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26/10/2005 | FRANCE | N°05-80055

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 octobre 2005, 05-80055


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de Me COSSA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Than,

contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 16 décembre 2004, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à 3 ans d'empr

isonnement dont 30 mois avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mém...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de Me COSSA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Than,

contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 16 décembre 2004, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement dont 30 mois avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-27, 222-29, 222-30, 222-44 et 222-48 du Code pénal, 2, 3, 381, 388, 427, 485, 512, 519, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, rendu le 16 décembre 2004, par la cour d'appel de Colmar, a déclaré Than X... coupable d'agressions sexuelles aggravées sur les personnes de Marie-Laure Y... et Sophie Z... .

"aux motifs propres que Than X... est formellement mis en cause pour des faits d'agression sexuelle commis courant 2000 et le 7 avril 2001 sur Sophie Z... et sur Marie-Laure Y..., respectivement, alors qu'il exerçait comme médecin psychiatre au CHS de Rouffach (68) après avoir été médecin assistant généraliste de 1991 à 2000 dans le même établissement ; que Marie-Laure Y... accuse le prévenu de façon à la fois précise et détaillée d'avoir pratiqué sur elle un examen gynécologique dont la seconde partie comportait selon la victime des gestes de nature indiscutablement sexuelle, suivis de propositions de même nature, alors qu'il était son psychiatre et qu'elle avait en lui toute confiance ; que la partie civile Marie-Laure Y... se trouvait alors hospitalisée pour épisode dépressif ; que ses déclarations sont confirmées par son état de choc au sortir de cette séance d'examen, état de choc décrit par d'autres personnes présentes dans la salle d'attente, mais aussi par l'infirmier et la psychologue du service qui ont indiqué qu'elle était " choquée et en pleurs" ; que les déclarations circonstanciées de la partie civile Marie-Laure Y... ont été renouvelées sans variation au cours de la procédure, tant dans le cadre de l'enquête préliminaire qu'au cours de l'information qui a été entreprise par la suite, l'évocation des faits dénoncés provoquant des manifestations avec larmes, comme d'ailleurs devant la Cour ; que si dans ce cadre particulier du CHS de Rouffach, des risques de transfert affectif sont à craindre, il n'en demeure pas moins que l'expertise de la partie civile Marie-Laure Y... a permis de relever l'absence de traits fabulatoires marqués, l'expert expliquant son incapacité à réagir lors des faits par sa fragilité et sa dépendance à l'égard du médecin psychiatre, et retenant sa

crédibilité ; en second lieu, Than X... est également mis en cause par Sophie Z..., pour lui avoir caressé un sein pendant un contrôle du fonctionnement cardiaque, étant observé que le prévenu avait également proposé à la partie civile un examen gynécologique, ce qu'elle avait refusé ; que la partie civile Sophie Z..., consciente de l'attitude anormale du psychiatre et ne voulant pas déposer plainte, a néanmoins signalé dûment ses agissements à la direction du CHS de Rouffach, ayant eu le sentiment de ne pas avoir été prise au sérieux par le médecin-chef, le docteur A... ; que la partie civile Sophie Z..., se plaignant de douleur dans la région du coeur, a jugé " inhabituel " le comportement du prévenu, qui lui a fait observer, après les attouchements dénoncés, qu'elle avait de beaux seins ; qu'après lui avoir proposé un examen gynécologique qu'elle a refusé, le prévenu l'a invitée au restaurant chinois, proposition qu'il a également faite à Marie-Laure Y..., et lui a fait la bise à son départ de la salle d'examen ; que si l'expert relève à l'égard de la partie civile les risques de fantasmatisation de la relation médecin-patient, il n'en demeure pas moins que l'expert a déclaré ses propos crédibles, la partie civile n'ayant aucune raison de mentir ou d'inventer ; qu'à l'audience de la Cour, le prévenu fait développer par son conseil ses conclusions aux termes desquelles il sollicite sa relaxe, rappelant les conséquences graves qu'une confirmation de sa condamnation entraînerait pour lui et pour sa famille ; que le prévenu, qui nie les faits qui lui sont reprochés, expose que son comportement relevait de réflexes acquis comme médecin généraliste assistant dans le même établissement ; que cependant, en ce qui concerne Marie-Laure Y..., le prévenu, alors psychiatre de service ayant la partie civile en charge, a procédé à un examen gynécologique de cette dernière alors cependant qu'il n'avait tenu aucun compte d'examens pratiqués sur elle la veille au centre hospitalier de Colmar, sans consulter d'ailleurs son dossier médical, et curieusement sans y mentionner davantage ledit examen médical ;

que le comportement du prévenu en sa qualité de psychiatre a " dérapé " indiscutablement dans ses relations professionnelles avec les patientes jeunes de son service, glissant avec Marie-Laure Y..., Sophie Z... et Sophie B... au plan personnel et intime, comportement manifesté à l'égard des trois jeunes femmes par des invitations au restaurant et en leur faisant la bise, démontrant ainsi, au mépris de toute déontologie, sa volonté de s'inscrire dans leur sphère privée ; que les accusations formulées par Marie-Laure Y..., confortées déjà de façon importantes par les éléments objectifs rappelés plus haut, le sont encore davantage par le coup de téléphone donné par le prévenu le 11 avril 2001 à la belle-soeur de la partie civile Marie-Laure Y..., en la prenant pour cette dernière, coup de téléphone par lequel il la suppliait de ne pas déposer plainte, inventant même à cette dernière occasion un blâme de la direction du CHS dont la commission ne se réunissait que le lendemain dudit appel téléphonique, démontrant ainsi le comportement manipulateur du prévenu ; que l'explication fournie par ce dernier au sujet du comportement des parties civiles à son endroit se heurte à l'expertise réalisée par le docteur C... qui a indiqué de façon logique que, dans l'hypothèse d'un transfert et de fantasmes sur la relation médecin-patient, cette dernière n'aurait pas porté plainte à son encontre comme en l'espèce ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a exactement retenu la culpabilité du prévenu par d'excellents motifs que la Cour adopte en sus des siens propres (arrêt, pages 5 à 7) ;

"et aux motifs, adoptés des premiers juges, qu'eu égard aux conclusions des différents experts ayant examiné soit les victimes, soit le prévenu, les tentatives d'explications avancées par le docteur X... pour contester les faits qui lui sont reprochés ne sont aucunement convaincantes ; les personnalités fragiles et dépressives des deux jeunes victimes dépendantes de l'ascendant qu'exerçait sur elles leur médecin psychiatre ne suffisent à expliquer ou à motiver des déclarations circonstanciées et constantes qu'elles ont pu faire et maintenir durant une procédure longue et douloureuse pour elles ; ainsi, le comportement perturbé de Marie-Laure Y... et les pleurs constatés par plusieurs personnes tout à fait concordantes dans leurs déclarations dès l'issue de la consultation chez le docteur X... démontrent la survenance d'un incident grave ayant sérieusement affecté la jeune femme ; il n'appartient pas au tribunal de se prononcer sur une faute éventuelle commise par le docteur X... en pratiquant sur sa patiente un examen gynécologique même consenti, mais il convient de relever, d'une part qu'il n'a à aucun moment consulté son dossier médical après les examens pratiqués la veille alors qu'il n'était en aucun cas pressé comme il le prétendait puisque dans sa première audition il expliquait avoir, après la consultation, encore mis à jour des dossiers sur l'ordinateur, et d'autre part, que le docteur X... n'a pas pris le soin de noter ou de faire noter dans le dossier de Marie-Laure Y... l'existence de l'examen qu'il avait pratiqué ; par ailleurs, l'urgence d'un tel examen par ses soins n'est aucunement démontré dans la mesure où c'était un médecin généraliste qui peu après devait reprendre la

permanence du service selon les explications fournies par le docteur X... dans sa première audition sur le fonctionnement du service le week-end ; les gestes à caractères sexuel décrits de façon très spontanée et précise par Marie-Laure Y... dans sa lettre et repris tant devant les gendarmes que devant le magistrat instructeur apparaissent parfaitement crédibles ; le docteur X... sera déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés à l'égard de Marie-Laure Y... ; les faits révélés par Sophie Z..., quoique d'une moindre gravité, sont tout autant crédibles dans la mesure où ses propos ne sont aucunement excessifs ; les gestes et les paroles déplacés, à caractère sexuel, puisque dépassant la limite d'une simple auscultation par le docteur X..., ont heurté la jeune femme au point qu'elle en a fait part à ses médecins traitants, allant jusqu'à les dénoncer à la direction du centre hospitalier de Rouffach, sans vouloir déposer plainte ; cette démarche difficile de sa part et sans conséquence pour elle démontre la réalité des gestes incriminés ; le fait également que deux jeunes victimes, patientes du docteur X... et sans avoir pu se connaître ni se concerter, aient pu faire de telles révélations ne relève pas d'une pure coïncidence alors qu'une troisième jeune femme confirmait une attitude pour le moins surprenante du même médecin l'invitant au restaurant chinois et cherchant à se rapprocher d'elle " affectivement" ; la somme des éléments ainsi recueillis permet de retenir la culpabilité du docteur X... qui ne peut mettre en cause la crédibilité des deux victimes ; il conviendra encore, en ce sens, de se reporter au rapport d'expertise du docteur C... qui au regard de son expérience relevait qu'une " patiente qui fantasme n'ira pas porter plainte pour agression sexuelle" ; si la compétence professionnelle du docteur X... ne peut être mise en cause, il y a lieu de considérer en conséquence que ce praticien s'est laissé aller avec ses patientes à des gestes à caractère sexuel en profitant de sa qualité de médecin thérapeute (jugement, pages 9 à 11) ;

"alors, d'une part, que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux ; qu'en l'espèce, aux termes de l'ordonnance de renvoi en date du 16 août 2002, qui seule fixe les limites de la prévention, il est reproché à Than X..., au visa de l'article 222-27 du Code pénal, d'avoir, le 7 avril 2001, "commis une agression sexuelle sur la personne de Marie-Laure Y..., en pinçant l'extrémité de ses seins, lui caressant le clitoris, et en exerçant des mouvements de va-et-vient à l'entrée du vagin ", de sorte qu'il n'est nullement reproché au prévenu, de ce chef, d'avoir introduit deux doigts dans le vagin de la patiente, partie civile ; que, pour déclarer le demandeur coupable d'agressions sexuelles sur la personne de Marie-Laure Y..., les juges du fond ont, par motifs propres et adoptés des premiers juges, relevé, d'une part, que dans une lettre adressée à la DDASS du Haut-Rhin, la partie civile déclarait " c'est ensuite que le docteur X..., en introduisant un deuxième doigt dans le vagin, se mettait à faire des mouvements de va-et-vient et lui caressait le clitoris" (jugement, page 5, al. 2), d'autre part, que la partie civile a confirmé le contenu de sa lettre et le déroulement des faits tant auprès des gendarmes que lors de son audition par le magistrat instructeur (jugement, page 7, al. 4), enfin que les gestes à caractère sexuel décrits par Marie-Laure Y... dans sa lettre et repris devant les gendarmes et devant le magistrat instructeur apparaissent parfaitement crédibles (jugement, page 10, al. 5), et que les accusations formulées par Marie-Laure Y... sont confortées par les éléments du dossier (arrêt, page 7, al. 2) ; qu'ainsi, en retenant à la charge du prévenu des faits non compris dans la prévention, et sur lesquels il n'apparaît pas que l'intéressé ait accepté d'être jugé, la cour d'appel a violé l'article 388 du Code de procédure pénale ;

"alors, d'autre part, et subsidiairement, qu'en matière répressive, la compétence des juridictions est d'ordre public ; qu'il appartient au juge correctionnel, saisi de la cause entière par l'appel du ministère public, de se déclarer incompétent, même d'office, lorsque les faits poursuivis ressortissent à la juridiction criminelle ;

que tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise constitue le crime de viol, relevant de la compétence exclusive de la juridiction criminelle ; qu'en l'espèce, pour déclarer le demandeur coupable d'agression sexuelle sur la personne de Marie-Laure Y..., les juges du fond ont, par motifs propres et adoptés des premiers juges, relevé d'une part, que dans une lettre adressée à la DDASS du Haut-Rhin, la partie civile déclarait " c'est ensuite que le docteur X..., en introduisant un deuxième doigt dans le vagin, se mettait à faire des mouvements de va-et-vient et lui caressait le clitoris " (jugement, page 5, al. 2), d'autre part, que la partie civile a confirmé le contenu de sa lettre et le déroulement des faits tant auprès des gendarmes que lors de son audition par le magistrat instructeur (jugement, page 7, al. 4), enfin, que les gestes à caractère sexuel décrits par Marie-Laure Y... dans sa lettre et repris devant les gendarmes et devant le magistrat instructeur apparaissent parfaitement crédibles (jugement, page 10, al. 5), et que les accusations formulées par Marie-Laure Y... sont confortées par les éléments du dossier (arrêt, page 7, al. 2) ; qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte qu'à les supposer établis, les faits retenus par l'arrêt attaqué à la charge le demandeur caractérisent le crime de viol prévu par l'article 222-23 du Code pénal, et partant sont justiciables de la cour d'assises, la juridiction correctionnelle est incompétente pour en connaître, de sorte qu'en retenant implicitement sa compétence, pour statuer sur de tels faits, la cour d'appel a violé les articles 381 et 519 du Code de procédure pénale ;

"alors enfin, que toute agression sexuelle suppose une atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ; que cet élément constitutif ne peut se déduire de l'abus d'autorité du prévenu sur la partie civile, qui n'est qu'une circonstance aggravante de l'infraction ; qu'ainsi, en se bornant à relever que le demandeur a commis, sur les personnes de Marie-Laure Y... et Sophie Z..., des gestes à caractères sexuel, pour en déduire que le prévenu doit être déclaré coupable d'agressions sexuelles aggravées, sans indiquer en quoi ces faits auraient été commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, par motifs propres et adoptés, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'agressions sexuelles aggravées, objet de la prévention, dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-80055
Date de la décision : 26/10/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, 16 décembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 oct. 2005, pourvoi n°05-80055


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.80055
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