AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six décembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Christophe,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 2 mars 2005, qui, pour infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs et contravention de blessures involontaires, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis, 1 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, R. 625-2 du Code pénal, L. 263-2-1 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Christophe X... coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité temporaire totale de travail inférieure à trois mois et, en répression, l'a condamné à une amende de 1 000 euros ;
"aux motifs qu' "il n'est pas contesté par Xavier Y... qu'il a commis une erreur en se servant de son matériel personnel non conforme et en effectuant un test qui ne lui avait pas été demandé ; que, par ailleurs, il est établi que Christophe X... a commis une faute en n'assurant pas à son employé une formation aux règles de sécurité ; que ces deux fautes ont concouru directement, pour la première, indirectement pour la seconde, au dommage subi par Xavier Y... ; que, même si elle n'est pas la cause exclusive de l'accident, la faute imputable au chef d'entreprise présente, néanmoins, un caractère déterminant dès lors que, sans elle, l'imprudence commise par le salarié n'aurait pu avoir lieu ; que Christophe X... a ainsi contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage et n'a pas pris les mesures qui auraient permis de l'éviter ; que le fait de ne pas assurer de formation à la sécurité à un salarié inexpérimenté dans un domaine où celui-ci est amené à travailler sur des postes extrêmement dangereux, en l'espèce, à proximité d'une gaine électrique de très fort voltage (2000 ampères), sans lui avoir remis le carnet des prescriptions électriques, et, de surcroît, sur un chariot élévateur à six mètres de hauteur sans harnais, ni permis pour manipuler la nacelle, constitue une faute caractérisée de défaut de surveillance et d'organisation du travail imputable à Christophe X..., en sa qualité de chef d'établissement, qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité que le prévenu, de par ses fonctions et ses responsabilités, ne pouvait ignorer, et ce, d'autant qu'il avait lui-même procédé à l'embauche de Xavier Y... et savait que ses
compétences se limitaient à la basse tension et plus spécialement aux installations téléphoniques et à la domotique" (arrêt attaqué, page 7, alinéa 6, à page 8, in limine) ;
"alors que le délit de blessures involontaires suppose une relation de cause à effet certaine entre la faute imputée à son auteur et le dommage subi par la victime ; qu'ayant relevé que l'accident était directement lié à des imprudences du salarié qui, d'une part, s'était servi d'un matériel personnel non conforme et, d'autre part, avait effectué un travail qui ne lui était pas demandé, la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que ces imprudences n'auraient pu avoir lieu si le prévenu n'avait pas manqué à son obligation d'assurer à son salarié une formation à la sécurité, sans mieux s'en expliquer et sans préciser notamment en quoi les initiatives personnelles du salarié n'auraient pas eu lieu si ce dernier avait bénéficié d'une formation à la sécurité ;
"alors, en outre, que le prévenu soutenait, dans ses conclusions d'appel, que le salarié connaissait pertinemment la non-conformité du matériel personnel qu'il avait utilisé pour effectuer, de sa propre initiative, un test qui ne lui avait pas été demandé et avait délibérément enfreint les consignes de sécurité qui lui avaient été données, puisque "le matin-même (de l'accident), le responsable des travaux l'avait mis en garde sur l'utilisation de son testeur personnel" (conclusions, page 6, alinéa 3) ; qu'en entrant en voie de condamnation contre le prévenu, sans répondre à ce chef péremptoire de ses conclusions qui était de nature à établir que le comportement imprudent du salarié était le seul fait en relation de causalité avec l'accident, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un salarié de la société entreprise industrielle TEDS, prenant l'initiative d'effectuer un contrôle d'alimentation après avoir raccordé un disjoncteur sur une ligne de forte intensité, a subi un choc électrique lui occasionnant des brûlures au 2ème degré ; que Christophe X..., gérant de la société, a été poursuivi des chefs de blessures involontaires et pour avoir confié à ce salarié des travaux sur des installations électriques sans lui avoir dispensé une formation appropriée et sans lui avoir remis un recueil des prescriptions ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de blessures involontaires, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu, qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 231-3-1, L. 263-2-1, L. 263-4 du Code du travail, 132-8 à 132-11 du Code pénal, 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Christophe X... à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour défaut de formation à la sécurité ;
"aux motifs que "le casier judiciaire de Christophe X... porte mention d'une condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Grenoble le 21 janvier 2004 pour emploi par un chef d'établissement d'un travailleur sur une toiture, sans respect des règles de sécurité du bâtiment et des travaux publics ; qu'il convient, eu égard à la nature des faits, les circonstances de leur commission et la personnalité du prévenu qui n'a pas tenu compte du précédent avertissement à lui donné par la justice, de le condamner, pour le défaut de formation à la sécurité, à deux mois d'emprisonnement avec sursis" (arrêt attaqué, page 8, alinéa 2) ;
"alors qu'en fondant la peine prononcée sur l'existence d'une précédente condamnation décidée par un tribunal correctionnel en 2004, sans qu'il résulte des pièces de la procédure que l'état de récidive était inclus dans la poursuite et que le prévenu ait été mis en demeure de s'expliquer sur cette circonstance, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
"alors, en tout état de cause, que l'aggravation de la peine en cas de récidive suppose que la décision ayant prononcé la condamnation antérieure soit devenue définitive au moment où les faits nouveaux ont été commis ; qu'en omettant de mentionner le caractère définitif de la condamnation prononcée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, les juges, pour condamner Christophe X... du chef d'infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, n'ont pas retenu l'état de récidive ;
D'où il suit que le moyen manque en fait ;
Mais sur le moyen relevé d'office, pris de la violation de l'article 111-3 du Code pénal ;
Vu ledit article ;
Attendu que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;
Attendu qu'après avoir déclaré Christophe X... coupable d'infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs prévue par l'article 48 du décret du 14 novembre 1988, l'arrêt attaqué le condamne à deux mois d'emprisonnement avec sursis ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi une peine non prévue par l'article L. 263-2 du Code du travail réprimant le délit reproché, la peine d'emprisonnement n'étant applicable, selon l'article L.263-4 dudit Code qu'en cas de récidive, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Qu'en raison de l'indivisibilité existant entre la déclaration de culpabilité et la décision sur la peine, la cassation doit être totale ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 2 mars 2005 ;
Et pour qu'il à nouveau statué, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Chambéry, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;