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04/03/2008 | FRANCE | N°07-81108

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 mars 2008, 07-81108


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur les pourvois formés par :

-X... Pierre,-Z..., dit Y... Serge,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8e chambre, en date du 30 janvier 2007, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef d'homicide involontaire, s'est déclarée incompétente pour prononcer sur l'action civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 d

u code pénal,497,509,515 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, ma...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur les pourvois formés par :

-X... Pierre,-Z..., dit Y... Serge,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8e chambre, en date du 30 janvier 2007, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef d'homicide involontaire, s'est déclarée incompétente pour prononcer sur l'action civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal,497,509,515 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoirs ;
" en ce que la cour d'appel, statuant sur le seul appel interjeté par les parties civiles contre le jugement relaxant les prévenus du délit d'homicide involontaire, objet de la prévention, a infirmé ce jugement et dit que Pierre X... et Serge Z... ont commis une faute dans l'exercice de leurs fonctions avant de dire que cette faute n'était pas détachable de leurs fonctions et de se déclarer incompétente pour statuer sur l'action civile au profit de la juridiction administrative ;
" aux motifs que la cour doit rechercher si le dossier démontre à l'encontre de chacun des prévenus l'existence d'une faute personnelle pour avoir créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'a pas pris les mesures pour l'éviter en violant délibérément une obligation particulière de prudence ou en commettant une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ; que les fautes reprochées aux prévenus sont de ne pas avoir, alors que la situation du risque dans son ensemble leur était connue, pris l'initiative de la mise en oeuvre d'une procédure tendant à l'hospitalisation d'office de Robert A... ; que les fautes dont les prévenus sont déclarés coupables ne peuvent être considérées comme détachables de leurs fonctions ; que les juridictions administratives sont seules compétentes pour connaître de l'action en réparation des dommages causés dans l'exercice de leurs fonctions ;
" alors que les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile contre un jugement correctionnel relaxant le prévenu, sont tenus de rechercher, même s'ils sont incompétents pour accorder des réparations civiles, si les faits qui leur sont déférés constituent une infraction pénale ; qu'en se bornant à rechercher l'existence d'une faute personnelle présentant les caractères d'une faute délibérée ou caractérisée et en s'abstenant d'apprécier et de qualifier le délit d'homicide involontaire en tous ses éléments constitutifs, notamment la certitude du lien de causalité entre la faute imputée aux prévenus et la mort de la victime, la cour d'appel a violé les textes précités et a excédé ses pouvoirs " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal,593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel a infirmé le jugement entrepris déboutant les parties civiles de leurs demandes suite à la relaxe prononcée au bénéfice des prévenus et a dit que ces derniers ont commis une faute dans l'exercice de leurs fonctions, renvoyant ainsi l'examen de l'action civile à la compétence de la juridiction administrative ;
" aux motifs que les conditions restrictives posées par la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'existence se trouvaient réunies de nature à orienter en urgence Robert A... vers une procédure d'hospitalisation d'office (nécessité d'une hospitalisation, de soins psychiatriques, compromission certaine et avérée de la sûreté des personnes et troubles à l'ordre public réitérés) ; que Pierre X... et Serge Z..., au jour du drame, étaient largement informés de l'état physique et mental, du caractère asocial, du refus obstiné de communiquer et de l'état délirant et armé de Robert A... ; que les termes du rapport B... constituaient un élément nouveau, sérieux et déterminant qui devait entraîner aux lieu et place du courrier du 3 juin 1996 un courrier des deux prévenus prenant en compte la situation de Robert A... telle que décrite par l'expert, c'est-à-dire avec un pronostic vital en jeu, un état potentiellement dangereux chez un sujet délirant et interprétatif, armé d'une carabine dont plusieurs témoins avaient déjà été menacés ; qu'ainsi il appartenait aux deux prévenus de saisir immédiatement un médecin psychiatre afin de poser clairement la question de la nécessité de l'hospitalisation d'office de l'intéressé, en l'état des constatations de l'expert B... ; que Pierre X... et Serge Z... avaient les pouvoirs et les moyens de par leurs fonctions de susciter un bilan psychiatrique et somatique et de poser clairement par écrit la seule question qui apparaissait devoir être posée par ces professionnels compte tenu des risques que l'état de Robert A..., qu'ils connaissaient, faisait courir tant à lui-même qu'à autrui ; qu'il apparaît dérisoire et pour le moins inadapté de la part de professionnels de l'action sanitaire et sociale de préconiser « que cette personne puisse bénéficier d'une mise sous tutelle sous les plus brefs délais » ; que le dossier démontre encore que tous les intervenants ayant eu à connaître du « cas A... » attendaient la décision de la DDASS des Yvelines en raison du problème essentiellement psychiatrique et de ses manifestations posé par l'intéressé ; qu'il est inacceptable que les personnes qui avaient les pouvoirs, les moyens et les compétences pour mettre en oeuvre une procédure permettant de déboucher à court terme sur l'hospitalisation de Robert A... se soient abstenues d'accomplir les diligences adéquates afin de faire cesser la situation lamentable et dangereuse dont elles avaient connaissance ; qu'aucun autre élément que le geste meurtrier de Robert A..., prévisible compte tenu des données médicales connues des deux prévenus, n'a justifié le placement d'office de celui-ci après le drame, et alors que ceux qui avaient la possibilité de faire cesser le risque ont laissé, en connaissance de cause, perdurer et aggraver la situation ; que la faute de négligence qui leur est reprochée consiste à n'avoir pas, alors que la situation du risque dans son ensemble leur était connue, pris l'initiative de la mise en oeuvre d'une procédure tendant à l'hospitalisation d'office de Robert A... ;
" alors que, d'une part, à supposer que la cour d'appel ait voulu considérer que les prévenus se seraient rendus coupables d'un homicide involontaire, et non pas d'une simple faute civile, il lui appartenait de caractériser l'ensemble des éléments constitutifs de ce délit, à commencer par une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité que les prévenus ne pouvaient ignorer ; que ne caractérise pas une telle faute le fait pour les prévenus de s'abstenir d'initier une procédure d'hospitalisation d'office à l'égard de Robert A... dès lors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'intéressé, s'il vivait dans des conditions « lamentables » et dangereuses pour lui-même, restait cloîtré dans sa caravane et n'avait fait preuve d'agressivité qu'à l'égard des personnes qui avaient tenté de l'extraire de sa situation et jamais à l'égard de celles qui, comme la victime, venaient régulièrement lui rendre visite ; que, dès lors, en l'absence de la moindre manifestation d'un risque d'agression à l'égard des personnes venant rendre visite à Robert A..., le prétendu retard pris dans la décision d'ouvrir une procédure d'hospitalisation à l'encontre de l'intéressé ne constitue pas une faute ayant exposé les personnes venant lui porter assistance, telle que la victime, à un danger d'une particulière gravité que les prévenus ne pouvaient ignorer ; que, dès lors, la cour d'appel a violé les textes précités ;
" alors que, d'autre part, l'article 221-6 du code pénal exige, pour recevoir application, que soit constatée l'existence certaine d'un lien de causalité entre la faute du prévenu et le décès de la victime ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 342 du code de la santé publique, existant à l'époque des faits que l'hospitalisation d'office des personnes dont les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sûreté des personnes suppose une décision du préfet au vu d'un certificat médical circonstancié ; qu'en se bornant à constater que les conditions pour orienter en urgence Robert A... vers une procédure d'hospitalisation d'office se trouvaient réunies et que les prévenus auraient dû susciter d'un médecin un bilan psychiatrique et somatique et poser clairement par écrit la question de la dangerosité de l'intéressé sans établir que les conditions de cette hospitalisation étaient effectivement réunies et, précisément, qu'il est certain que le médecin saisi aurait préconisé cette mesure, la cour d'appel, qui n'a finalement imputé aux prévenus que le fait d'avoir fait perdre une chance d'éviter le drame et non d'en être la cause certaine, a violé les articles précités ;
" alors, enfin, qu'en l'absence de toute certitude quant à la date à laquelle, si les prévenus avaient ouvert une procédure d'hospitalisation d'office, cette mesure serait intervenue, précisément si elle aurait eu lieu à la date de la visite de la victime à Robert A..., la cour d'appel n'a pas caractérisé un lien de causalité certain entre la faute imputée aux prévenus et le décès de la victime et a violé les articles précités " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 221-6 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que l'article 221-6 du code pénal exige, pour recevoir application, que soit constatée l'existence certaine d'un lien de causalité entre la faute du prévenu et la mort de la victime ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 25 septembre 1996, Robert A... a tiré avec une carabine sur Roger C..., adjoint au maire de la commune de Saint-Martin-de-Bréthencourt (Yvelines) ; que la victime est décédée des suites de ses blessures ; que la procédure a été classée sans suite après qu'un rapport établi par un médecin psychiatre désigné par le procureur de la République eut conclu que Robert A... était atteint, au moment des faits, d'un trouble psychique ayant aboli son discernement et nécessitant son hospitalisation d'office ; que les ayants droit de Roger C... ont porté plainte et se sont constitués parties civiles ; qu'à l'issue de l'information, le juge d'instruction a prononcé une ordonnance de non-lieu au bénéfice tant de Robert A..., sur le fondement de l'article 122-1 du code pénal, que de deux fonctionnaires de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales des Yvelines, Serge Z..., directeur adjoint, et Pierre X..., médecin-inspecteur de la santé publique, mis en examen du chef d'homicide involontaire ; que, sur appel des parties civiles, la chambre de l'instruction a infirmé partiellement cette ordonnance et a renvoyé Serge Z... et Pierre X... devant le tribunal correctionnel sous cette dernière prévention ; que les premiers juges ont relaxé les prévenus et débouté les parties civiles de leurs demandes ; que seules celles-ci ont interjeté appel du jugement ;
Attendu que, pour dire, pour les besoins de l'action civile, que les faits qui lui étaient déférés constituaient le délit prévu par les articles 121-3 et 221-6 du code pénal, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la saisine d'un médecin psychiatre aurait nécessairement conduit à une hospitalisation d'office de Robert A..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles en date du 30 janvier 2007, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Chaumont conseiller rapporteur, MM. Blondet, Palisse, Le Corroller, Mmes Radenne, Canivet-Beuzit, M. Finidori conseillers de la chambre, Mme Agostini, M. Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lucazeau ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-81108
Date de la décision : 04/03/2008
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Lien de causalité - Cause certaine - Nécessité

RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Lien de causalité - Cause certaine - Nécessité

L'article 221-6 du code pénal exige, pour recevoir application, que soit constatée l'existence certaine d'un lien de causalité entre la faute du prévenu et la mort de la victime. Encourt la cassation l'arrêt qui, pour les besoins de l'action civile, qualifie d'homicide involontaire, le fait, pour un directeur adjoint et un médecin inspecteur de la DDASS, de ne pas avoir désigné un médecin psychiatre afin d'établir un certificat médical circonstancié qui aurait permis au préfet d'hospitaliser d'office, avant qu'elle ne commette un meurtre, une personne dont ils savaient qu'elle souffrait de troubles mentaux qui compromettaient l'ordre public et la sûreté des personnes, sans rechercher si la saisine du médecin psychiatre aurait nécessairement conduit à l'hospitalisation d'office de cette personne


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 30 janvier 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 mar. 2008, pourvoi n°07-81108, Bull. crim. criminel 2008, N° 55
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2008, N° 55

Composition du Tribunal
Président : M. Farge (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Lucazeau
Rapporteur ?: M. Chaumont
Avocat(s) : SCP Vincent et Ohl, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.81108
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