LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 2007), que Mme X..., salariée de la société CAHPP, a été désignée déléguée syndicale le 13 avril 2004 ; qu'elle a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement le 16 avril 2004 ; que, saisi par l'employeur le 29 avril 2004, le tribunal d'instance a prononcé l'annulation de la désignation de Mme X... le 17 juin 2004 ; qu'ayant été licenciée pour faute lourde le 24 juin 2004, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes d'une contestation de son licenciement ; que le conseil de prud'hommes a sursis à statuer en raison d'une action pénale en cours ;
Attendu que la société CAHPP fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de sursis à statuer en ce qu'elle portait sur l'ensemble du litige, d'avoir dit que le licenciement de Mme X... était sans cause réelle ni sérieuse, et de l'avoir condamnée à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que dès lors que de la décision rendue par le tribunal d'instance sur la contestation de la désignation d'un salarié en qualité de délégué syndical dépend l'application éventuelle du statut protecteur, une telle contestation, qui a nécessairement une incidence sur le déroulement de la procédure de licenciement, ne peut qu'interrompre le délai d'un mois séparant l'entretien préalable de l'envoi de la lettre de licenciement prévu par l'article L. 122-41 du code du travail ; en sorte, qu'en considérant qu'un tel délai n'avait pu être interrompu par la saisine du tribunal d'instance sur la désignation de Mme X... en qualité de déléguée syndicale, la cour d'appel a violé l'article L. 122-41, ensemble l'article L. 412-15 du code du travail ;
2°/ qu'en considérant, pour décider que ledit délai n'avait pas été interrompu, que le tribunal d'instance n'avait pas à se prononcer sur le licenciement d'un salarié protégé et qu'il revenait à l'employeur de saisir l'inspecteur du travail d'une telle demande, quand il ne s'agissait pas de déterminer quelle autorité devait se prononcer sur le licenciement de Mme X..., mais de savoir si la contestation de la qualité de délégué syndical, dont l'issue conditionnait l'application du statut protecteur, permettait à l'employeur d'attendre que le juge d'instance se soit prononcé sur ladite désignation, avant de procéder au licenciement ou, le cas échéant, de saisir l'inspecteur du travail ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le sursis à statuer doit être ordonné dès lors que la décision à intervenir sur l'action publique est susceptible d'influer sur celle qui doit être rendue par la juridiction civile ; que dès lors, même en supposant que les dispositions de l'article L. 122-41 aient été méconnues privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse, les faits sur lesquels devait se prononcer le juge pénal, et qui portaient notamment sur la constitution d'un faux contrat de travail, le vol de matériel et de données de l'entreprise, l'engagement de fonds à des fins personnelles, et enfin des violences morales et psychologiques sur les salariés, étaient susceptibles, s'ils se révélaient avérés, d'avoir une incidence sur l'évaluation du préjudice subi par Mme X... ; que dès lors, en rejetant le sursis à statuer, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en considérant que l'employeur ne se serait pas « opposé à la demande d'évocation » et qu'il aurait « présenté ses observations sur les conséquences du licenciement », quand il résultait des écritures de ce dernier qu'il avait tout au contraire sollicité un renvoi devant les premiers juges, réservant ses observations sur le fond, et précisé qu'une évocation de l'affaire l'aurait « privé de la possibilité de présenter des demandes reconventionnelles », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ que, même en admettant que l'employeur ait effectivement présenté des observations sur « les conséquences du licenciement », la cour d'appel, lorsqu'elle entend faire usage de son droit d'évocation, doit mettre les parties en mesure de conclure sur les points qu'elle se propose d'évoquer ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de la décision que la cour d'appel ait invité l'employeur à conclure sur la demande de congés payés formée par Mme X... pour la période du 1er au 28 juin 2004, laquelle ne constituait pas une « conséquence du licenciement » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 568 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'engagement par l'employeur d'une action en contestation de la désignation de la salariée en qualité de déléguée syndicale ne suspend pas le délai d'un mois prévu à l'article L. 1332-2 du code du travail ;
Et attendu, d'autre part, qu'abstraction faite de la dénaturation évoquée par la quatrième branche du moyen restée sans incidence sur la solution du litige, la cour d'appel, qui a constaté que les parties avaient présenté leurs observations sur les conséquences du licenciement, a exercé le pouvoir d'évocation qu'elle tient de l'article 568 du code de procédure civile ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CAHPP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société CAHPP à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille huit.