AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Thierry,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1ère section, en date du 31 mars 2005, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de vol avec arme et tentative de meurtre aggravé, a rejeté sa demande de mise en liberté ;
Vu les mémoires, personnel et ampliatif, produits ;
Sur les premier et deuxième moyens de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 5.3 et 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Sur le troisième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 5.3, 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 14-2 de la Convention européenne d'extradition, 181, 215, 215-2 ancien, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté présentée par l'accusé et dit qu'il restera provisoirement détenu ;
"aux motifs qu'il n'appartient pas à la Cour, saisie du contentieux de la détention, de se prononcer sur les charges opposées à Thierry X... ; que le supplément d'information ordonné par le président de la cour d'assises le 6 juillet 2004 est en cours d'exécution sans que, contrairement aux termes du mémoire, une lenteur anormale ait lieu d'être constatée, qu'il n'appartient pas à la Cour de statuer dans ce cadre procédural sur les demandes d'actes adressées, au surplus, à son président ; que les moyens tenant à l'irrégularité alléguée par Thierry X... de la procédure, qui ne concernent pas la régularité du titre de détention, n'ont pas lieu d'être examinés dans le cadre de la présente instance ; qu'à cet égard, la procédure ayant abouti à l'ordonnance de prise de corps a été conduite hors son contradictoire en application de l'article 14-2 de la Convention européenne d'extradition, son extradition n'ayant pas été accordée (pour ces faits) par le Portugal ; que l'ordonnance de prise de corps a pu être mise à exécution, alors qu'il se trouvait en liberté depuis plus de 45 jours ; que Thierry X..., qui, en s'évadant, s'est volontairement soustrait pendant de longues années à la justice, ne saurait se faire un grief de la durée de la procédure ;
que les faits, constitutifs d'une atteinte grave à la sécurité des personnes, commis en un lieu public, ont causé à l'ordre public un trouble exceptionnel et toujours persistant qui ne doit pas être ravivé ; que les risques de réitération et de fuite, en l'état des antécédents figurant au casier judiciaire et de l'attitude observée jusqu'à ce jour par Thierry X..., plusieurs fois évadé, apparaissent majeurs et doivent être évités ; que la détention provisoire est l'unique moyen de satisfaire à ces exigences ; que les mesures de contrôle judiciaire sont insuffisantes ;
"alors que, d'une part, l'article 14 de la Convention européenne d'extradition prévoit que l'extradé ne pourra être poursuivi ou puni pour une infraction antérieure à sa remise, autre que celle ayant motivé l'extradition ; qu'il ne peut être dérogé à ce principe que dans les conditions fixées par les articles 14-1 et 14-2 de la Convention ; qu'en considérant que l'ordonnance de prise de corps avait pu être mise à exécution parce que l'extradé se trouvait en liberté depuis plus de 45 jours, sans constater que l'intéressé avait eu la possibilité de quitter le territoire français, et si son élargissement était définitif, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 14-2-b de la Convention susvisée ;
"alors que, d'autre part, toute personne arrêtée ou détenue a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure ; que la seule évasion du détenu ne constitue pas en l'espèce un motif pertinent et suffisant, susceptible de justifier au regard de l'article 5.3 de la Convention européenne des droits de l'homme le caractère raisonnable du maintien en détention, au cours d'une procédure relative à des faits commis le 22 mars 1988, dès lors que l'accusé avait été extradé le 11 juillet 1988, à la demande de la France et placé en détention du 11 juillet 1988 au 8 avril 2002 et qu'une condamnation par contumace avait été prononcée à son encontre depuis le 25 septembre 2001, après un arrêt de renvoi devant la juridiction de jugement du 29 mai 1991, notifié le 18 juin 1991 ;
"alors que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; qu'en décidant que l'accusé restera provisoirement détenu, sans fixer aucun terme à cette détention, et au simple motif que le supplément d'information ordonné le 6 juillet 2004, dont elle ne constate aucun délai d'achèvement, même approximatif, est en cours d'exécution, et qu'une lenteur anormale n'a pas lieu d'être constatée, la chambre de l'instruction a porté atteinte au principe de la présomption d'innocence et a méconnu les textes susvisés, relatifs aux règles applicables en matière de détention provisoire, lorsque la décision de renvoi est devenue définitive" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par arrêt du 29 mai 1991, Thierry X... a été renvoyé devant la cour d'assises de Seine-et-Marne sous l'accusation d'avoir, le 22 mars 1988, commis un vol avec arme et une tentative de meurtre aggravé ; que, par arrêt prononcé par contumace le 25 septembre 2001, il a été condamné pour ces faits à la réclusion criminelle à perpétuité ;
qu'interpellé le 13 novembre 2003 et placé en détention provisoire le lendemain dans le cadre d'une autre information suivie contre lui au tribunal de grande instance de Mâcon du chef de vol avec arme, il a été écroué, le 24 juin 2004, en exécution de l'ordonnance de prise de corps du 29 mai 1991 ; que, le 6 juillet 2004, le président de la cour d'assises de Seine-et-Marne a prescrit un supplément d'information ;
Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par Thierry X..., la chambre de l'instruction prononce par les motifs reproduits au moyen du mémoire ampliatif ;
Attendu qu'en cet état, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, qui a écarté, à bon droit, les griefs invoqués à l'appui d'une prétendue irrégularité du titre de détention, et a répondu, sans insuffisance ni contradiction, aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 143-1 et suivants du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que les moyens, inopérants en ce que le demandeur ne saurait être admis à critiquer les motifs pour lesquels la chambre de l'instruction a estimé que la durée de la détention provisoire n'excédait pas le délai raisonnable prévu par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, une telle appréciation échappant au contrôle de la Cour de cassation, ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;