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23/06/2004 | FRANCE | N°01-46641

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 juin 2004, 01-46641


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu que l'article 73 de la convention collective nationale de l'industrie textile institue une rémunération minimum garantie au profit des salariés payés au rendement comportant un mécanisme de régularisation des salaires qui fait l'objet d'un accord du 11 décembre 1973 ; que la chambre syndicale des fabricants de dentelles de Calais et l'Union française des ouvriers tullistes FO ont conclu le 12 avril 1974 un accord relatif à la rémunération au

rendement des ouvriers tullistes stipulant que l'accord du 11 décembre 1973 e...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu que l'article 73 de la convention collective nationale de l'industrie textile institue une rémunération minimum garantie au profit des salariés payés au rendement comportant un mécanisme de régularisation des salaires qui fait l'objet d'un accord du 11 décembre 1973 ; que la chambre syndicale des fabricants de dentelles de Calais et l'Union française des ouvriers tullistes FO ont conclu le 12 avril 1974 un accord relatif à la rémunération au rendement des ouvriers tullistes stipulant que l'accord du 11 décembre 1973 est remplacé sur la place de Calais par une garantie mensuelle minimum liée aux articles travaillés ; que, saisie à l'occasion d'un conflit collectif entre les ouvriers tullistes d'une entreprise de Calais et leur employeur, une commission paritaire de conciliation a émis le 2 juin 1998 l'avis qu'est applicable dans la profession l'accord du 12 avril 1974 et non les stipulations de l'article 73 de la convention collective et de ses annexes ;

que M. X..., employé en qualité de tulliste par la société Desseilles-Textiles qui est aux droits de la société des Dentelles calaisiennes, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaire en se fondant sur les stipulations de l'accord du 11 décembre 1973 ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 28 septembre 2001) d'avoir condamné la société Desseilles-Textiles à payer à M. X... un rappel de salaire pour la période du 1er février 1993 au 31 décembre 1993 alors, selon le moyen :

1 / que le procès-verbal établi par une commission paritaire de conciliation créée en vertu de la loi, saisie dans le cadre d'un conflit collectif, et constatant l'accord des parties, produit, de par la loi et de plein droit, l'effet d'un accord collectif ; qu'en l'espèce, il était constant que le procès-verbal de la commission de conciliation en date du 2 juin 1998, saisie dans le cadre d'un conflit collectif entre les ouvriers tullistes d'une entreprise de Calais et leur employeur, avait constaté l'accord unanime des parties, et en particulier des syndicats représentatifs, concernant l'applicabilité exclusive de l'accord du 12 avril 1974 aux ouvriers tullistes, et l'exclusion de l'article 73 de la convention collective nationale et ses annexes ; qu'en refusant de faire produire à cet accord les effets d'un accord collectif s'imposant au juge, en vertu de la loi, au prétexte que la convention collective nationale des industries textiles n'aurait pas prévu qu'un tel avis ait la valeur d'un avenant, la cour d'appel a méconnu les articles L. 132-7 et suivants et les articles L. 522-1 et suivants du Code du travail ;

2 / que l'avis rendu par une commission de conciliation d'origine conventionnelle, dès lors qu'il est entériné à l'unanimité par les partenaires sociaux, a valeur d'avenant; qu'en l'espèce, il était constant que l'accord du 2 juin 1998, consécutif à la saisine de la commission paritaire de conciliation avait été entériné à l'unanimité par les partenaires sociaux, et en particulier par les syndicats représentatifs des salariés;

qu'en refusant de faire produire ses pleins effet à cet accord, valant dès lors avenant, la cour d'appel a violé les articles L. 522-1 et suivants du Code du travail ;

3 / que la seule absence de dépôt n'emporte aucunement nullité d'un accord collectif, lequel conserve sa force obligatoire vis-à-vis des parties signataires et des personnes qu'elles représentaient ; qu'en l'espèce, en refusant d'accorder le moindre effet à l'accord constaté unanimement dans le procès-verbal de la commission paritaire de conciliation en date du 2 juin 1998, ayant clairement affirmé l'applicabilité exclusive de l'accord du 12 avril 1974 aux ouvriers tullistes, au seul prétexte qu'il n'était pas justifié des formalités de dépôt, ou que l'accord n'aurait pas fixé de date d'application, la cour d'appel a violé les articles L. 132-10, et L. 522-3 et suivants du Code du travail ;

4 / que les juges du fond doivent observer en toutes occasions le principe du contradictoire ; qu'ils ne peuvent ainsi relever d'office un moyen, ni prendre en considération un fait du débat non spécialement invoqué par les parties, sans provoquer leurs observations préalables ; qu'en l'espèce, il était constant que, par procès-verbal en date du 2 juin 1998, signé par l'ensemble des syndicats représentatifs, la commission sociale paritaire de conciliation, saisie dans le cadre d'un conflit collectif, avait reconnu que seul l'accord du 12 avril 1974 était applicable dans la profession d'ouvrier tulliste, excluant les dispositions de l'article 73 de la convention collective et ses annexes ; que cet accord devait produire les effets d'un accord collectif ; que pour s'y opposer en l'espèce, le salarié se bornait à soutenir vainement que cet accord signé par l'ensemble des syndicats n'aurait reconnu l'applicabilité exclusive de l'accord du 12 avril 1974 que pour des ouvriers tullistes ne travaillant pas au rendement, ce qui était inexact; qu'en revanche, à aucun moment le salarié n'alléguait l'absence de justification du dépôt de l'accord ou de date d'application comme obstacle à l'application de l'accord du 2 juin 1998 ; qu'en refusant de faire produire ses effets légaux à cet accord, au prétexte, erroné et en tout cas relevé d'office, qu'il n'était pas justifié des formalités de dépôt, ni d'une date d'entrée en application indiquée dans l'accord même, sans avoir aucunement pris la peine de provoquer les observations préalables des parties sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 16 du nouveau Code de procédure civile, et L. 522-3 du Code du travail ;

5 / qu'en tout état de cause, il était constant, et explicitement relevé par l'expert judiciaire dans son rapport, que l'accord du 12 avril 1974 était considéré comme applicable aux ouvriers tullistes par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, ainsi que par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité ;

que cette applicabilité était encore confirmée par l'inspection du travail, considérant que cet accord s'était substitué à celui du 11 décembre 1973 pour les ouvriers tullistes ; qu'en écartant l'application de l'accord de conciliation du 2 juin 1998, aux termes duquel la commission sociale paritaire de conciliation reconnaissait à l'unanimité que seul l'accord du 12 avril 1974 était applicable, à l'exclusion de la convention collective nationale et de ses annexes, au seul prétexte que cet accord n'aurait pas fait l'objet d'un dépôt auprès des services du ministre de l'Emploi, sans même prendre en considération la circonstance que les services du ministère admettaient pleinement l'application de l'accord du 12 avril 1974, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 522-3 et L. 132-10 du Code du travail ;

6 / que lorsque deux accords collectifs sont en concurrence, et ont le même objet, il faut appliquer le plus favorable à l'ensemble des salariés, qu'en l'espèce, l'accord du 11 décembre 1973 prévoyait, outre une garantie individuelle organisant un minimum du salaire horaire moyen, une garantie collective tendant à ce que la moyenne des rémunérations horaires d'un groupe de salariés occupant le même poste dépasse le salaire minimum individuel, que l'accord du 12 avril 1974 a lui aussi organisé une double garantie équivalente, et même plus favorable aux salariés, puisqu'il était explicitement prévue une garantie mensuelle minimum, ne pouvant être inférieure à la garantie collective organisée par l'accord du 11 décembre 1973, à laquelle s'ajoutait une partie fixe variable, tenant compte de différents paramètres propres aux conditions de travail de la branche " Leavers ", que l'accord du 12 avril 1974 était partant aussi favorable, et même plus favorable que celui de décembre 1973, puisque le salaire minimum garanti à chaque salarié était nécessairement supérieur à la garantie collective, par ajout d'une partie variable, ce qui n'était pas le cas dans l'accord du 11 décembre 1973 ;

qu'en outre, l'accord de 1974 garantissait un salaire minimum quelle que soit la cause de la baisse de salaire, tandis que l'accord de 1973 n'organisait cette garantie qu'en cas de diminution du rendement liée à des problèmes techniques et aux conditions de travail; qu'en l'espèce, en écartant l'application de l'accord du 12 avril 1974 comme moins favorable que celui du 11 décembre 1973, la cour d'appel a violé l'accord du 11 décembre 1973, l'accord du 12 avril 1974, l'article 113-4 du Code civil, et les articles L. 132-13 et L. 135-2 du Code du travail ;

7 / que le salarié qui réclame le bénéfice d'un accord collectif doit en établir les conditions d'application ; que la garantie de salaire organisée par l'accord du 11 décembre 1973 n'avait vocation à s'appliquer qu'en cas de baisse de rendement liée aux conditions de travail et à des problèmes techniques ; qu'en faisant droit aux demandes du salarié, au prétexte que l'employeur n'aurait pas démontré l'existence de difficultés économiques à l'origine des baisses de rendement de son salarié, quand il incombait à ce dernier, pour bénéficier de l'accord du 11 décembre 1973, d'établir que ces baisses de rendement avaient pour origine les conditions de travail, et des problèmes techniques, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et violé l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que les dispositions des articles L. 522-3 et L. 523-5 du Code du travail desquelles il résulte qu'un accord conclu par une commission légale tripartite de conciliation produit les effets des conventions et accords collectifs de travail ne sont pas applicables aux avis donnés par une commission paritaire de conciliation instituée par voie conventionnelle ; que, la commission sociale paritaire de conciliation qui a donné l'avis du 2 juin 1998 étant d'origine conventionnelle, la cour d'appel qui a relevé que cet organisme n'avait pas été investi par les partenaires sociaux du pouvoir de se prononcer par des avis ayant valeur d'avenant, a exactement décidé, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième, quatrième et cinquième branches, que cet avis ne lie pas le juge ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté que si l'accord du 12 avril 1974 prévoyait une rémunération mensuelle minimale égale au salaire minimum résultant des garanties collectives de l'accord du 11 décembre 1973 augmenté d'une partie fixe déterminée en fonction des longueurs, points, matières et articles fabriqués, celui du 11 décembre 1973 ajoutait à ces mêmes garanties collectives un mécanisme de régularisation des salaires qui instaurait des planchers de rémunération supplémentaires permettant de restreindre l'amplitude des variations mensuelles de rémunération et imposait à l'employeur, lorsque la garantie était appelée à jouer pendant deux mois successifs, de rechercher les raisons de cette situation ; qu'en l'état de ces constatations et abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la sixième branche, elle a exactement décidé que l'accord du 11 décembre 1973 était globalement plus favorable aux salariés que l'accord ayant le même objet du 12 avril 1974 et qu'il devait recevoir application ;

Attendu, enfin, que, dès lors que l'accord du 11 décembre 1973 institue une garantie de rémunération à la charge de l'employeur auquel il impose de rechercher les raisons de sa mise en oeuvre pendant deux mois successifs, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a décidé qu'il appartenait à la société Desseilles-Textiles, débitrice de cette garantie, d'établir que la baisse de la rémunération de M. X... était due à une diminution du rendement du salarié qui n'était pas imputable à l'entreprise ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Desseilles-Textiles aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 01-46641
Date de la décision : 23/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai (chambre sociale), 28 septembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 jui. 2004, pourvoi n°01-46641


Composition du Tribunal
Président : Président : M. CHAGNY conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.46641
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