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31/03/2004 | FRANCE | N°03-85624

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 mars 2004, 03-85624


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un mars deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 19 mars 2003, qui, pour agressions

sexuelles aggravées et corruption de mineurs, l'a condamné à 4 ans d'emprisonnement don...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un mars deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 19 mars 2003, qui, pour agressions sexuelles aggravées et corruption de mineurs, l'a condamné à 4 ans d'emprisonnement dont 30 mois avec sursis, 5 ans d'interdiction professionnelle, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-27, 222-28 et 222-29 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... coupable du délit d'agressions sexuelles sur personnes vulnérables par personne ayant autorité et l'a condamné à la peine de quatre années d'emprisonnement, dont 30 mois avec sursis, et interdiction d'exercer la profession de médecin pendant une durée de cinq ans, ainsi qu'à indemniser les parties civiles ;

"aux motifs que constitue une agression sexuelle, toute atteinte sexuelle autre qu'une pénétration commise avec violence, contrainte, menace ou surprise de sorte que le fait de photographier le sexe d'une personne peut, à lui seul, constituer l'élément matériel d'une agression sexuelle ; qu'il est établi par les déclarations circonstanciées et concordantes des victimes visées dans la prévention, que des séances de photographies effectuées par le prévenu s'accompagnaient toujours d'attouchements du sexe des modèles, non seulement à l'occasion des opérations de rasage du pubis et d'application de talc après rasage, mais également pour modifier la pose, ces gestes ayant consisté, pour les modèles de sexe féminin, à écarter les lèvres de leur sexe pour l'entrouvrir et "le mettre en valeur", ce que Pierre X... ne conteste par formellement, appuyant sur le côté esthétique de ces poses ; qu'il ressort de l'ensemble des déclarations que l'application de talc après rasage évoluait progressivement et insidieusement en des massages prolongés à mains nues du pubis, des lèvres du sexe, voire même de l'anus, certaines victimes affirmant l'existence d'une pénétration digitale furtive dans leur vagin ; que l'élément matériel de l'infraction est donc constitué ;

"et aux motifs, que Pierre X... conteste fermement la notion de surprise retenue dans la prévention, notion qui consiste à obtenir des faveurs sexuelles en trompant les victimes sur la situation réelle ou en abusant de sa difficulté à appréhender celle-ci ; que, s'il est constant en l'espèce, que Pierre X... informait les modèles qui répondaient à ses annonces, qu'il s'agissait de clichés de sexe accompagnés d'une opération de rasage, il est incontestable qu'en leur présentant ces séances de photographies de leur sexe en gros plan comme étant destinées à illustrer une étude de la pilosité et la repousse des poils pubiens, présentation confortée par le fait qu'il exerçait la profession de médecin et qu'il les recevait, en vêtement professionnel, dans son cabinet médical, il les a trompés sur la réalité de la nature de ces séances, ce que plusieurs d'entre eux, qui ont refusé d'y retourner une seconde fois, ont immédiatement compris avoir ressenti leur caractère malsain ou ambigu ; que de même, en présentant les séances ultérieures comme destinées à lui permettre dans la même optique de recherches médicales d'étudier la repousse des poils après rasage, il a encore agi par surprise à l'égard de celles qui ont consenti, l'explication pseudo médicale ne se justifiant, de sa part, que par le souci de les convaincre de revenir et de forcer ainsi leur consentement ; qu'enfin, s'il est indéniable que plusieurs jeunes filles se sont rendues à plusieurs reprises chez Pierre X... et si certaines ont avoué y avoir été attirées par les informations transmises par d'autres qui les avaient précédées, Pierre X... ne saurait se prévaloir de cette connaissance qu'elles avaient de la nature des séances auxquelles elles se soumettaient comme l'expression d'un consentement libre et éclairé de leur part , alors qu'il savait que ces jeunes filles et jeunes gens étaient atteints, au moment des faits, de troubles psychologiques suffisamment graves pour justifier leur hospitalisation à la clinique Georges Dumas à Grenoble dont en sa qualité de membre du corps médical local, il ne pouvait ignorer qu'elle était réservée au traitement de troubles psychiques graves et qu'il n'a pu se méprendre sur la nature des troubles anorexiques dont la grande majorité d'entre elles était affectée, lesquelles se manifestaient non seulement par un état de maigreur anormal et pour l'une d'entre elles des traces d'automutilation, mais également par une fragilité psychique flagrante que les enquêteurs ont stigmatisée dans leur transmission au parquet de Grenoble en mentionnant que "certaines jeunes victimes sont réellement dans un état psychologique déplorable, cet état apparaissant de manière manifeste et indiscutable pour certains une audition d'une heure les a mis dans un état impressionnant, aujourd'hui encore la plupart de ces jeunes n'a toujours pas repris une vie sociale normale" ; qu'en sa qualité de docteur en médecine, même si sa spécialité s'inscrivait dans le domaine de la chirurgie plastique et esthétique, Pierre X... ne pouvait ignorer que leur participation à ces séances s'inscrivait dans un processus d'autodestruction de leur corps auquel elles ne pouvaient résister dans le contexte de leur pathologie et que l'appât du gain qu'il leur promettait ainsi que le "désir" d'avilissement n'étaient pas étrangers à leur démarche,

toute volontaire qu'elle apparaisse ; que, dès lors, en attirant ces jeunes pensionnaires de la clinique Georges Dumas dans son cabinet médical et en les soumettant, sous couvert d'une recherche médicale, paramédicale qui apparaît un leurre, à des atteintes sexuelles dont la description qui en est faite par celles qui s'y sont soumises plusieurs fois, établir qu'elles allaient en s'intensifiant d'une séance à l'autre, jusqu'à aboutir, de façon insidieuse, à des massages réciproques d'ordre sexuel, Pierre X... a abusé en toute connaissance de cause, de la vulnérabilité de ces modèles ainsi que de sa profession de médecin qui lui conférait respectabilité et autorité et qui lui permettait de valider médicalement ses actes pour les amener progressivement à accepter des atteintes sexuelles de plus en plus poussées ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a considéré caractérisé le délit d'agressions sexuelles reproché à Pierre X... ainsi que les circonstances aggravantes tenant à l'utilisation de son statut de médecin et à la vulnérabilité de ses victimes ;

"1 ) alors que, constitue une agression sexuelle, toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ; que la surprise, élément constitutif du délit d'agression sexuelle, consiste à surprendre le consentement de la victime ; que le mobile pour lequel l'acte est commis est juridiquement indifférent et ne peut caractériser la surprise ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors légalement considérer que la surprise était caractérisée par le fait que Pierre X... avait informé les modèles qui répondaient à ses annonces que leur participation avait pour objet une étude scientifique, alors que celle-ci n'était pas démontrée, cette circonstance ne concernant que le mobile des actes poursuivis ;

"2 ) alors qu'un fait ne peut être retenu comme élément constitutif de l'infraction s'il est poursuivi comme circonstance aggravante de ladite infraction ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors décider légalement que Pierre X... avait commis le délit d'agression sexuelle sur personnes particulièrement vulnérables, en considérant que la surprise, élément constitutif du délit d'agression sexuelle, était caractérisé par la particulière vulnérabilité des intéressées et que cette particulière vulnérabilité était également constitutive d'une circonstance aggravante" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-27, 222-28 et 222-29 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... coupable du délit d'agressions sexuelles sur personnes vulnérables par personne ayant autorité et l'a condamné à la peine de quatre années d'emprisonnement, dont 30 mois avec sursis, et interdiction d'exercer la profession de médecin pendant une durée de cinq ans, ainsi qu'à indemniser les parties civiles ;

"aux motifs que, pour être punissable, l'atteinte sexuelle suppose de la part de son auteur qu'il ait conscience de commettre un acte immoral et impudique ; qu'en l'espèce, Pierre X... affirme que les faits d'atteinte sexuelle qui lui sont reprochés avaient un caractère strictement médical, expliquant que les photographies prises lors des séances étaient destinées à une étude scientifique qu'il entendait mener, dans le cadre de son art de chirurgien plasticien, sur la pilosité pubienne, notamment les conséquences du rasage sur le repousse des poils, de sorte que les attouchements qui lui étaient notamment reprochées, se réduisaient aux opérations de rasage et d'application de talc, indispensables pour son étude ;

que force est de constater que ces allégations ne résistent pas à l'examen des pièces de la procédure ; qu'en effet, en premier lieu, il n'a été trouvé lors de la perquisition et des investigations menées tant par les enquêteurs que par le magistrat instructeur, aucun document permettant d'accréditer la thèse de l'étude sur la pilosité pubienne, étant rappelé que tout chercheur sérieux prend soin de noter ses constatations, ne serait ce que pour en conserver une trace tangible ; que, en second lieu, l'exercice de sa profession lui permettant d'utiliser des clichés médicaux de ses patients, ce qu'il n'ignorait nullement, l'ayant admis à l'audience du tribunal, pour procéder à cette étude, sans avoir à recourir à des modèles ; qu'en troisième lieu, ainsi que le relève pertinemment le premier juge, l'examen comparatif de pilosités différentes, à le supposer scientifiquement justifié, n'exigeait pas qu'il procède à des clichés de sexes juxtaposés, réalisés en faisant s'allonger deux modèles l'un sur l'autre alors qu'il suffisait de juxtaposer deux clichés de modèles différents ; qu'en quatrième lieu, il ne peut donner d'explication pertinente sur la nécessité invoquée de modifier l'ouverture des lèvres des modèles au cours des séances de pose ;

qu'enfin, il résulte des déclarations de plusieurs victimes que des photographies n'étaient pas réalisées à chaque séance, certaines de celles-ci se limitant uniquement à ces attouchements divers suivis des massages ; que de plus, les opérations de rasage impliquaient nécessairement des attouchements sur le sexe des modèles, et si l'application de talc était indispensable afin de prévenir les irritations provoquées par l'opération de rasage, aucun motif d'ordre strictement médical ne pouvait justifier qu'il procède lui-même à cette application de talc ni qu'il l'effectue de surcroît à mains nues ;

que dès lors, les applications de talc, dont l'ensemble des victimes s'accordaient à décrire comme constituant des séances de massage prolongé au-delà du temps nécessaire et étendu bien au-delà de la zone rasée, ne relevaient pas du caractère d'acte médical mais celui d'atteinte sexuelle, ainsi que toutes les jeunes filles entendues dans le cadre de cette affaire l'ont ressenti ; que surtout, le fait pour Pierre X... d'avoir confié sous une fausse identité le développement de ce type de clichés non au laboratoire auquel le cabinet médical confiait le développement de ses clichés professionnels, mais à plusieurs commerçants qu'il rémunérait en espèces, sans factures pour figurer dans les frais professionnels, démontre la conscience qu'il avait du caractère immoral et impudique de ces photographies de sexes ;

"alors que, l'élément intentionnel du délit d'agression sexuelle consiste dans la connaissance par l'agent qu'il commet un acte immoral ou obscène contre le gré de la victime ; que le mobile pour lequel il a agi est indifférent ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer que Pierre X... ne pouvait arguer d'une étude scientifique pour soutenir n'avoir pas eu conscience de commettre le délit d'agressions sexuelles, sans constater qu'il aurait eu conscience d'agir contre le gré de ceux qui avaient accepté d'accéder à ses demandes, la cour d'appel, qui s'est exclusivement fondée sur le mobile des actes accomplis par Pierre X..., n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 227-22 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré Pierre X... coupable de corruption de mineures et l'a condamné à la peine de quatre mois d'emprisonnement, dont 30 mois avec sursis, et à l'interdiction d'exercer la profession de médecin pendant une durée de cinq ans, ainsi qu'à indemniser les parties civiles ;

"aux motifs propres que c'est par de justes motifs, adoptés en leur intégralité par la Cour, que le premier juge a déclaré Pierre X... coupable de corruption de ces deux mineures ;

"et aux motifs adoptés qu'en incitant par surprise les deux autres victimes à se soumettre à des séances de photographies et d'attouchements attentatoires à leur pudeur, le prévenu a commis le délit de corruption de mineures, et ne saurait, pour s'exonérer de sa responsabilité pénale, prétendre avoir ignoré leur minorité ou même avoir été volontairement induit en erreur sur celle-ci par les victimes elles-mêmes, dès lors que l'aspect de la victime ne saurait être invoqué comme constitutif d'erreur et qu'il lui appartenait de s'assurer de leur majorité ;

"1 ) alors que, le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d'un mineur n'est pénalement punissable que si l'auteur des faits a eu en vue la perversion de la jeunesse, et non pas seulement la satisfaction de ses propres passions ; qu'en déclarant néanmoins Pierre X... coupable du délit de corruption de mineures, sans constater que les faits qui lui étaient reprochés avaient été accomplis en vue de pervertir les intéressées, la cour d'appel a privé sa décision de motif ;

"2 ) alors que, le délit de corruption de mineur, qui est une infraction intentionnelle, suppose que l'agent ait eu connaissance de la minorité de l'intéressé ; qu'en décidant néanmoins que Pierre X... ne pouvait se prévaloir de ce qu'il n'avait pas eu conscience de ce que les intéressées étaient mineures, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Pelletier conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-85624
Date de la décision : 31/03/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, 19 mars 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 mar. 2004, pourvoi n°03-85624


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.85624
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