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13/10/2004 | FRANCE | N°04-82479

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 octobre 2004, 04-82479


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Amadeu,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 6 avril 2004, qui, pour agression sexuelle,

l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 500 euros d'amende, et a pronon...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Amadeu,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 6 avril 2004, qui, pour agression sexuelle, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-27 du Code pénal, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Amadeu X... coupable d'agression sexuelle commise avec violence, menace, contrainte ou surprise, et l'a condamné à la peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 500 euros, et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs adoptés que Solenne Y..., recrutée par la société Eurodisney dans le cadre d'un emploi saisonnier le 1er juin 2000, a rencontré pour la première fois, le 5 juin 2000, Amadeu X..., employé depuis 1995 comme chauffeur de bus par cette même société ; que, le 9 juin 2000 vers 17 heures 20, Solenne Y... qui venait d'achever sa journée de travail a croisé Amadeu X... qui lui a proposé de la raccompagner à son domicile, offre qu'il niera à l'audience, et sont montés à bord du véhicule du prévenu ; qu'au cours du trajet, en réponse aux questions du conducteur, Solenne Y... a confié qu'elle souhaitait passer son permis de conduire ; que Amadeu X... lui a alors proposé de l'emmener dans une auto-école et ils se sont ainsi rendus à Lagny-sur- Marne, à Claye-Souilly, et à Noisy-le-Grand où ils se sont effectivement renseignés sur le prix des leçons de conduite ; que, vers 20 heures 15, au sortir du bois de Vincennes, Solenne Y... a quitté précipitamment le véhicule d'Amadeu X... pour, selon elle, se soustraire à ses gestes déplacés, et selon Amadeu X..., sur un coup de tête ; que Amadeu X... justifie leur présence en ce lieu par une erreur de trajet ; que Michel Z..., chauffeur-livreur, a rapporté aux enquêteurs que, le 9 juin 2000, en début de soirée, alors qu'il circulait à Vincennes, il a remarqué la présence sur le trottoir d'une jeune fille en pleurs auprès de laquelle se tenait un homme plus âgé qui la tenait par le bras et avec lequel elle ne voulait visiblement pas aller, qu'il a proposé son aide et que Amadeu

X... a relâché son étreinte et lui a expliqué qu'il voulait seulement "jouer" avec sa passagère ; que le témoin ajoute que Amadeu X... a proposé de l'argent à la jeune femme pour qu'elle puisse rentrer chez elle et qu'ayant essuyé un refus, il est parti laissant la jeune femme avec le chauffeur- livreur ; que celui-ci l'a emmené au commissariat de Vincennes où fut consignée sa première dénonciation de l'agression ; que le comportement du prévenu tentant de retenir avec force la jeune femme, tel que décrit par Michel Z..., est corroboré par les constatations concordantes de ce témoin qui lui a vu un bleu au poignet et du médecin de l'unité médico-judiciaire de Bondy qui a noté la présence d'un hématome récent sur le poignet de la jeune femme ; qu'il est aussi conforme à celui décrit par d'autres femmes qui avaient eu dans le passé à se plaindre de l'attitude de Amadeu X... ; que pour preuve du respect qu'il n'aurait cessé d'avoir à l'égard de la femme, Amadeu X... fait valoir qu'il a respecté son choix lorsqu'elle a manifesté le souhait de ne pas rentrer avec lui ; que, se disant inquiet de la voir partir avec un inconnu, il affirme s'être rendu au commissariat du Raincy pour signaler cette situation et qu'il lui a été répondu qu'il suffisait d'attendre le lendemain ; qu'il ressort des investigations qu'aucun fonctionnaire présent ce jour se rappelle avoir vu le prévenu ou se souvient de l'histoire ; qu'il est de plus surprenant que Amadeu X... n'ait pas relevé le numéro d'immatriculation du véhicule s'il nourrissait vraiment des craintes ; que l'erreur de parcours alléguée par le prévenu apparaît totalement invraisemblable ; que, d'abord, il lui était possible de faire demi-tour dès l'échangeur de Champigny-sur-Marne ; qu'ensuite, comment Amadeu X..., professionnel de la route habitant depuis 32 ans à Villemonble, commune voisine de Noisy-le-Grand, pouvait-il méconnaître les spécificités les plus élémentaires du réseau routier de ce secteur ? ;

qu'enfin la jeune femme réside à Serris, localité desservie par la ligne A du RER (station Chessy) et qu'elle avait exprimé le souhait de rentrer chez elle en sortant de l'auto-école, pourquoi ne l'a-t-il pas déposée à la gare de Noisy-le-Grand que dessert cette même ligne A ? ; que le parcours qu'il soutient avoir emprunté ne correspond absolument pas à celui dont Solenne Y... a gardé le souvenir ; que les lieux qu'elle a formellement reconnus ne se trouvent pas sur l'itinéraire décrit par le prévenu ; que le trajet évoqué par le prévenu entre Chessy et Vincennes est particulièrement incohérent et sans but précis, sinon qu'aux yeux du tribunal, il traduit la volonté du prévenu de prolonger une situation d'intimité avec une jeune femme que sa méconnaissance de la région parisienne et sa personnalité rendait de fait prisonnière du véhicule de celui qui la transportait ;

que les explications du prévenu ne sont guère convaincantes, à croire qu'il n'existerait pas d'auto- écoles plus proches du domicile de Solenne Y... ;

qu'à l'audience, le prévenu explique que la victime s'est spontanément approchée de lui dans le bus pour lui demander de la conduire à une auto-école et qu'elle est rentrée d'autorité dans sa voiture ; qu'il lui avait montré où se trouvait la station de RER et qu'elle s'est invitée lorsqu'il lui a fait part de son intention de "boire un coup" ; qu'il soutient que Michel Z... a mal interprété ses propos et qu'il lui a dit "je croyais qu'elle jouait quand elle est sortie de ma voiture" ; qu'il paraît inutile de discuter le dernier état des déclarations d'Amadeu X... tant le portrait de la jeune femme s'avère en totale contradiction avec le comportement habituel de Solenne Y..., décrite par sa supérieure hiérarchique et par les experts comme réservée et introvertie ; que, en revanche, le comportement d'Amadeu X... tel que décrit par Solenne Y... est conforme à l'image qu'en donnent les investigations effectuées dans son milieu professionnel ; que nombre de ses collègues féminines le présentent comme un individu dragueur ; qu'à cet égard il n'est pas anodin de noter que, dès sa première rencontre avec Solenne Y... il lui aurait dit, "ma chérie, tu t'es trompée de bus" ; que plusieurs employées d'Eurodisney disent avoir enduré un réel harcèlement ; qu'Amadeu X... justifie de tels propos par une réaction de jalousie et la seule volonté de lui nuire ; qu'il est cependant inconcevable que Solenne Y... ait pu se faire le complice d'une prétendue calomnie ou être influencée par des rumeurs après si peu de jours de présence dans l'entreprise ; qu'une telle réaction serait de plus totalement incompatible avec son état d'esprit ; que si la femme avait eu connaissance de la réputation du prévenu, tout porte à croire qu'elle n'aurait eu alors qu'une envie, celle de fuir tout contact avec Amadeu X... ; que le témoin entendu n'apporte pas de véritable démenti aux informations révélées ; que, lors de sa confrontation avec Solenne Y..., le prévenu a admis qu'il lui avait caressé le genou lorsqu'elle se trouvait à ses côtés dans la voiture ; que Solenne Y... a précisé qu'il ne saurait y avoir méprise pour ce seul geste ; qu'elle a en outre caractérisé, en évoquant son attitude de repli et la teneur des propos qu'elle tenait, la parfaite connaissance qu'avait Amadeu X... du refus non équivoque de toutes caresses, a fortiori à caractère sexuel ; que les experts ont souligné que depuis l'agression dont elle a été victime à l'âge de 13 ans, elle nourrit une véritable peur de tout contact avec un homme ; que sa supérieure hiérarchique avait elle-même noté que la jeune femme avait une réaction de recul dès qu'on la touchait ; qu'il est révélateur à cet égard que Solenne Y... ait indiqué ne pas pardonner à son collègue d'avoir abusé de la confiance qu'elle lui accordait en raison de leur différence d'âge ;

que l'expertise psychologique à laquelle s'est prêtée Solenne Y..., à la demande du juge d'instruction, confirme l'existence d'un trouble psychologique profond et l'explique par le viol dont elle a été victime à l'âge de 13 ans, à la dénonciation tardive de ces faits et au retentissement de leur très récente évocation lorsque leur auteur fut jugé les 17 et 18 mai 2000 ;

que, néanmoins, les experts n'ont relevé ni signe d'affection psychotique ni tendance à la mythomanie ;

que, force est de constater que Solenne Y... n'a jamais varié pour l'essentiel dans ses déclarations, les quelques imprécisions de son récit s'expliquant par sa méconnaissance des lieux et l'émotion provoquée par l'événement, que ces mêmes experts excluent aussi que Solenne Y... soit séductrice ou soumise ; qu'il ressort en définitive des déclarations constantes de la victime et du témoin Michel Z..., des conclusions de l'expertise psychologique de la victime, du caractère imprécis, évolutif et souvent invraisemblable des déclarations du prévenu, ainsi que des constantes de son comportement envers ses collègues féminines, nombre d'indices graves, précis et concordants desquels il résulte, malgré les dénégations d'Amadeu X..., la preuve certaine et suffisante que celui-ci, qui n'était atteint d'aucune cause apparente ou connue d'irresponsabilité pénale au temps de l'action, s'est bien sciemment rendu coupable des faits qui lui sont reprochés ;

"1 ) alors que, pour entrer en voie de condamnation du chef d'agression sexuelle, les juges doivent caractériser en quoi les atteintes sexuelles reprochées ont été commises par le prévenu avec violence, contrainte, menace ou surprise ; que la circonstance selon laquelle une personne ne consent pas à un acte ne suffit pas à caractériser en quoi une atteinte sexuelle a été commise avec violence, contrainte, menace ou surprise, ces éléments constitutifs de l'infraction devant se déduire du comportement de l'auteur de commettre une atteinte sexuelle et ne résultant pas de l'attitude de repli de Solenne Y..., ni de la teneur de ses propos vis-à-vis de son collègue ni encore de sa peur des hommes ; qu'en s'abstenant de rechercher dans le comportement du prévenu les éléments constitutifs du délit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2 ) alors que les juges doivent constater que les éléments de contrainte, menace, violence ou surprise ont été commis concomitamment aux actes reprochés ; que la cour d'appel ne donne pas de base légale à sa décision en se bornant à relever que, postérieurement aux actes de nature sexuelle dénoncés par la partie civile, Amadeu X... a tenté de retenir de force la jeune femme pour qu'elle rentre avec lui ;

"3 ) alors que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, caractériser une agression sexuelle en relevant que Solenne Y... aurait fui tout contact avec le prévenu si elle avait eu connaissance du comportement "dragueur" de celui-ci, tout en constatant une relation de type "drague" en relevant que, dès la première rencontre avec Solenne Y..., le prévenu l'avait "draguée" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-82479
Date de la décision : 13/10/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10ème chambre, 06 avril 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 oct. 2004, pourvoi n°04-82479


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.82479
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