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12/05/2004 | FRANCE | N°02-41421

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mai 2004, 02-41421


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... a été engagé le 3 janvier 1994 par la société Ediradio dont l'actionnaire unique était la Fédération nationale des médecins radiologues, en qualité de rédacteur en chef de la revue "Le Médecin électro-radiologiste qualifié de France" et de son supplément "La Lettre du médecin-radiologue" ; que le contrat prévoyait que le salarié avait notamment pour fonction de rédiger les éditoriaux ainsi qu'un article de fond par revue et par "lettre" et qu'il pouv

ait recourir à des collaborateurs occasionnels pour la rédaction des articles, l...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... a été engagé le 3 janvier 1994 par la société Ediradio dont l'actionnaire unique était la Fédération nationale des médecins radiologues, en qualité de rédacteur en chef de la revue "Le Médecin électro-radiologiste qualifié de France" et de son supplément "La Lettre du médecin-radiologue" ; que le contrat prévoyait que le salarié avait notamment pour fonction de rédiger les éditoriaux ainsi qu'un article de fond par revue et par "lettre" et qu'il pouvait recourir à des collaborateurs occasionnels pour la rédaction des articles, le contrat devant s'exécuter soit dans les locaux de la société au 60, boulevard de La Tour Maubourg à Paris, soit à son domicile ; qu'il a été licencié le 26 juillet 1998 pour ne pas avoir exécuté ses obligations professionnelles depuis plusieurs mois et d'avoir refusé de travailler dans les nouveaux locaux au 62 du même boulevard ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal formé par le salarié :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de M. X... en paiement d'un rappel de salaire, alors, selon le moyen, que la rémunération du salarié constitue un élément du contrat qui ne peut être modifié sans son accord ; qu'en déclarant, après avoir constaté la diminution progressive depuis 1994 des sommes perçues en plus du salaire mensuel par M. X... à titre de rémunération d'articles qu'il rédigeait à la demande de son employeur, que la diminution corrélative de la rémunération versée n'avait apporté aucune modification au contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 761-2, alinéa 4, du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que M. X... n'avait pas recouru à la faculté qui lui était offerte par le contrat de travail de s'adjoindre des collaborateurs occasionnels pour la rédaction de certains articles mais avait choisi dans un premier temps de les rédiger lui-même, en sus des éditoriaux et articles imposés contractuellement, et qu'il percevait à ce titre une rémunération distincte ; qu'elle a pu en déduire que l'employeur n'était pas tenu de lui fournir un nombre constant d'articles ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la collaboration de M. X... à la revue trimestrielle "Le Médecin électro-radiologiste qualifié de France" et à son supplément "La Lettre du médecin radiologue" a commencé au deuxième trimestre 1985 et en conséquence déterminé à partir de cette date le montant du rappel de prime d'ancienneté qui lui était du, alors, selon le moyen, qu'en décidant, après avoir constaté que le numéro 2 de la "Lettre du médecin radiologue", daté du 25 novembre 1982, contenait deux articles signés "André Y...", pseudonyme de M. Pierre X..., que la collaboration de celui-ci à la revue trimestrielle "Le Médecin électro-radiologiste qualifié de France" et à ce supplément avait commencé au deuxième trimestre 1985, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, à l'époque de la rédaction de ces deux articles, M. X... exerçait son activité de journaliste en toute indépendance et en toute liberté, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 761-2, alinéa 4, du Code du travail et 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, par une appréciation des éléments de fait, a constaté que la collaboration de M. X... avait été limitée de 1982 à 1985 à la rédaction de deux articles ; qu'elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à la recherche invoquée, que son ancienneté ne pouvait remonter à l'année 1982 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de M. X... en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1 / qu'en déclarant après avoir constaté l'accord des parties en vue de l'accomplissement de la prestation de travail du salarié indifféremment sur l'un quelconque des deux sites constitués par les locaux de la société Ediradio au 60, boulevard La Tour Maubourg ou le domicile du salarié, que le refus du salarié d'exécuter son activité professionnelle exclusivement dans les locaux de la société Ediradio constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

2 / qu'en décidant que la décision d'affectation de M. X... au 62, boulevard La Tour Maubourg n'apportait aucune modification au contrat de travail, alors que cet acte fixait comme lieu d'exécution de la prestation de travail les locaux de la société Ediradio au 60, boulevard La Tour Maubourg ou le domicile du salarié, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de travail, a violé l'article 1134 du Code civil ;

3 / qu'en s'abstenant de rechercher si la décision de la société Ediradio prise après le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, d'affecter celui-ci, bien qu'il soit rédacteur en chef de la Revue trimestrielle "Le Médecin électro-radiologiste qualifié de France" et de son supplément, dans un bureau d'où il ne pouvait recevoir aucun appel téléphonique sur son poste même par l'intermédiaire du standard de la société, alors qu'en raison de l'exiguïté des anciens locaux de ladite société, le salarié exerçait depuis de nombreuses années son activité professionnelle à son domicile en exécution de la clause du contrat de travail prévoyant l'accomplissement de la prestation de travail indifféremment à cet endroit ou dans les locaux de l'entreprise, ne constituait pas une mesure humiliante et vexatoire justifiant le refus du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, après avoir constaté que le contrat de travail précisait qu'il s'exécutait soit dans les locaux de la société au 60, boulevard de La Tour Maubourg soit au domicile du salarié et que le salarié avait refusé, à la suite du déménagement de la société au 62, du même boulevard, de travailler dans ces derniers locaux, a, sans encourir les griefs du moyen, usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, décidé que le licenciement, résultant de ce refus, avait une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté M. X... de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de salaire pendant le préavis, de prime d'ancienneté sur préavis, de prime de congés payés sur préavis et de prime de 13e mois sur préavis, alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir de l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. X... avait une cause réelle et sérieuse, entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt rejetant les demandes du salarié en paiement de salaire pendant le préavis, de prime d'ancienneté sur préavis, de prime de congés payés sur préavis et de prime de 13e mois sur préavis qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire et ce, en application de l'article 625, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le rejet du troisième moyen entraîne celui du moyen invoqué ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident formé par la société :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Ediradio à payer à M. X... diverses sommes à titre de rappel de prime d'ancienneté dans la profession de journaliste, à titre de rappel de prime d'ancienneté dans l'entreprise, à titre d'indemnités de congés payés, et à titre de rappel de treizième mois, alors, selon le moyen :

1 / que la cour d'appel a, dans le dispositif de sa décision confirmé le jugement en ce qu'il avait débouté M. X... de ses demandes de requalification d'honoraires en salaires ; que, cependant, la cour d'appel a affirmé dans sa décision qu'il convenait de faire droit à cette demande de requalification, et a pris en compte les sommes litigieuses à titre de salaires pour calculer les congés payés accordés à M. X... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, qu'elle a méconnues ;

2 / qu'en tout état de cause, il ressortait clairement de l'article 3 du contrat de travail, comme de l'avenant l'ayant modifié, que la rédaction d'articles visée au titre des fonctions salariales de M. X... pour chaque numéro de la revue, tâche entrant dans ses attributions de rédacteur en chef, et partant rémunérées au titre de la rémunération mensuelle fixe perçue à ce titre ; qu'en considérant que les articles que M. X... avait lui-même choisi de rédiger en sus de ses tâches de rédacteur en chef relevaient de son contrat de travail, et que M. X... avait été licencié eu égard à l'insuffisance de son travail à ce titre, quand son contrat prévoyait explicitement la faculté de recourir à des collaborateurs occasionnels pour la rédaction de ces articles, et que le licenciement de M. X... reposait uniquement sur l'insuffisance de travail du salarié au regard de ses tâches de rédacteur en chef, la cour d'appel a dénaturé le contrat du 3 janvier 1994, ainsi que l'avenant du 18 juin 1997, outre la lettre de licenciement du 29 juillet 1998 et partant violé l'article 1134 du Code civil ;

3 / que la présomption de salariat n'a pas lieu de s'appliquer s'il est établi que le journaliste exerçait son activité en toute indépendance et en toute liberté, ce qui suppose que le journaliste soit libre de déterminer aussi bien le volume de sa contribution que les sujets traités ou le contenu de ses articles ; qu'en l'espèce, la société Ediradio soutenait légitimement que, dans le cadre des articles qu'il avait décidé de rédiger indépendamment de ses fonctions de rédacteur en chef, M. X... disposait d'une indépendance et d'une liberté totales, tant quant au nombre d'articles fournis, que s'agissant des sujets ou du contenu ; qu'en refusant de tenir compte de cette circonstance, au prétexte erroné que le contrat de rédacteur en chef de M. X... prévoyait qu'il s'interdisait de prêter son concours à d'autres publications donnant des informations sur l'imagerie française sans accord de la société Ediradio, quand, d'une part, cette clause était stipulée dans le contrat de rédacteur en chef de M. X..., étranger aux articles écrits par lui indépendamment de cette mission, et quand, d'autre part, cette circonstance n'induisait aucunement que M. X... n'ait pas déposé d'une liberté et d'une indépendance totales au niveau éditorial, dans le cadre de la rédaction des articles litigieux, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 761-2 du Code du travail ;

4 / que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que les contrats de travail ne sont maintenus qu'en cas de transfert d'une telle entité, conservant son identité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que l'édition des revues de la FNMR constituait une entité économique ayant été transférée de la SEPEME à la société Ediradio ; qu'elle n'a cependant à aucun moment caractérisé l'autonomie de cette entité, ni l'existence d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité poursuivant un objectif propre ; qu'en considérant que M. X... pouvait bénéficier d'une ancienneté remontant à 1985, en vertu d'un prétendu transfert d'une entité économique autonome, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-12 du Code du travail ;

5 / que la seule perte d'un marché ne caractérise pas le transfert d'une entité économique autonome ; qu'en l'espèce, la cour d'appel elle-même constatait que l'édition des revues de la FNMR ne constituait que l'activité principale de la SEPEME, qui disposait par conséquent d'autres clients ; qu'il s'en évinçait que l'édition des revues par la SEPEME ne constituait pas une entité économique, c'est-à-dire un ensemble organisé de personnes et de moyens corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre ; qu'en considérant néanmoins que la perte par cette société du marché lié à l'édition des revues de la FNMR constituait un transfert d'entité économique autonome, la cour d'appel a violé l'article L. 122-12 du Code du travail ;

6 / que la société invoquait devant la cour d'appel le moyen tiré de ce que M. X... n'avait pas reçu de prime d'ancienneté lorsqu'il était employé de la société SEPEME, gérée par son épouse, quand il aurait dû recevoir une telle prime dès 1987, si son ancienneté remontait réellement à 1982, et à tout le moins en 1990 si elle remontait à 1985 ;

qu'en faisant remonter l'ancienneté de M. X... au deuxième trimestre 1985, sans aucunement répondre à ce moyen de la société, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la contradiction alléguée par le moyen procède d'une erreur purement matérielle dont la rectification sera ordonnée dans le dispositif du présent arrêt ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a fait une exacte application de la présomption édictée par l'article L. 761-2 du Code du travail, en décidant, sans dénaturation du contrat de travail, que les rémunérations correspondant à la rédaction d'articles, en plus de ceux prévus au contrat de travail, constituaient des salaires et non des honoraires ;

Et attendu, enfin, que la cour d'appel a retenu que sous le couvert de différents artifices juridiques, la même relation de travail avait uni, depuis 1985, M. X... à la FNMR pour en déduire, répondant en les rejetant aux conclusions invoquées, que l'ancienneté devait remonter au deuxième trimestre de l'année 1985 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que pour faire droit aux demandes de remboursement des frais professionnels, la cour d'appel a retenu des frais de téléphone pour un montant de 21 236,41 francs au vu des factures des lignes professionnelles de M. X... et que les frais de télécopie ressortent des factures de France Télécom et des nombreux fax versés aux débats ; que la société Ediradio devra les prendre en charge pour la somme de 10 449,63 francs, montant de la demande ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société Ediradio soutenait que l'ensemble des factures versées aux débats par M. X..., et afférentes à des frais de téléphone et de télécopie concernaient soit la société SEPEME, soit la société Editions professionnelles médicales ;

qu'en faisant droit intégralement aux demandes du salarié à ce titre, sans rechercher, comme elle y était invitée, dans quelle mesure ces frais avaient réellement été exposés dans le cadre des fonctions assumées par M. X... dans ses rapports avec la société Ediradio, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions ayant alloué à M. X... les sommes de 21 236,41 francs et 10 449,63 francs au titre des frais professionnels, l'arrêt rendu le 21 décembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

DIT qu'au deuxième paragraphe du premier alinéa du dispositif de l'arrêt attaqué les mots "de requalification d'honoraires en salaires" sont supprimés ;

REJETTE le pourvoi principal formé par le salarié ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 02-41421
Date de la décision : 12/05/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (22e chambre B), 21 décembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 mai. 2004, pourvoi n°02-41421


Composition du Tribunal
Président : Président : M. LE ROUX-COCHERIL conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.41421
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