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11/06/2008 | FRANCE | N°07-87877

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juin 2008, 07-87877


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Heribert,
- Y... Wolfgang,

contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 11 septembre 2007, qui, pour abus de biens sociaux et banqueroute, les a condamnés, chacun, à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;



Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, L. 242...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Heribert,
- Y... Wolfgang,

contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 11 septembre 2007, qui, pour abus de biens sociaux et banqueroute, les a condamnés, chacun, à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 246-2 du code de commerce, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Heribert X... et Wolfgang Y... coupables du chef d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs qu'il résulte des éléments du dossier, notamment des factures, que la société X... a acheté les vélos auprès de la société indienne ; que si, comme le soutiennent les prévenus, le SERNAM a dans un premier temps facturé les frais de transport à la société BAC (facture émise le 23 juillet 1994) et a "refait" une autre facture au nom de la société X... le 17 janvier 1995, il est établi au vu d'un courrier adressé par la société X... le 18 juillet 1994 que la facturation du 23 juillet 1994 a été établie à la demande expresse de cette dernière "nous changeons notre commande de transport. Veuillez livrer ce conteneur à notre client la société BAC…" ; que les prévenus ne peuvent sérieusement soutenir que Thierry Z... a réglé le SERNAM et s'est acquitté de la TVA de sa propre initiative alors qu'il ressort des correspondances produites au dossier que la société X... a, de manière constante, suivi cette opération et donné des instructions au SERNAM ; que le commissaire au compte, entendu par les services de police confirmait que la société BAC avait provisionné cette somme dans son bilan 1995 dans un compte provision pour litige et qu'en accord avec Wolfgang Y..., cette somme devait être imputée au débit du compte fournisseur X... dans les écritures et la provision reprise ; qu'enfin, c'est bien en tant que vendeur, à des détaillants français, de vélos dont elle s'était rendue acquéreur lors de leur arrivée en France que la société X... a sollicité auprès de l'administration fiscale le remboursement de la TVA ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les prévenus ont fait supporter à la société BAC des frais de transport et de TVA incombant à la société X... ; (…) que la société Eccocycles était débitrice de la société X... de 1 200 000 francs et de la société BAC de 300 000 francs ; que ces créances provenaient du fait que la société X... se substituait à Eccocycles dans l'achat de vélos à une société indienne Avon et que la société BAC vendait à celle-ci des pièces détachées ; qu'il est reproché aux prévenus d'avoir donné des instructions a Thierry Z... afin de récupérer les vélos et de les stocker sur le site de Charleville-Mézières ; que plutôt que de les commercialiser elle-même la société X... les faisait racheter par la société BAC laquelle se trouvait en possession d'un stock très important bien que n'ayant pas vocation à vendre des vélos sachant que la société X... récupérait sa créance en en faisant peser la charge sur la société BAC qui au demeurant ne disposait pas de la trésorerie pour supporter une telle charge ; (…) que l'enquête a permis d'établir que la société Eccocycles a été mise en règlement judiciaire le 20 décembre 1994 et en liquidation judiciaire le 25 janvier 1995 ; que les créances de BAC et de X... étaient pratiquement irrécupérables ; qu'en faisant racheter par la société BAC le lot attribué à la société X... pour le montant de 1 200 000 francs, soit le montant exact de sa créance, les prévenus ont permis à la société X... de récupérer la totalité de sa créance en faisant supporter tous les risques à la société BAC ; que le commissaire aux comptes chiffre la perte résultant de cette opération à 249 169 francs pour la société BAC ; que les prévenus ne contestent pas cette perte mais la chiffrent à 176 079 francs et tentent vainement de la justifier comme il vient d'être indiqué ; qu'il est encore établi que les prévenus dirigeaient également la société luxembourgeoise Luxvelo et que Wolfgang Y... a reconnu devant le juge d'instruction, avoir vendu à cette dernière, en sa qualité de dirigeant de la société BAC, le restant des vélos à un prix inférieur mais "à un prix qui rendait la vente possible" ; que les vélos ont été vendus avec 40 % de décote ; que rien n'empêchait la société X... de conserver la propriété des vélos et de les céder directement à la société Luxvelo, si ce n'est que dans cette hypothèse la société X... ne récupérait pas la totalité de sa créance et que c'est elle qui devait supporter la vente à perte ; que, dans ces conditions, les prévenus ont bien favorisé la société allemande au détriment de la société BAC et le tribunal en a déduit à bon droit qu'ils s'étaient rendus coupables du délit d'abus de biens sociaux (arrêt pp 5-6) ;

"1°) alors que, lorsqu'il est commis aux fins de favoriser une société dans laquelle les prévenus sont intéressés, le délit d'abus de biens sociaux ne peut être constitué qu'à la condition que soit constaté l'usage abusif des biens ou du crédit de la société au préjudice de laquelle l'infraction a été commise ; que, pour condamner Heribert X... et Wolfang Y... du chef d'un tel délit commis au préjudice de la société BAC, l'arrêt attaqué se borne à relever qu'après s'être acquittée d'une facture correspondant à l'achat de vélos, initialement commandés par la société BAC, la société X..., dont Heribert X... et Wolfang Y... sont intéressés, a sollicité le remboursement de la TVA auprès de l'administration fiscale, sans indiquer en quoi cette opération aurait été réalisée par un usage abusif des biens de la société BAC ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"2°) alors que la cour d'appel, en retenant, d'une part, que la société X... a supporté les dépenses liées à l'acquisition et aux transports de vélos pour le compte de la société BAC et, d'autre part, que les prévenus ont fait supporté à la société BAC des frais de transport et de TVA incombant à la société X..., s'est contredite ;

"3°) alors que le délit d'abus de biens sociaux n'est pas constitué en l'absence de mauvaise foi du prévenu, laquelle doit être expressément constatée ; qu'en omettant de constater que Heribert X... et Wolfang Y... auraient commis de mauvaise foi les faits reprochés, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 654-2, 2°, L. 626-1 du code de commerce dans sa rédaction applicable, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Heribert X... et Wolfang Y... coupables du chef de banqueroute ;

"aux motifs que, sous l'impulsion des dirigeants allemands la société BAC participait a la constitution de la société thaïlandaise TGF et devenait propriétaire, le 31 juillet 1993, de 49 % des actions de cette entreprise par apport en machines estimé à 3 268 224 francs ; que, le 15 juin 1997, soit quinze jours avant l'ouverture de la procédure collective la société BAC cédait à la société X... les 131 580 actions qu'elle détenait dans la société TGF pour la somme de 4 025 000 francs ; qu'il est reproché aux prévenus d'avoir effectué cette opération afin d'apurer le solde débiteur de la société BAC auprès de Ia Deutsch Bank à Trèves et ainsi éviter d'être appelés en tant que caution personnelle sur les concours accordés par cette banque à la société BAC, et d'avoir ainsi détourné le paiement de ces actions qui auraient dû être intégré dans la trésorerie globale de BAC ; que les prévenus ne contestent pas que le paiement des actions a permis à la société BAC de créditer son compte bancaire du prix de cession mais soutiennent que la société s'est ainsi libérée de sa dette auprès de la banque et que l'opération ne peut être qualifiée de détournement d'actifs ; que, même si cet assainissement de la situation financière de la société BAC avait profité par ricochet, ce qu'au demeurant ils contestent, aux cautions, ce profit ne pourrait constituer le détournement d'actif ; que la cession et le rachat des actions TGF pour la somme de 4 025 000 francs payable au 13 juin 1997 a servi à compenser, d'une part, une partie de la créance de la société X... (500 000 DM) sur la société BAC et, d'autre part, à apurer le solde débiteur de la BAC auprès de la Deutsch Bank ; qu'à défaut d'être intégrée dans la trésorerie globale de la société BAC l'utilisation de cette somme a eu pour conséquence d'affecter la consistance de l'actif disponible et a surtout permis aux prévenus de se désengager auprès du banquier des obligations auxquelles ils auraient été autrement tenus en leur qualité de caution personnelle ; que par assemblée générale extraordinaire, le capital social de la société BAC a été porté de 250 000 francs à 4 250 000 francs et ce par une augmentation entièrement souscrite par la société X... ; que cette somme a été versée le 13 juin 1947 par chèque de la société X... au crédit de la société BAC à la Deutsch Bank ; qu'il est encore reproché aux prévenus d'avoir ainsi voulu se désengager de leur caution personnelle ; que les prévenus soutiennent que le paiement n'a pas été effectué en faveur de la banque mais au seul profit de la société BAC et que le désintéressement de la banque a constitué un apport d'actifs plutôt qu'un détournement et que la libération des cautions n'a eu aucun impact sur les actifs de la société ; qu'il est néanmoins établi que cette augmentation de capital, tout comme la cession et le rachat des actions TGF, n'a été mise en oeuvre que dans le seul but de réduire les découverts et les soldes d'emprunts consentis par la Deutsch Bank à la société BAC dont Heribert X... et Wolfgang Y... étaient caution personnelle ; que le paiement ainsi effectué en faveur de la banque constitue un détournement d'actif alors même que la société BAC se trouvait en état de cessation de paiements dont la date a été judiciairement reportée au 20 décembre 1995 ; qu'en procédant au paiement du solde des concours bancaires dont ils étaient caution personnelle par préférence aux autres créanciers les prévenus ont commis le délit de banqueroute qui leur est reproché (arrêt, p 7) ;

"alors que ne constitue pas le délit de banqueroute par détournement de l'actif d'une société le fait par le dirigeant de celle-ci de céder, à un ou plusieurs créanciers de la personne morale, tout ou partie des biens de cette dernière dans la mesure où, égale ou supérieure à la valeur de ces biens, la créance du bénéficiaire est liquide, certaine et exigible ; qu'en déclarant Heribert X... et Wolfang Y... coupables d'un tel délit pour avoir désintéressé deux créanciers de la société BAC, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute par détournement d'actif dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 624-3, dans sa version antérieure à la loi du 26 juillet 2005, du code de commerce, 1382 et 1383 du code civil, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Heribert X... et Wolfang Y... à payer à Me Jean-François A..., ès qualité de mandataire à la liquidation, la somme de 609 796 euros ;

"aux motifs que Me A..., représentant la société civile professionnelle A... Morange, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Bayard Accessoires Cycles, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il lui a été alloué ès qualités la somme de 609 796 euros (4 000 000 francs) au titre du préjudice résultant de la banqueroute par l'augmentation de capital ayant servi à libérer Heribert X... et Wolfgang Y... de leur engagement de caution et celle de 804,93 euros au titre de la cession sans contrepartie des marques Idéale et Bayard ; qu'il sollicite une somme de 10 000 euros euros en application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que Heribert X... et Wolfgang Y... soutiennent que la demande de la partie civile est irrecevable dès lors qu'une mesure de comblement de la totalité du passif de la société BAC a été prononcée à leur encontre par la chambre civile de la cour d'appel de Reims le 10 juillet 2001 ; qu'ils concluent au débouté de la demande dès lors qu'ils sollicitent leur relaxe et font valoir subsidiairement l'absence de preuve d'un préjudice ; qu'il est constant que l'action en comblement de passif est autonome et distincte de l'action en réparation du préjudice causé par un délit de banqueroute, eu égard à leur objet de nature différente, que les deux actions peuvent être exercées cumulativement ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré la demande de la partie civile recevable et qu'il y a lieu dès lors de confirmer le jugement sur ce point ; que le préjudice allégué résulte directement de la diminution de l'actif et est nécessairement égal à la valeur du bien frauduleusement soustrait de cet actif ; que, dans ces conditions, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a évalué le préjudice résultant des faits de banqueroute à la somme de 609 796 euros et condamné solidairement Heribert X... et Wolfgang Y... au paiement de cette somme (arrêt, pp 8-9) ;

"alors que si la liquidation judiciaire d'une société commerciale fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions de l'article L. 624-3 (dans sa version antérieure à la loi du 26 juillet 2005 du code de commerce) donnent aux créanciers sociaux une action spécifique, l'action en comblement de passif, contre les dirigeants sociaux coupables de fautes de gestion ; que les dispositions susvisées ne se cumulent pas avec les articles 1382 et 1383 du code civil ; qu'un créancier social est ainsi irrecevable à agir contre des dirigeants sociaux, déjà condamnés au titre de l'action en comblement de passif, pour obtenir réparation de fautes qui, pour avoir une qualification pénale, n'en sont pas moins des fautes commises dans la gestion de la société ; qu'en condamnant Heribert X... et Wolfang Y... au paiement de dommages-intérêts au profit de Me A..., liquidateur judiciaire de la société BAC, tout en relevant que ces mêmes personnes avaient été condamnées par le juge commercial au comblement du passif de la société BAC, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'en retenant que l'action en réparation du dommage causé à la liquidation judiciaire de la société Bayard accessoires cycles, par le détournement d'actif dont les prévenus ont été déclarés coupables est distincte de l'action en comblement du passif, et en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice en résultant, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rognon conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 11 septembre 2007


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 11 jui. 2008, pourvoi n°07-87877

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Composition du Tribunal
Président : M. Dulin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 11/06/2008
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07-87877
Numéro NOR : JURITEXT000019126434 ?
Numéro d'affaire : 07-87877
Numéro de décision : C0803558
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2008-06-11;07.87877 ?
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