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06/10/2004 | FRANCE | N°03-85084

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 octobre 2004, 03-85084


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE et les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Osmane,

- LA SOCIETE HOTELIERE MIRAMAR, parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'

appel de PARIS, en date du 27 juin 2003, qui, dans l'information suivie, sur leur plainte, ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE et les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Osmane,

- LA SOCIETE HOTELIERE MIRAMAR, parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 27 juin 2003, qui, dans l'information suivie, sur leur plainte, contre personne non dénommée des chefs d'escroquerie, escroquerie en bande organisée, complicité et recel d'escroquerie a confirmé l'ordonnance rendue par le juge d'instruction constatant la prescription de l'action publique ;

Vu l'article 575, alinéa 2, 3 du Code de procédure pénale ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la société hôtelière Miramar, faisant partie du groupe Monceau et dirigée par Osmane X..., a exploité, dans des locaux appartenant à l'Union pour le financement d'immeubles des sociétés (UIS), qui lui en avait cédé la jouissance dans le cadre d'un contrat de cession-bail, un fonds de commerce d'hôtel à Biarritz ; que, le 5 avril 1996, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard des sociétés constituant le groupe Monceau ;

Attendu que, le 11 février 2002, Osmane X... et la société Hôtelière Miramar ont déposé plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée des chefs d'escroquerie, escroquerie en bande organisée, complicité et recel d'escroquerie, exposant dans leur plainte que, lors de l'examen du plan de cession par le tribunal de commerce, le 4 juillet 1997, la société Accor avait produit un courrier qui lui avait été adressé, le 3 juillet précédent, par la société UIS et qui faisait état d'une convention non exclusive aux termes de laquelle cette dernière s'était engagée à conclure avec elle un contrat de crédit- bail portant sur l'immeuble du Miramar - Biarritz ; que la production de cette convention avait permis d'écarter d'autres solutions, plus favorables à la partie civile, proposées dans le cadre de la continuation d'activité autorisée par le tribunal de commerce de Paris le 1er août 1997 et confirmée par arrêt du 5 décembre 1997 ; qu'il résultait de l'accord passé entre UIS et Accor, dont les plaignants n'avaient eu connaissance qu'en mars 2001, sur injonction judiciaire dans le cadre d'une action en résolution du plan de cession, que le fonds de commerce était nanti pour un montant de 150 millions de francs, alors que le prix de rachat proposé au tribunal de commerce s'élevait à 3,6 millions de francs ; que, le 31 mai 2002, le procureur de la République a requis l'ouverture d'une information des chefs d'escroquerie, escroquerie en bande organisée, complicité et recel d'escroquerie ; que, par ordonnance du 20 septembre 2002, le juge d'instruction a constaté la prescription de l'action publique, au motif que l'escroquerie ayant été commise le 1er août 1997, jour de l'acceptation du plan de cession, la prescription était acquise à la date de la plainte ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 7, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale et du principe "contra non valentem agere non currit praecriptio", défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction qui avait constaté la prescription du délit d'escroquerie ;

"aux motifs que "le délit d'escroquerie étant consommé par la remise du bien, le point de départ de la prescription se situe au jour où le tribunal a accepté le plan de cession soit le 1er août 1997 ; que la suspension de la prescription ne peut être invoquée que si un obstacle de fait peut être assimilé à une force majeure opposant un caractère insurmontable à l'exercice d'une action pénale ; que tel n'est pas le cas de l'ignorance dans laquelle se trouvaient les parties civiles du contenu de la convention susvisée dans la mesure où la production de cette pièce aurait pu être demandée devant les différentes juridictions ayant eu à statuer ;

qu'il s'ensuit qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu avant l'expiration du délai de prescription des délits, les faits d'escroquerie, escroquerie en bande organisée et complicité de ces délits sont prescrits" ;

"alors que la prescription de l'action publique est suspendue lorsque la partie civile se trouve dans l'impossibilité absolue d'agir ; que la production du protocole intervenu entre les sociétés UIS et Accor, qui permettait d'établir que le courrier du 3 juillet 1997 était un faux, n'a été rendue possible, en raison d'une clause de confidentialité, que par l'effet d'une injonction du tribunal de commerce, en date du 15 février 2001 ; qu'ainsi, l'action publique se trouvait suspendue du fait de l'impossibilité dans laquelle se trouvait la partie civile de connaître, autrement que par des voies de droit, la nature et l'objet dudit protocole, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation des parties civiles qui invoquaient une cause de suspension de la prescription de l'action publique, l'arrêt, après avoir rappelé qu'elles auraient pu demander la production de la convention litigieuse devant les différentes juridictions ayant eu à statuer, énonce que l'ignorance dans laquelle elles se trouvaient du contenu de cette pièce ne constitue pas un obstacle de fait présentant un caractère de force majeure ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1351 du Code civil, 313-1 du Code pénal, 7, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction qui avait constaté la prescription du délit d'escroquerie ;

"aux motifs que "le délit d'escroquerie étant consommé par la remise du bien, le point de départ de la prescription se situe au jour où le tribunal a accepté le plan de cession, soit le 1er août 1997 ;

1 ) "alors que l'escroquerie est consommée au moment de la remise de la chose, qui fait seule courir le point de départ de la prescription ; que, dans son jugement du 1er août 1997, confirmé en cause d'appel, le tribunal de commerce de Paris avait décidé que l'entrée en jouissance des éléments incorporels, corporels et actifs circulant qui composent le fonds de commerce de la société Hôtelière Miramar, cédé à Accor, serait fixée au lendemain du jour où le jugement deviendrait définitif, ce dont il a conclu que l'administrateur judiciaire était autorisé à conclure avec le repreneur à compter de cette date un contrat de location gérance pendant la période nécessaire à l'établissement des actes de cession ; qu'en considérant que le point de départ de la prescription du délit d'escroquerie devait, courir à compter de la production en justice du document ayant pu tromper la décision du tribunal, sans prendre en considération la date d'entrée en jouissance effective de la chose cédée qui consommait seule l'escroquerie, la cour d'appel a méconnu la chose jugée par le jugement susvisé et violé les textes visés au moyen ;

2 ) "alors que le point de départ de la prescription en matière d'escroquerie est le jour de la dernière remise de la chose ;

que le tribunal de commerce a décidé que l'administrateur judiciaire était autorisé à partir du moment où le jugement serait devenu définitif, à conclure avec le repreneur un contrat de location gérance pendant la période nécessaire à l'établissement des actes de cession ; qu'ainsi que le faisaient valoir les demandeurs dans leur plainte, la cession définitive des élément composant le fonds de commerce de la société Hôtelière Miramar n'est intervenue que le 29 décembre 1999, de sorte que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans violer les articles visés au moyen, déclarer l'infraction d'escroquerie prescrite" ;

Attendu que, pour constater la prescription de l'action publique des chefs d'escroquerie, escroquerie en bande organisée et complicité de ces délits, l'arrêt, après avoir rappelé que le délit d'escroquerie est consommé par la remise du bien, énonce que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour où le tribunal de commerce a accepté le plan de cession, soit le 1er août 1997, et qu'aucun acte interruptif n'est intervenu avant l'expiration dudit délai ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le point de départ du délai de prescription du délit d'escroquerie au jugement doit être fixé au jour où la décision obtenue frauduleusement est devenue exécutoire, l'arrêt n'encourt pas la censure ;

Que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, ne peut, dès lors, être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 et 321-10 du Code pénal, 7, 8, 80, 86, 206, 207, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a, sur le délit de recel reproché, par substitution de motifs, confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ;

"aux motifs que "le recel est une infraction continue à l'égard duquel la prescription de l'action publique ne commence à courir que du jour où le supposé receleur ne détient plus l'objet de provenance frauduleuse ; que, toutefois, les qualifications d'escroquerie et de recel sont exclusives l'une de l'autre, l'auteur d'une escroquerie ne pouvant être poursuivi pour avoir recelé les biens provenant de l'infraction originelle ; qu'en l'espèce, à les supposer établis, les faits d'escroquerie auraient été commis notamment par la société Accor, dont les parties civiles indiquent qu'elle serait toujours détentrice du bien recelé ; que nulle autre personne n'a détenu ce bien depuis la commission supposée des faits d'escroquerie ; que, dès lors, par substitution de motifs sur ce dernier point, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise ;

1 ) "alors, d'une part, qu'une chambre de l'instruction, saisie de l'appel interjeté contre une ordonnance du juge d'instruction statuant sur la prescription, ne peut requalifier juridiquement un telle ordonnance, n'ayant pas le même objet, sans préalablement l'annuler, même partiellement, puis évoquer et statuer à nouveau en vertu des articles 206 et suivants du Code de procédure pénale de sorte que la chambre de l'instruction qui confirme l'ordonnance attaquée par substitution de motifs, a excédé ses pouvoirs et violé les articles visés au moyen ;

2 ) "alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de rechercher si l'autre partie au protocole litigieux, la société UIS, n'avait pas commis l'infraction de recel pour tirer profit du produit de l'usage ou de l'escroquerie qui pouvait résulter du document apocryphe, la chambre de l'instruction, qui s'est bornée à ne considérer que la situation de la société Accor, a violé derechef les articles visés au moyen ;

3 ) "alors que la plainte avec constitution de partie civile et le réquisitoire introductif étaient dirigés contre X de sorte que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans violer derechef les textes susvisés, péremptoirement décider, dans le cadre d'une ordonnance statuant sur la prescription, que l'auteur de l'escroquerie et celui du recel seraient une seule et même personne" ;

Sur le moyen pris en sa première branche :

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que l'arrêt attaqué a substitué sa propre motivation à celle de l'ordonnance du juge d'instruction, dès lors qu'en cas d'annulation de cette ordonnance, la chambre de l'instruction avait le pouvoir d'évoquer et de statuer au fond ;

Sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à suivre du chef de recel d'escroquerie, l'arrêt, après avoir rappelé que l'auteur d'une escroquerie ne peut être poursuivi pour recel des biens provenant de cette infraction, ces deux qualifications étant exclusives l'une de l'autre, énonce, d'une part, qu'à les supposer établis, les faits d'escroquerie auraient été commis notamment par la société Accor, dont les parties civiles indiquent qu'elle serait toujours la détentrice du bien recelé, d'autre part, que nulle autre personne n'a détenu ce bien depuis la commission supposée des faits d'escroquerie ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que la chambre de l'instruction n'était pas tenue de rechercher, si la société UIS, contre laquelle aucun fait de recel n'était allégué, n'aurait pas commis cette infraction, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-85084
Date de la décision : 06/10/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 27 juin 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 oct. 2004, pourvoi n°03-85084


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.85084
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