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06/10/2004 | FRANCE | N°03-85810

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 octobre 2004, 03-85810


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller DESGRANGE, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, de Me SPINOSI, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Albert,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 15 septembre 2003, qui, pour

recel d'escroquerie, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende et...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller DESGRANGE, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, de Me SPINOSI, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Albert,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 15 septembre 2003, qui, pour recel d'escroquerie, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 111-2, 312-1, 321-3, 321-9, 321-10 et 313- 1 du Code pénal et de l'article préliminaire et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Albert X... coupable de recel d'escroquerie et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans ;

"aux motifs propres qu' "il peut être surabondamment relevé que les poursuites exercées devant la justice américaine notamment contre Jack Y..., alias Z...
A... l'ont notamment été pour de nombreux faits d'escroquerie, en particulier au préjudice d'Aben B..., et précisément décrits comme tels à l'acte d'accusation devant la Cour du District Sud de Floride figurant aux cotes D 109 à D 133 ; qu'en outre, il résulte de la chronologie des 48 escroqueries relevées à la charge de Y... entre 1984 et 1997 que la plupart d'entre elles l'ont été, tant en nombre qu'en montant, au préjudice d'Aben B... qui en a même été la victime quasi unique au cours des sept dernières années et qu'en conséquence, les sommes s'élevant à 20 346 334 dollars, ayant transité en 1997 et 1998 sur les comptes du prétendu A... et de son trust à la Discount Bank proviennent bien des délits commis par Jack Y... au préjudice d'Aben B... et pas à celui d'autres victimes, ce qui, au demeurant dans le cas contraire, ne modifierait en rien l'implication pénale d'Albert X... ; que sur le rôle de ce dernier, s'il est vrai qu'il n'a pas été propriétaire de la totalité des sommes placées sur les comptes parisiens, il n'en a pas moins été le maître d'oeuvre de l'ouverture des comptes et le détenteur de tout ou partie des sommes détournées par Jack Y..., lorsqu'il a tenté de faire accepter par la banque qui l'a refusé un chèque de leur montant, pendant le temps où il a été inverti d'une procuration sur l'un des deux comptes et surtout en tant que bénéficiaire indirect d'un virement fallacieusement libellé au profit de sa concubine d'une somme de 1 600 000 dollars qu'il tente d'expliquer par l'invocation d'une créance dont il ne rapporte pas la preuve par deux prétendues factures de 1994 et de 1995 intitulées "notes d'achat", invoquées tardivement et dépourvues de tout élément en corroborant la sincérité ; qu'enfin sa connaissance de l'origine frauduleuse des fonds est démontrée par ses relations susvisés avec les autres protagonistes de l'affaire (non seulement Y... mais avec C..., l'avocat de celui-ci, qui a participé aux mouvements successifs des fonds frauduleux pour tenter de les blanchir et avec lequel il était en relation d'affaire) et par ses versions successives multiples et contradictoires des motifs de sa participation à l'affaire" ;

"et aux motifs adoptés qu' "aux termes de l'instruction et des débats, il est acquis que c'est Albert X... qui effectuera les démarches pour ouvrir deux comptes en France au nom d'Z...
A..., comptes ouverts à partir de copie d'un passeport dérobé et falsifié par apposition de la photographie de Jack Y... (D 156) ; que c'est lui qui détiendra le chèque de plus de 20 millions de dollars US ultérieurement remplacé par le virement correspondant ; que c'est encore lui qui disposera d'une procuration sur le compte sur lequel les fonds seront in fine virés, ce qui lui permettra, dès le lendemain du transfert du compte à compte, soit le 8 décembre 1998, de faire un virement en Israël, non pas pour régler une transaction due à un diamantaire israélien comme il tentera de le faire croire au cours de l'enquête (D 210) mais pour alimenter le compte en Israël de sa concubine, Yveline D..., à hauteur de 1 600 000 dollars US (virement entre temps bloqué, en exécution de la commission rogatoire internationale américaine) ; qu'il ne peut, en conséquence, soutenir plus avant être un simple mandataire, non informé de l'origine des fonds, alors par ailleurs qu'il connaît personnellement l'avocat de Jack Y..., pour lui avoir vendus sa société immatriculée Ata Trading dans l'île de Man, point affirmé par ses soins (D 208) et qu'il n'hésitera pas ici encore à contredire par la suite ; qu'en conclusion, le fait de faire office d'intermédiaire aux fins de transmettre une somme de 20 346 334 dollars US est donc acquise ; que leur origine frauduleuse est avérée, le nommé Jack Y... ayant été condamné le 8 juin 2000 par le tribunal fédéral de Miami à 40 ans de prison pour notamment le délit fédéral de fraudes par courrier, obstruction à la justice et blanchiment d'argent ainsi qu'à la restitution à Aben E. B... de plus de 77 722 811 millions de dollars US ; que les éléments de l'acte de mis en accusation (D 412 à D 415) confirment suffisamment qu'au terme d'une mise en scène, les fonds ont été escroqués à Aben E B... ;

qu'en toute hypothèse, le droit français n'exige la connaissance par le receleur ni des circonstances précises du délit originaire, ni de la nature exacte du crime ou du délit par lequel les fonds recelés ont été obtenus ; qu'en conclusion, il existe des charges suffisantes contre Albert X... de s'être rendu coupable des faits reprochés" ;

"1 ) alors que tout jugement doit comporter des motifs propres à justifier sa décision ; que l'insuffisance de motifs équivaut à son absence ; que pour affirmer que les fonds objet du délit de recel poursuivi provenaient d'escroqueries commises par Jack Y... au préjudice d'Aben B..., la cour d'appel s'est bornée à affirmer que ce dernier avait été la victime quasi unique des faits imputés à Jack Y... ;

que la cour d'appel a ainsi déduit l'origine frauduleuse des fonds prétendument recelés de la seule existence des infractions originaires imputables à Jack Y... sans constater que celui-ci, bijoutier américain renommé, n'avait pas d'autres sources de revenus dont auraient pu provenir les fonds ayant transité sur les comptes bancaires en France ; qu'en se fondant sur ce motif hypothétique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"2 ) alors qu'en toute hypothèse, le doute doit profiter à l'accusé ; que la cour d'appel, en se fondant sur une simple supposition pour entrer en voie de condamnation, a violé la présomption d'innocence ;

"3 ) alors que le recel suppose un élément moral caractérisé par la connaissance chez son auteur de l'origine frauduleuse de l'objet qu'il détient ; que pour caractériser la mauvaise foi du prévenu, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'Albert X... était en relation avec Jack Y... et avec l'un des avocats de ce dernier ; qu'en retenant ainsi la mauvaise foi d'Albert X... sans expliquer en quoi celui-ci, qui n'a jamais rencontré Jack Y... et qui a vendu une société à l'un des avocats de ce dernier, pouvait avoir connaissance des agissements frauduleux de Jack Y... à l'origine des fonds litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés ;

"4 ) alors qu'Albert X... faisait valoir qu'il était créancier de Jack Y... en raison de la vente de diamants en 1994 et 1995 et qu'il avait accepté pour obtenir paiement du prix de vente d'être mandaté pour ouvrir deux comptes bancaires en France dont partie des sommes déposées représenterait le prix de vente ; qu'en affirmant que les motifs de sa participation à l'affaire étaient contradictoires ce qui le constituait de mauvaise foi bien que Albert X... ait toujours affirmé être créancier de Jack Y... et avoir agi en vu de recouvrer sa créance, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme qu'Aben B... a été, de 1984 à 1997, victime d'escroqueries commises par Jack Y..., alias Z...
A..., bijoutier en Floride, que le tribunal fédéral de Miami a condamné, le 6 août 2000, à 40 années d'emprisonnement en lui ordonnant de restituer à Aben B... la somme de 77 722 811 dollars US, montant des escroqueries commises ;

Attendu qu'ayant eu connaissance qu'une partie de la somme escroquée, soit 20 millions de dollars US, après avoir été virée sur des comptes ouverts dans l'Ile de Man, à des sociétés gérées par C..., l'avocat de Jack Y..., puis retransférée en Floride, avait, fin 1998, été versée sur des comptes ouverts à Paris à l'agence Kleber de la Discount Bank, Aben B... a déposé, le 19 janvier 1999, une plainte avec constitution de partie civile, du chef de recel ;

Attendu que, pour déclarer Albert X... coupable de recel d'escroquerie, les juges du fond constatent que le prévenu, qui répond au nom d'Abraham Tal, a, en novembre 1998, sous son identité israélienne, fait ouvrir des comptes à la Discount Bank au nom d'Z...
A..., en présentant la copie d'un passeport volé et falsifié par opposition de la photographie de Jack Y... ; que détenant un chèque d'un montant de 20 132 910 dollars US, libellé à l'ordre de A... et disposant d'une procuration, le prévenu a viré cette somme sur l'un des comptes ouverts à la Discount Bank puis a donné un ordre de transfert d'une partie de cette somme, soit 1 600 000 dollars US, vers le compte de sa concubine, en Israël ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations relevant de leur appréciation souveraine des faits et éléments de preuve contradictoirement débattus, et dès lors qu'il n'importe que le prévenu n'ait pas connu le détail des circonstances de la commission des délits d'où provenaient les fonds recelés, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, 132-30 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a condamné Albert X... à une peine d'emprisonnement de deux ans ;

"aux motifs que, "le montant des fonds recelés confère une gravité certaine aux faits reprochés ; que ce point, ajouté aux antécédents judiciaires d'Albert X... qui ne peut plus bénéficier du sursis, justifie que soit prononcée une peine d'emprisonnement à son encontre" ;

"1 )alors qu'en matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ; qu'en se bornant, par motifs adoptés, à relever la gravité des faits sans faire référence à la personnalité du prévenu ou aux circonstances de l'infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"2 ) alors que le sursis ne peut être ordonné lorsque le prévenu a été condamné, au cours des cinq années précédant les faits, pour un crime ou délit de droit commun à une peine de réclusion ou d'emprisonnement ; qu'en prononçant une peine d'emprisonnement ferme contre Albert X... au motif adopté que ses antécédents judiciaires ne lui permettaient plus de bénéficier du sursis, sans autrement préciser ni la nature, ni le montant, ni la date des condamnations antérieures, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'assurer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu que, pour condamner Albert X..., déclaré coupable de recel de bien obtenu à l'aide d'une escroquerie à une peine sans sursis, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations répondant aux exigences de l'article 132-19 du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Albert X... à payer à Aben B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-85810
Date de la décision : 06/10/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12ème chambre, 15 septembre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 oct. 2004, pourvoi n°03-85810


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.85810
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