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13/10/2004 | FRANCE | N°04-84553

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 octobre 2004, 04-84553


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me BOUTHORS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jeannot,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date d

u 22 juin 2004, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de PARIS sous l'accusation de ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me BOUTHORS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jeannot,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 22 juin 2004, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de PARIS sous l'accusation de viols et agression sexuelle aggravés ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.3 b de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 197, 198, 199, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a mis en accusation le docteur Jeannot X... et l'a renvoyé devant la cour d'assises de Paris des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés ;

"alors que les prescriptions de l'article 197 du Code de procédure pénale ont pour objet de mettre en temps voulu les parties et leurs avocats en mesure de prendre connaissance du dossier, de produire leurs mémoires et, pour les avocats, de solliciter l'autorisation de présenter des observations sommaires à l'audience ; que ces prescriptions sont essentielles aux droits des parties et doivent être observées à peine de nullité ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des mentions de l'arrêt ou des pièces du dossier la date à laquelle le dossier de l'instruction a été déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition de l'avocat du mis en examen ; qu'ainsi la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer que l'avocat du mis en examen a eu suffisamment de temps pour consulter le dossier et préparer la défense de son client ; qu'il s'ensuit que les droits de la défense ont subi une atteinte substantielle" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le dossier de la procédure comprenant le réquisitoire du procureur général, en date du 18 mars 2004, a été mis à la disposition des parties et de leurs avocats ;

que l'avocat du demandeur a déposé un mémoire le 29 avril, a été entendu en ses observations à l'audience du 4 mai et n'a élevé aucune contestation relative à une éventuelle violation des dispositions de l'article 197 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de Jeannot X... tendant à l'audition des cassettes audio versées à la procédure par Virginie Y... et Virginie Z... et à l'audition du docteur X... sur leur contenu, avant de renvoyer ce dernier devant la cour d'assises ;

"aux motifs que, dans un cas comme dans l'autre, Jeannot X... a été interrogé sur le contenu de ces enregistrements, qu'il a pu commenter et à propos desquels il a pu présenter toutes observations utiles, le 9 avril 1997, en ce qui concerne Virginie Z..., et le 11 mars 2003 pour le contenu des enregistrements intéressant Virginie Y... ; ( ) que si, s'agissant du contenu des deux microcassettes remises par cette plaignante, un enquêteur a relevé que "seule une véritable écoute pouvait traduire l'ambiance émotionnelle de l'entretien", le juge d'instruction a, dans une ordonnance rejetant cette même demande, le 27 mai 2003, relevé à juste titre l'extrême subjectivité du procédé qui consisterait, au-delà des mentions de bruits identifiables, pleurs, cris, traduisant des manifestations objectives, à vouloir retranscrire la perception émotionnelle d'entretiens enregistrés, étant observé que l'écoute peut avoir lieu lors de l'évocation des faits devant la juridiction de jugement, s'il y a lieu ;

"alors que le droit de discuter contradictoirement des éléments de preuve fait partie intégrante des droits de la défense, et doit pouvoir s'exercer au stade de l'instruction préparatoire lorsque celle-ci existe ; que la seule circonstance qu'une discussion de ces éléments reste possible devant la juridiction de jugement ne justifie pas que la juridiction d'instruction se dispense elle-même d'ordonner une telle discussion pour apprécier le caractère suffisant des charges retenues contre le mis en examen ; que la chambre de l'Instruction a ainsi méconnu l'étendue de ses propres pouvoirs et violé les droits de la défense" ;

Attendu que l'opportunité d'ordonner un supplément d'information est une question de pur fait qui échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 332, alinéas 1 et 3, abrogés du Code pénal, 222-22, 222- 23, 222-24, 222-28, 222-31, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-48-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe non bis in idem ;

"en ce que l'arrêt attaqué a mis en accusation Jeannot X... et l'a renvoyé devant la cour d'assises de Paris des chefs de viols et agressions sexuelles aggravées ;

"alors, de première part, que ne constituent ni un viol ni une agression sexuelle, mais tout au plus une faute déontologique, les relations sexuelles entretenues entre un médecin et une patiente consentante ; qu'en l'espèce, il ressort des mentions mêmes de l'arrêt attaqué que plusieurs des plaignantes ont affirmé avoir entretenu une liaison avec leur praticien et avoir consenti aux relations sexuelles dénoncées (Florence A..., Virginie Z..., Valérie B...), en les qualifiant de "flirt adultère" (Florence A...), ou en précisant "avoir accepté une part de son comportement" (Virginie Z...) ou un "rôle d'amante" (Valérie B...) ; que ces déclarations, dont il ressort un consentement aux actes dénoncés par les plaignantes, ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer qu'il existe des charges suffisantes contre le docteur X... d'avoir commis des crimes de viols justifiant sa mise en accusation et son renvoi devant une cour d'assises ;

"alors, de deuxième part, que la contrainte ou la surprise doit être le fait de l'auteur des actes supposés, et non le résultat de dispositions propres à la prétendue victime et l'ayant conduite à accepter d'avoir des relations sexuelles ; qu'en affirmant l'existence d'une "contrainte subie" ou d'un "consentement surpris", chez les patientes, à raison de "l'abus de conduites, relevant, selon lui (Jeannot X...), de manifestations pathologiques liées à des situations psychologiques" justifiant "uniquement leur prise en charge médicale", la chambre de l'Instruction ne caractérise que les circonstances propres à certaines patientes, les ayant conduites à solliciter ou accepter des relations sexuelles, sans caractériser la moindre contrainte ou surprise exercée par le médecin ; que l'arrêt attaqué est donc privé de tout fondement légal ;

"alors, de troisième part, que le docteur X..., qui contestait les accusations portées par Virginie Y..., avait relevé les nombreuses contradictions contenues dans sa déposition ainsi que son silence sur les relations amicales qui existaient entre eux depuis plus d'un an ; qu'il évoquait, en outre, la place particulière de conseil qu'il avait prise auprès d'elle ainsi que les distorsions fantasmatiques qui pouvaient être liées à son état psychique ou à la prise de médicament dans le cadre de sa thérapie ; qu'en refusant de s'expliquer sur ces différents points, et en se bornant à relever que les accusations portées étaient suffisantes, dès lors qu'il était établi qu'elle avait pris un produit qui, par ailleurs, n'était pas identifié, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision de mise en accusation et de renvoi devant la cour d'assises ;

"alors, de quatrième part, que le docteur X... faisait également valoir dans son mémoire que, pour au moins deux de ses patientes dont il contestait catégoriquement les accusations, Faye C... et Jacqueline D..., l'hypnose avait engendré un transfert qui leur avait fait interpréter de simples gestes thérapeutiques comme des actes à connotation sexuelle ; qu'en refusant de s'expliquer sur ce point, qui faisait disparaître tout acte répréhensible, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision de mise en accusation et de renvoi devant la cour d'assises ;

"alors, de cinquième part, que, s'agissant de Florence A..., le docteur X... avait fait valoir que sa personnalité hystérique, combinée avec l'hypnose, avait pu engendrer une augmentation de sa capacité affabulatoire ; qu'en refusant de s'expliquer sur ce point, qui faisait disparaître tout acte répréhensible, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision de mise en accusation et de renvoi devant la cour d'assises ;

"alors, de sixième part, et en toute hypothèse, que l'arrêt de la chambre de l'instruction ne caractérise pas l'usage par le docteur X... de la violence, la contrainte, la menace ou la surprise, élément constitutif du viol et des agressions sexuelles, qui ne peut se déduire ni de la qualité de personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ni de la qualité de personne particulièrement vulnérable des victimes, qui ne constituent que des circonstances aggravantes desdites infractions ; qu'en déduisant le vice du consentement de la circonstance que le médecin aurait "abusé de manifestations pathologiques liées à des situations psychologiques individuelles" justifiant "leur prise en charge médicale", l'arrêt attaqué a confondu élément constitutif de l'infraction et circonstances aggravantes ;

"alors, de septième part, que l'arrêt attaqué viole le principe non bis in idem, en qualifiant doublement la même situation de fait - l'état pathologique des patientes nécessitant le recours à une thérapie - à la fois de circonstance aggravante d'abus d'autorité par le médecin, et de circonstance aggravante de particulière vulnérabilité de la victime prétendue" ;

Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre Jeannot X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de viols et agressions sexuelles sur personnes particulièrement vulnérables par personne ayant autorité ;

Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;

Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-84553
Date de la décision : 13/10/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 22 juin 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 oct. 2004, pourvoi n°04-84553


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.84553
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