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17/12/2008 | FRANCE | N°07-15459

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 décembre 2008, 07-15459


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 888, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;

Attendu que l'action en rescision pour lésion est recevable non seulement contre les partages proprement dits, mais également contre les actes qui, en vue de la réalisation du partage et concourant à sa réalisation, attribuent des biens indivis à certains copartageants, dès lors que, par cette opération, assimilable à un

partage, les biens sont définitivement sortis de l'indivision entre les parties q...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 888, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;

Attendu que l'action en rescision pour lésion est recevable non seulement contre les partages proprement dits, mais également contre les actes qui, en vue de la réalisation du partage et concourant à sa réalisation, attribuent des biens indivis à certains copartageants, dès lors que, par cette opération, assimilable à un partage, les biens sont définitivement sortis de l'indivision entre les parties qui y ont figuré ;

Attendu que le 2 août 2002, après leur divorce prononcé sur le fondement de l'article 248-1 du code civil, M. Y... et Mme X... ont signé un procès-verbal d'état liquidatif de leur communauté conjugale, établi en exécution d'un " protocole d'accord " conclu au cours de l'instance en divorce, stipulant qu'il revêtait un caractère forfaitaire et transactionnel ; que, postérieurement, M.
Y...
a fait assigner Mme X... pour obtenir le partage des valeurs mobilières déposées sur des comptes ouverts au nom de celle-ci, omises de l'état liquidatif et, subsidiairement, en rescision du partage pour lésion ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action exercée par M.
Y...
, après avoir rappelé que le " protocole d'accord " signé par les époux le 1er mars 1999, démontrant que la commune intention des parties était d'en finir amiablement dans le cadre de la procédure de divorce et plus précisément de s'accorder pour régler intégralement et définitivement les conséquences tant personnelles que patrimoniales de leur séparation, prévoyait qu'une convention notariée de liquidation de communauté serait établie par un notaire, qu'aucune soulte de part et d'autre ne serait versée au titre de la liquidation de la communauté, tout écart s'analysant comme une prestation compensatoire en nature, l'arrêt relève que le préambule de l'état liquidatif du 2 août 2002, établi en exécution du " protocole d'accord " du 1er mars 1999, auquel il fait expressément référence, mentionne que les requérants présents à l'acte de partage ont procédé, amiablement et à titre forfaitaire et transactionnel, à la liquidation et partage de leur communauté, dissoute par le divorce, et retient que la généralité des termes employés démontre que, conformément au " protocole d'accord " antérieur, les ex-époux avaient l'intention de transiger sur l'intégralité de l'actif-mobilier et immobilier-communautaire, que M.
Y...
avait connaissance de l'existence des comptes bancaires et avoirs revendiqués avant la signature du " protocole " et donc de l'état liquidatif de sorte qu'il n'est pas fondé à arguer d'une erreur sur l'objet de la transaction, et que l'omission de biens alléguée ne peut donner lieu qu'à une action en complément de partage, en l'espèce irrecevable à raison de la transaction, qui a entre les parties autorité de la chose jugée en dernier ressort, et non à une action en rescision pour lésion ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en rescision pour lésion était recevable à l'encontre d'une convention contenant des attributions faisant cesser l'indivision et qui, interdisant aux ex-époux d'introduire une action en complément de partage, avait pour effet d'attribuer à l'épouse la propriété des valeurs mobilières qu'elle détenait, la cour d'appel a, par fausse application, violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M.
Y...

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré l'action de M. Charles Y..., irrecevable ;

Aux motifs qu'" aux termes des articles 2048 et suivants du Code Civil, les transactions se renferment dans leur objet et la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ; qu'elles ne règlent que les différents qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé ; que les transactions ont entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; qu'elles peuvent être rescindées lorsqu'il y a erreur sur l'objet et pour dol ; qu'en application des articles 887 et 888 du Code Civil en leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 et par dérogation à l'article 2025 alinéa 2 du Code Civil, la transaction ayant pour effet de faire cesser l'indivision existant sur les biens communs entre exépoux est sujettie à l'action en rescision pour lésion de plus du quart ; qu'en l'espèce le Tribunal a considéré que l'objet de la transaction était circonscrit au partage immobilier ; que cependant l'état liquidatif a été établi en exécution d'un protocole d'accord signé des époux le 1er mars 1999, auquel il fait expressément référence, aux termes duquel, notamment, " une convention notariée de liquidation de communauté (serait) établie par la SCP LEBOUC-LAMBERT, et aucune soulte de part et d'autre ne (serait) versée au titre de la liquidation de la communauté, tout écart s'analysant comme une prestation compensatoire en nature " ; que l'analyse de ce protocole, qui visait expressément l'article 2044 et suivant du Code Civil démontre que la commune intention des parties était, ainsi qu'il est précisé " d'en finir amiablement dans le cadre de cette procédure de divorce " et plus précisément de s'accorder pour régler intégralement et définitivement les conséquences tant personnelles que patrimoniales de leur séparation ; que le Tribunal, lors du prononcé du divorce, a d'ailleurs fait application de cet acte en ses dispositions relatives au prononcé du divorce, aux pensions alimentaires pour les enfants majeurs, à la prestation compensatoire et à la désignation du notaire ; que Monsieur Y... soutient que ce protocole n'a en fait pas été exécuté puisque le divorce a été prononcé en application de l'article 248. 1 du Code Civil alors qu'était prévu un " divorce pax consentement mutuel ", et qu'ainsi l'acte est devenu caduc ; que cependant, malgré l'impropriété procédurale de ce terme, l'analyse des diverses dispositions de cet écrit démontre que les parties souhaitaient mettre fin aux conflits relatifs tant au principe du prononcé du divorce qu'aux conséquences pécuniaires y afférent, objet à la date du protocole de plusieurs instances en cours devant le Tribunal et devant la Cour ; or il est constant qu'en exécution du protocole, des désistements ont été régularisés et que la procédure de divorce pour faute a été modifiée, étant rappelé que l'application de l'article 248. 1 du Code Civil suppose l'accord des parties au moins sur le prononcé du divorce, qu'en l'espèce cet accord a été étendu à l'intégralité de ses conséquences, et que le jugement n'a pas fait l'objet de recours ; que l'argumentation de Monsieur Y... de ce chef est donc infondée ; que dans le préambule de l'état liquidatif, i1 est indiqué : " les requérants (...) présents à l'acte, (...) ont par les présentes procédé amiablement et à titre forfaitaire et transactionnel, à la liquidation et partage de communauté ayant initialement existé entre eux, dissoute par le divorce " ; qu'ainsi, la généralité des termes employés démontre que conformément au protocole antérieur, les ex-époux avaient l'intention de transiger sur l'intégralité de l'actif-mobilier et immobilier-communautaire : si seules les ventes et achats de biens immobiliers au cours du mariage concernant trois immeubles ont été précisément décrits, cette limitation de l'exposé dont la finalité était " préalablement aux conventions pour en faciliter la compréhension " est insuffisante pour établir que le partage était circonscrit aux immeubles, et ce alors d'une part qu'ont été inclus des éléments d'actif (le cabinet médical de Monsieur Y...) et de passif (divers emprunts) mobiliers, et d'autre part qu'in fine a été précisé : " les parties déclarent que la présente convention comprend la totalité des éléments d'actif et de passif dépendant de la communauté. (...). Elles se reconnaissent mutuellement remplies de leurs droits et renoncent expressément à élever dans l'avenir une contestation quelconque relative au règlement de cette communauté. (...) Le présent acte a un caractère forfaitaire et transactionnel " ; qu'à raison de ce caractère forfaitaire et transactionnel, et alors que toute transaction implique des concessions et des renonciations, le fait que Madame X... ait déclaré n'avoir aucune reprise à exercer à l'encontre de la communauté ne signifie pas, comme allégué par Monsieur Y... que contrairement aux énonciations claires et précises ci-dessus rappelées, le partage était limité aux immeubles ; que par ailleurs, il est établi par la production aux débats des courriers des parties et des écrits de procédure par elles déposés lors d'instances antérieures que Monsieur Y... avait connaissance de l'existence des comptes bancaires et avoirs aujourd'hui revendiqués avant la signature du protocole, et donc de l'état liquidatif ; qu'il est donc infondé à arguer d'une erreur sur l'objet de la transaction ; que les articles 887 et 888 du Code Civil, rendus applicables aux partages de communauté par l'article 1476 du même code, qui constituent une dérogation à l'article 2052 alinéa 2 du Code Civil sont étrangers au présent litige puisque l'omission de biens, alléguée par Monsieur Y..., ne peut donner lieu qu'à une action en complément de partage, en l'espèce irrecevable à raison de la transaction qui a entre les parties autorité de chose jugée en dernier ressort, et non à une action en lésion ; qu'en conséquence les jugements seront infirmés et l'action de Monsieur Y... déclarée irrecevable " (cf. arrêt pp. 3 à 6) ;

Alors d'une part qu'en vertu de l'article 888 alinéa 1 du Code civil, l'action en rescision est admise contre tout acte qui met fin à l'indivision, encore qu'il fût qualifié de transaction ; que lorsqu'une des concessions de la transaction consiste à reconnaître que le partage porte sur la totalité des actifs de l'indivision alors que ce n'est pas le cas, l'action en rescision pour lésion ne saurait être écartée au motif que l'omission d'un bien donne lieu en principe à un partage complémentaire, auquel les parties ont renoncé par la transaction ; qu'en l'espèce, ayant relevé que les parties ayant indiqué dans leur transaction-partage que cette convention comprend la totalité des éléments d'actif et de passif de la communauté, l'action en complément de partage est irrecevable, la Cour d'appel ne pouvait pas déclarer irrecevable l'action en rescision pour lésion, au motif que l'omission d'un bien ne peut donner lieu qu'à une action en complément de part irrecevable en l'espèce ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 888 alinéa 1 susvisé ;

Alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, le principe d'égalité du partage exclut que par une transaction-partage indiquant qu'elle porte sur la totalité de l'actif communautaire, alors que c'est inexact, un copartageant puisse renoncer à tout partage complémentaire, sans bénéficier de l'action en rescision pour lésion de plus du quart ; qu'une telle transaction serait nulle comme violant l'article 6 du Code civil ; qu'en l'espèce, en décidant que M. Y... ne pouvait bénéficier ni de l'action en rescision, ni de l'action en partage complémentaire, parce que des biens avaient été sciemment omis dans la transaction-partage déclarée intégrale, la Cour d'appel, qui a donné effet à une transaction contraire au principe d'égalité du partage, a violé l'article 6 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07-15459
Date de la décision : 17/12/2008
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PARTAGE - Lésion - Rescision - Action en rescision - Actes susceptibles - Détermination - Portée

COMMUNAUTE ENTRE EPOUX - Partage - Lésion - Rescision - Action en rescision - Actes susceptibles - Détermination - Portée

L'action en rescision pour lésion est recevable non seulement contre les partages proprement dits, mais également contre les actes qui, en vue de la réalisation du partage et concourants à sa réalisation, attribuent des biens indivis à certains copartageants, dès lors que, par cette opération assimilable à un partage, les biens sont définitivement sortis de l'indivision entre les parties qui y ont figuré. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, pour déclarer irrecevable l'action en rescision pour lésion exercée par un époux commun en biens soutenant que des valeurs mobilières déposées sur des comptes bancaires ouverts au nom de l'épouse, avaient été omises de l'état liquidatif stipulant qu'il revêtait un caractère forfaitaire et transactionnel, retient que la généralité des termes employés dans cet acte démontre que les ex-époux ont eu l'intention de transiger sur l'intégralité de l'actif communautaire, mobilier ou immobilier, conformément à un "protocole d'accord" conclu pendant l'instance en divorce, que l'époux avait connaissance de l'existence des comptes bancaires et avoirs revendiqués, de sorte qu'il n'est pas fondé à arguer d'une erreur sur l'objet de la transaction et que l'omission de biens allégués ne peut donner lieu qu'à une action en complément de partage, en l'espèce irrecevable à raison de la transaction et non à une action en rescision pour lésion, alors qu'une telle action était recevable à l'encontre d'une convention comportant des attributions faisant cesser l'indivision et qui, interdisant aux ex-époux d'introduire une action en complément de partage, avait pour effet d'attribuer à l'épouse des valeurs mobilières qu'elle détenait


Références :

article 888, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 22 février 2007

Sur les actes susceptibles d'une action en rescision en matière de partage, à rapprocher :1re Civ., 9 janvier 2008, pourvoi n° 06-16454, Bull. 2008, I, n° 9 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 déc. 2008, pourvoi n°07-15459, Bull. civ. 2008, I, n° 291
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2008, I, n° 291

Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Mellottée (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Bignon
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.15459
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