AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X... a donné naissance à deux enfants, Richard, le 2 janvier 1981 et Catherine, le 23 mars 1986, qu'elle a reconnus ; qu'elle a assigné, le 6 mai 1998, M. Y... en recherche de paternité ; qu'après le décès de ce dernier, survenu en avril 1999, Mme X... et son fils Richard, devenu majeur, ont poursuivi l'instance engagée à l'encontre des héritiers du défunt et de sa légataire universelle ; que le tribunal de grande instance de Dunkerque ayant déclaré M. Y... père des enfants Richard et Catherine et condamné ses héritiers à leur verser, jusqu'à la date de son décès, une contribution alimentaire, les deux fils légitimes de M. Y... ont relevé appel de cette décision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Richard X... fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 24 février 2003) d'avoir rejeté son action en recherche de paternité et en versement de contribution alimentaire, alors, selon le moyen, qu'en lui reprochant de ne pas établir l'existence de présomptions ou d'indices graves, tout en refusant, sans caractériser aucun motif légitime, d'ordonner la mesure d'instruction qu'il sollicitait et qui aurait pu lui permettre d'apporter cette preuve, la cour d'appel a violé l'article 340 du Code civil, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que les juges du fond ont estimé d'abord, alors qu'une relation de 22 ans était alléguée par Mme X..., qu'aucune des pièces produites ne permettait de ramener avec précision et certitude la preuve de relations intimes, tant durant la période légale de conception qu'au delà de celle-ci ; ensuite, que le refus exprimé, avant son décès, par M. Y... de se soumettre à une expertise biologique ne saurait préjuger de son attitude si le tribunal avait ordonné, de son vivant, une telle mesure ; enfin, que l'expertise génétique devait être exclue en l'état du refus des héritiers ; que la cour d'appel a ainsi caractérisé un motif légitime de ne pas procéder à l'expertise biologique sollicitée, que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme X..., agissant au nom de sa fille mineure, fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable son action en recherche de paternité et en contribution alimentaire, alors, selon le moyen que :
1 / l'article 340-4 du Code civil subordonne la recevabilité de l'action en recherche de paternité à la preuve de relations stables ou continues ; qu'en exigeant de Mme Abdon X... qu'elle démontre l'existence de relations stables et continues ayant existé entre elle et M. Yves Y..., la cour d'appel , qui a cru pouvoir ajouter au texte une condition non prévue par lui, en a violé les dispositions ;
2 / que la preuve de relations stables ou continues, lors de la conception légale de l'enfant, peut se faire par tous moyens ; qu'en écartant, en raison de "la qualité de son auteur" et du "contexte de l'espèce", le témoignage de la belle fille de Mme Abdon X..., quand ce témoin attestait pourtant du fait que M. Yves Y... avait avoué sa paternité, les juges d'appel, qui n'ont pas mis la cour de cassation en mesure de vérifier s'ils ont statué en fait ou en droit, ont méconnu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, d'une part que les seules constatations personnelles des témoins avaient trait aux visites certes régulières mais ponctuelles de M. Y..., d'autre part, que la preuve de relations intimes durant la période légale de conception n'était pas rapportée, la cour d'appel, faisant une exacte application de l'article 340-4 du Code civil, a, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, estimé que l'état de concubinage susceptible de reporter le délai de l'action n'était pas caractérisé ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille cinq.