AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de Me RICARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Niarolem,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de REIMS, en date du 6 janvier 2005, qui, dans l'information suivie contre lui du chef notamment de tentative d'escroquerie en bande organisée et usage de faux, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;
Sur la recevabilité du pourvoi formé le 22 février 2005 :
Attendu que le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le 7 janvier 2005, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision ; que seul est recevable le pourvoi formé le 7 janvier 2005 ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 145-1, 171, 172, 186, alinéa 1, 206, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale, dénaturation des pièces de la procédure, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'ordonnance du 21 décembre 2004 ayant prolongé la détention du prisonnier ;
"aux motifs qu'en application de l'article 145-1 du Code de procédure pénale, la détention provisoire ne peut être prolongée au-delà d'un an en matière correctionnelle qu'a la condition, notamment, que l'individu poursuivi encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement ;
"or attendu que si une telle peine est prévue en répression du délit d'escroquerie en bande organisée par l'article 313-2 du Code pénal, du moins ce texte qui procède d'une loi du 9 mars 2004, n'est pas applicable en l'espèce qui concerne des faits commis avant l'entrée en vigueur de cette loi ; qu'il sera donc fait reste de droit au moyen articulé, en son mémoire, par le conseil du prisonnier ; attendu néanmoins que Niarolem X..., qui déclare à l'audience se nommer Munt Y..., reconnaît que lui est applicable le casier judiciaire inséré au dossier et aux termes duquel, sous cette dernière identité, il a été condamné, notamment, à la peine d'un an d'emprisonnement pour recel et tentative d'escroquerie suivant jugement prononcé par défaut le 26 octobre 1995 par le tribunal de Fontainebleau, contre lequel fut formé une opposition déclarée irrecevable par arrêt du 06 avril 1999 ; que cette peine était définitive lors de la commission des faits objet de la présente information, lesquels ont eux-mêmes été perpétrés dans le délai de cinq ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine ; que, par suite, peut trouver application l'article 132-10 du Code pénal relatif au doublement de la peine d'emprisonnement encourue en cas de récidive légale ; or attendu que, par le fait de cette récidive, l'appelant, en vertu des articles 313-1 et 132-10 dudit code, encourt dix années d'emprisonnement ;
attendu, dès lors, la récidive pouvant donner lieu à une inculpation supplétive et même être relevée d'office par la juridiction de jugement, que I'appelant, de par cette circonstance personnelle, encourt, au sens de l'article 145-1 du Code de procédure pénale, une peine telle que sa détention provisoire peut être prolongée au-delà d'un an ; d'où il suit que, pour erronés que fussent les motifs du premier juge, sa sentence n'en est pas moins justifiée ;
"alors qu'il résulte de l'article 145-1 du Code de procédure pénale que le juge ne peut pas prolonger la détention provisoire de la personne mise en examen en prenant en compte, pour déterminer la peine encourue, la circonstance de récidive ;
qu'en retenant dès lors que la récidive pouvant donner lieu à une inculpation supplétive et même être relevée d'office par la juridiction de jugement, l'appelant, de par cette circonstance personnelle, encourt, au sens de l'article 145-1 du Code de procédure pénale, une peine telle que sa détention provisoire peut être prolongée au-delà d'un an, l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 145-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, que le juge ne peut pas prolonger la détention provisoire de la personne mise en examen en prenant en compte, pour déterminer la peine encourue, la circonstance de récidive ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant la détention provisoire de Niarolem X..., détenu depuis le 7 septembre 2003, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, en prenant en compte, pour déterminer la peine encourue, la circonstance de récidive, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, du 6 janvier 2005 ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;