement du 26 avril 2005, avait ordonné la mise sous séquestre de l'immeuble dénommé « Villa Kismet » à BEAUSOLEIL et « qu'il ressort de cette décision qu'avant même la mise en oeuvre de la mesure d'exécution sur le sol français, une procédure tenant à la confiscation de l'immeuble a été engagée devant la juridiction italienne,
procédure qui est actuellement en cours devant la Cour de cassation italienne… à laquelle elle a été invitée à participer par le tribunal de MILAN », sans constater qu'une action avait été directement introduite contre la SCI ZANORO, propriétaire du bien, pour obtenir un titre exécutoire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 215 du décret du 31 juillet 1992 ;

2°/ ALORS QUE toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; qu'en déduisant que la créance invoquée paraissait fondée en son principe et que des circonstances en menaçaient le recouvrement de ce que la SCI propriétaire de la villa est détenue à 99% par une société fiduciaire dont l'ayant droit économique est M. X..., qu'elle est contrôlée par lui, qu'elle ne pouvait ignorer l'origine frauduleuse des fonds ayant servi à l'acquisition de la villa et que la complexité des montages tendent à occulter tout lien visible entre cette société et M. X..., la cour d'appel, qui s'est ainsi prononcée par des motifs inopérants, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991 ;

3°/ ALORS QU'en tout état de cause, l'exécution sur le territoire français de mesures conservatoires faisant l'objet d'une demande présentée par une autorité judiciaire étrangère est ordonnée selon les modalités prévues par le code de procédure civile et par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, par le président du tribunal de grande instance lorsqu'il est saisi, à cette fin, par le procureur de la République, dès lors que le propriétaire des biens ne pouvait en ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse ; que toutefois, la demande est refusée s'il apparaît d'ores et déjà que les biens ne sont pas susceptibles d'être confisqués dans des circonstances analogues selon la loi française ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, sans constater que la villa était susceptible d'être confisquée dans des circonstances analogues selon la loi française, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 15, alinéa 2, de la loi n° 96-392 du 13 mai 1996.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 08-16142
Date de la décision : 04/06/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CASSATION - Moyen nouveau - Applications diverses - Saisies - Bien non susceptible d'être confisqué dans des circonstances analogues selon la loi française

Le moyen pris de ce que le bien objet de la mesure conservatoire n'était pas susceptible d'être confisqué dans des circonstances analogues selon la loi française ne peut être soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation


Références :

Sur le numéro 1 : article 215 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992
Sur le numéro 2 : article 15 de la loi n° 96-392 du 13 mai 1996
Sur le numéro 3 : article 15, alinéa 2, de la loi n° 96-392 du 13 mai 1996

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 mars 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 jui. 2009, pourvoi n°08-16142, Bull. civ. 2009, II, n° 143
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, II, n° 143

Composition du Tribunal
Président : M. Gillet
Avocat général : M. Mazard
Rapporteur ?: M. Moussa
Avocat(s) : SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.16142
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