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04/06/2009 | FRANCE | N°07-44927

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 juin 2009, 07-44927


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., soutenant avoir été engagé en qualité de gardien d'usine par la société Maritime et industrielle à compter du 1er juin 1993 et licencié le 15 octobre 2004, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la résiliation du contrat de travail allégué ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient qu'il résu

lte des pièces versées aux débats que l'intéressé n'occupait pas d'emploi au sein de l'usine...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., soutenant avoir été engagé en qualité de gardien d'usine par la société Maritime et industrielle à compter du 1er juin 1993 et licencié le 15 octobre 2004, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la résiliation du contrat de travail allégué ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'intéressé n'occupait pas d'emploi au sein de l'usine et que s'il est exact qu'il lui arrivait de rendre quelques menus services à son propriétaire, ces attentions ne caractérisent pas l'exécution d'une tâche de travail le plaçant sous la subordination de la société Maritime et industrielle moyennant une rémunération préalablement convenue ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'intéressé s'était vu attribuer un logement dans l'usine à titre d'avantage en nature moyennant un certain nombre d'obligations, qu'il avait éxécutées, concernant sa surveillance, que des instructions à ce sujet lui avaient été données par le responsable de la société et que des bulletins de paye mentionnant sa rémunération et un emploi de gardien lui avaient été remis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

Sur le second moyen :

Vu l'article 1184 du code civil ;

Attendu que pour condamner l'intéressé à payer à la société une somme à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, l'arrêt retient qu'après avoir profité de la fraternité d'un compagnon d'armes, il a, de manière honteuse, cru pouvoir l'abuser ; que nonobstant les justes motifs énoncés par les premiers juges, ce plaideur a ensuite persisté dans son intention de nuire à son bienfaiteur ; que la cour estime caractérisé un abus du droit d'appel ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser aucun fait fautif de la part de l'intéressé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes fondées sur l'existence d'un contrat de travail entre les parties et condamné M. X... à payer des dommages-intérêts pour appel abusif, l'arrêt rendu le 10 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Maritime et industrielle aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Maritime et Industrielle à payer à M. X... la somme de 2 500 euros et rejette sa demande fondée sur l'article 629 du code de procédure civile ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Y..., avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes contre la société MARITIME ET INDUSTRIELLE fondées sur la conclusion d'un contrat de travail ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le 18 mai 1993, la société MARITIME ET INDUSTRIELLE rédigeait à l'adresse de M. X... la lettre suivante : « nous vous confirmons notre accord pour vous attribuer, à compter du 1er juin 1993, le logement sis à notre usine de Saint-Louis les Aygalades, que vous occuperez avec votre épouse et vous donnons, ci-dessous, les conditions s'y rapportant : logement dans l'appartement situé à l'intérieur des locaux de l'usine avec les conditions suivantes : eau gratuite, électricité pour le chauffage et l'éclairage gratuite ; les obligations qui en découlent sont les suivantes : assurer une permanence en dehors des heures de travail de l'usine ; en ce qui concerne votre absence pendant la durée du congé légal, vous vous engagez à être remplacé par un membre de votre famille et de faire votre affaire de ce remplacement, couper chaque fin de semaine et jours fériés impérativement le courant électrique, force et éclairage alimentant l'ensemble de l'usine, faire respecter la consigne formelle que toute personne étrangère à la société ne peut entrer dans l'usine sans autorisation écrite du siège et rendre compte dans les 48 heures à la direction, au cas où durant la nuit l'alarme se déclencherait dans votre logement, vous êtes tenu d'alerter immédiatement, par téléphone, la Police, au n° 17, étant entendu que vous ne prendrez pas le risque de rentrer en contact avec l'extérieur ; par ailleurs, en cas d'incendie, il vous appartient d'alerter immédiatement les Pompiers au n° 18 ; le logement est affecté uniquement à vous-même, votre épouse et vos enfants » ; que M. X... a occupé ce logement pendant plus de dix ans ; qu'il revendique le statut de salarié, en qualité de gardien, et réclame paiement d'un salaire pour la période non prescrite, sachant que l'intéressé n'a jamais réclamé de rémunération en contrepartie de l'occupation de ce logement ; que M. X... verse aux débats douze pièces : deux bulletins de paie, délivrés les 1er février et 1er mars 2002, mentionnant son emploi de gardien depuis 1 ans et 2/3 mois, mais une rémunération égale à 0 pour un avantage brut en « nature logement » de 58,20 par mois ; deux déclarations, en date des 23 janvier 2002 et 31 janvier 2003, faites par la société MARITIME ET INDUSTRIELLE auprès de la CRAM du Sud-Est, qui gère les points de retraite de M. X..., selon lesquelles celui-ci percevrait un salaire de 0 ; huit notes, rédigées entre le 14 janvier 2002 et le 24 septembre 2003, signées d'un responsable de la société MARITIME ET INDUSTRIELLE, lui donnant instructions pour contrôler ponctuellement les venues et sorties de l'usine ; que la production de ces deux bulletins de paie délivrés par la société MARITIME ET INDUSTRIELLE renverse la charge de la preuve ; qu'il reste que les attestations des membres de la famille et des connaissances de M. X..., selon lesquelles celui-ci se disait gardien de l'usine, ne sont pas probantes car aucun attestant ne décrit avec précision son prétendu travail ; que de son côté, pour convaincre la cour du fait que son directeur général, officier supérieur de réserve, a pris sous sa protection M. X..., lui-même jeune retraité de la légion étrangère, en lui offrant un gîte pour lui et sa famille, sans pour autant avoir à l'esprit l'offre d'un emploi, la société MARITIME ET INDUSTRIELLE produit aux débats des pièces décisives : une attestation de la CROIX ROUGE FRANCAISE, en date du 18 mai 1993, qui explique que le couple X... est hébergé gratuitement dans l'usine des Aygalades à la demande du service social d'Aubagne ; deux attestations d'anciens salariés qui précisent que M. X... était hébergé gratuitement et qu'il n'occupait pas les fonctions de gardien ; l'attestation du gardien du cimetière des Aygalades, situé à proximité de l'usine, qui précise que M. X... était hébergé gratuitement et que son départ fut un soulagement pour son voisinage car il était souvent pris de boisson et grossier avec ses voisins ; que ces pièces démontrent que M. X... n'occupait pas d'emploi au sein de l'usine et que s'il est exact qu'il lui arrivait de rendre quelques menus services à son propriétaire, ces attentions ne caractérisent pas l'exécution d'une tâche de travail le plaçant sous la subordination de la société MARITIME ET INDUSTRIELLE moyennant une rémunération préalablement convenue ; que du reste, il est encore versé aux débats des relevés bancaires – sans opposition de l'appelant – qui établissent que M. X... a perçu des allocations de chômage de 1996 à 1998, puis, à compter de l'année 1999, une allocation versée par la CPAM ; qu'ayant été demandeur d'emploi, puis allocataire d'une pension d'invalidité, M. X... ne peut soutenir sérieusement avoir occupé dans le même temps un emploi salarié (arrêt, pages 3 à 5) ;

ET AUX MOTIFS, ADOPTES DU JUGEMENT, QUE Monsieur X... ne fournit, à l'appui de sa demande en reconnaissance de travailleur salarié de la SMI, ni contrat de travail, ni bulletins de salaire ; qu'il prétend avoir été licencié par lettre du 15 octobre 2004 alors qu'il ne s'agit que d'une demande de restitution du logement mis à sa disposition le 18 mai 1993 par la SMI à la demande du service social de la CROIX ROUGE, sans contrepartie ; que pour étayer sa demande, il présente une série de documents non datés, sur papier libre, qui ne montrent en rien une relation de travail continue, justifiant l'étendue de ses demandes ; que les documents datés relèvent de la période où l'usine n'avait plus d'activité, et était en train d'être démontée ; que M. X... n'a présenté ses demandes en paiement en reconnaissance d'un statut de salarié qu'après avoir quitté le domicile mis gracieusement à sa disposition (jugement p. 2 et 3) ;

ALORS, d'une part, QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements ; qu'il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué qu'au soutien de ses demandes, Monsieur X... a régulièrement produit aux débats huit notes rédigées entre le 14 janvier 2002 et le 24 septembre 2003, signées d'un responsable de la société MARITIME ET INDUSTRIELLE, lui donnant instructions pour contrôler ponctuellement les venues et sorties de l'usine ; qu'ainsi, aux termes de la note du 31 janvier 2003, l'employeur indiquait expressément : « je vous demande d'assister à tous les entretiens comme mon représentant » ; que la note du 25 février 2003 exigeait la présence constante de l'exposant auprès de deux visiteurs en précisant « pour me rendre compte de ce qui s'est passé et dit » ; que la note du 11 mars 2003 donnait à Monsieur X... la consigne expresse d'interdire l'accès de l'usine à certaines personnes, celle du 25 juin 2003 lui enjoignait de couper ponctuellement l'alimentation de l'usine en eau et en électricité, et celle du 24 septembre 2003 lui imposait d'empêcher la sortie de matériels et de surveiller des véhicules en notant leur immatriculation ; qu'en se bornant à examiner les pièces produites par la société MARITIME ET INDUSTRIELLE, notamment deux attestations d'anciens salariés indiquant que Monsieur X... n'occupait pas les fonctions de gardien, pour en déduire que celui-ci n'exerçait aucun emploi au sein de l'usine et se bornait à rendre de menus services à son propriétaire, sans examiner la portée des directives susvisées, de nature à démontrer l'existence d'une activité de surveillance et de gardiennage confiée à Monsieur X..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.121-1 du Code du travail ;

ALORS, d'autre part, QUE si le cumul d'un salaire avec une allocation de chômage ou une pension d'invalidité est prohibé, le bénéfice de telles prestations n'est pas, à lui seul, de nature à exclure l'existence d'un lien de subordination ; qu'en relevant qu'étaient versés aux débats des relevés bancaires établissant que M. X... avait perçu des allocations de chômage de 1996 à 1998, puis, à compter de l'année 1999, une allocation versée par la CPAM, pour en déduire qu'ayant été demandeur d'emploi, puis allocataire d'une pension d'invalidité, M. X... ne pouvait soutenir avoir occupé dans le même temps un emploi salarié, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.121-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à la société MARITIME ET INDUSTRIELLE une somme de 10 « pour procédure injuste, injustifiée et infondée » et 1.500 pour appel abusif ;

AUX MOTIFS QUE « après avoir profité de la fraternité d'un compagnon d'armes, Monsieur X..., de manière honteuse, a cru pouvoir l'abuser ; que nonobstant les justes motifs énoncés par les premiers juges, ce plaideur a ensuite persisté dans son intention de nuire à son bienfaiteur ; que la cour estime caractérisé un abus du droit d'appel à l'indemnisation duquel l'intimée recevra 1.500 » (arrêt attaqué p. 5, al. 9 à 11) ;

ALORS QUE l'action en justice constitue l'exercice d'un droit ; qu'en condamnant Monsieur X... au paiement de dommages-intérêts à raison du caractère abusif de l'action qu'il avait exercée et de l'appel qu'il avait formé sans caractériser aucun fait de nature à rendre fautifs l'exercice de l'action et la formation de l'appel pour la défense de ce que Monsieur X... pouvait estimer sans faute de sa part constituer ses droits, fût-ce à l'égard de son « bienfaiteur », la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-44927
Date de la décision : 04/06/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10 mai 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 jui. 2009, pourvoi n°07-44927


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, Me Blanc

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.44927
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