AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... et Mme Y... se sont mariés, en 1994, en Afrique du sud ; que deux enfants, Maxine, née le 7 novembre 1997 et Daniel, né le 11 août 1999, sont issus de leur union;
que les époux se sont séparés en juin 2003, M. X... demeurant en France, tandis que son épouse s'installait en Angleterre avec les deux enfants ; qu'à l'occasion d'une visite effectuée en Angleterre en février 2004, le père, sans le consentement de son épouse, a déplacé les enfants en France ; que l'autorité centrale anglaise a saisi son homologue français, le 16 mars 2004, d'une demande de retour sur le fondement de la convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 avril 2005 ), d'avoir dit y avoir lieu à application de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 et ordonné le retour des enfants au lieu de leur résidence habituelle, alors, selon le moyen, que le déplacement ou le non-retour d'un enfant n'est considéré comme illicite que lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde attribué à une personne seule ou conjointement par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ; que le déplacement n'est pas illicite lorsqu'il est le fait d'un parent qui dispose, sur les enfants, du même droit de garde que l'autre parent, sans aucune exclusive au profit de ce dernier ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, au moment du déplacement, M. X... n'était pas investi par le droit anglais, au même titre que son épouse, d'un droit de garde lui permettant de venir en France avec ses enfants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que les témoignages produits établissaient que le séjour en Angleterre de la mère et de ses enfants ne correspondait en rien à une situation provisoire, Mme Y... exerçant une activité salariée et les enfants étant inscrits au jardin d'enfants, puis qu'après l'échec de la tentative de réconciliation du couple, M. X..., revenu en France, n'avait pas, d'octobre 2003 à février 2004, rendu visite à ses enfants ni déposé plainte pour déplacement illicite, de sorte qu'il avait bien admis le principe de leur installation en Grande-Bretagne, la cour d'appel a décidé à bon droit, que leur déplacement en France, intervenu , en février 2004, sans concertation, à la seule initiative du père, était illicite au sens de l'article 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 précitée dès lors qu'il constituait une atteinte au droit de garde amiablement convenu ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses diverses branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir ordonné le retour des enfants au lieu de leur résidence habituelle, alors, selon le moyen :
1 / que le retour de l'enfant, à le supposer déplacé illicitement de sa résidence habituelle, peut ne pas être ordonné lorsqu'il existe un risque grave que le retour n'expose l'enfant à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable ; qu'il résulte du signalement adressé le 15 juin 2004 par le docteur Z... au Parquet que l'enfant Maxine X... lui avait déclaré que sa mère la laissait seule la nuit avec son petit frère et qu'elle "avait très peur", qu'elle ne l'alimentait pas régulièrement, qu'elle rentrait au petit matin et dormait une partie de la journée, les enfants attendant tout ce temps qu'elle s'occupe d'eux, qu'elle avait dormi avec "deux garçons" qu'elle embrassait sur la bouche, qu'elle l'avait menacée et fait mine de l'étrangler ; qu'en ne s'expliquant pas, ainsi qu'elle y était invitée, sur ces déclarations déterminantes de l'enfant, de nature à corroborer les témoignages et certificats médicaux versés aux débats par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 ;
2 / que le juge peut refuser d'ordonner le retour de l'enfant s'il constate que celui-ci s'oppose à son retour et qu'il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion ;
qu'il résulte du signalement adressé par le docteur Z... au Parquet des mineurs, le 15 juin 2004, que l'enfant Maxine X... lui avait déclaré "qu'elle ne voulait pas retourner vivre auprès de sa mère" ; qu'en ne s'expliquant pas sur l'opinion de l'enfant, expressément invoquée par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 ;
3 / que le danger ou la situation intolérable au sens de l'article 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 résulte aussi bien du nouveau changement des conditions de vie actuelles de l'enfant déplacé, que des conditions nouvelles ou retrouvées dans l'Etat de sa résidence habituelle ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si un nouveau changement dans les conditions de vie actuelles des enfants, parfaitement intégrés en France et au sein de l'école, n'était pas de nature à créer un danger psychique ou une situation intolérable, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 ;
Mais attendu que c'est par une décision motivée, après avoir relevé que l'enquête de police effectuée en Angleterre à la demande du père n'avait pu établir une situation de danger, que les services sociaux britanniques ne disposaient d'aucun dossier concernant les enfants et qu'en outre, le directeur de l'établissement dans lequel ils étaient scolarisés n'avait relevé aucun signe de mauvais traitement, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments qu'elle écartait, a souverainement estimé, sans considérer que les conditions de vie actuelles des enfants constituaient un obstacle à leur retour, que le certificat du docteur Z..., établi plus de trois mois après le déplacement, alors que les enfants vivaient avec leur père, lequel n'avait pas jugé utile d'évoquer des risques de maltraitance lors de son audition devant les services de police auxquels il avait donné, en juin 2004, son accord, non suivi d'effet, pour un retour amiable des enfants en Angleterre, ainsi que les griefs retenus à l'encontre de la mère n'étaient pas suffisamment caractérisés pour justifier le non retour des enfants au lieu de leur résidence habituelle ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille six.