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30/03/2004 | FRANCE | N°00-22447

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 mars 2004, 00-22447


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme Apollonia X... et à Mme Athéna X... de leur reprise d'instance, ès qualités d'héritières de Lionel X... ;

Attendu qu'à la suite du décès de Charlotte Y..., un jugement a ordonné le partage de la communauté de biens ayant existé entre celle-ci et son mari, Pierre X..., et de sa succession ; que Pierre X... a notifié à ses trois enfants Max, Madeleine et Lionel X..., les 22/24 décembre 1981, son intention d'exercer son droit de reprise sur le f

onds de commerce de boulangerie situé rue du Cherche Midi à Paris et incluant une ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme Apollonia X... et à Mme Athéna X... de leur reprise d'instance, ès qualités d'héritières de Lionel X... ;

Attendu qu'à la suite du décès de Charlotte Y..., un jugement a ordonné le partage de la communauté de biens ayant existé entre celle-ci et son mari, Pierre X..., et de sa succession ; que Pierre X... a notifié à ses trois enfants Max, Madeleine et Lionel X..., les 22/24 décembre 1981, son intention d'exercer son droit de reprise sur le fonds de commerce de boulangerie situé rue du Cherche Midi à Paris et incluant une usine de panification à Clamart, en application de la clause de prélèvement sur les biens communs stipulée à son contrat de mariage au profit de l'époux survivant ; que diverses demandes de rapport ont été également formées ; que M. Max et Mme Madeleine X... ont prétendu que la cession le 14 novembre 1974 par leurs parents à leur frère Lionel, agissant pour le compte de la SA X... en cours de formation, de leur autre fonds de commerce situé boulevard de Grenelle au prix de 450 000 francs dissimulait une donation déguisée ou indirecte au profit de celui-ci ; qu'ils ont également soutenu que leurs parents avaient fait donation à leur frère de la valeur patrimoniale de la marque X... que celui-ci, au nom de la SA X..., avait déposée à l'INPI le 4 décembre 1974 ; que Lionel X... a demandé le rapport par son frère M. Max X... de la valeur au jour du partage des parts de la société Brancion, exploitant une boulangerie rue Brancion, que ce dernier avait acquises à l'aide d'une somme de 58 500 francs reçue de leurs parents en février 1976 ; que diverses décisions ont été rendues et des expertises ordonnées ; que Pierre X... est décédé le 26 juin 1993 et que M. Z... a été nommé administrateur provisoire de sa succession ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de M. Max X..., pris en ses quatre branches et le premier moyen du pourvoi incident de Mme Madeleine X... qui est identique :

Attendu que M. Max et Mme Madeleine X... font grief à l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1, 10 mai 1993, pourvoi n° U 90-18.570) d'avoir dit que la succession de leur père est redevable envers celle de leur mère d'une somme de 2 914 500 francs au titre de la reprise du fonds de commerce de la rue du Cherche-Midi et de l'usine de panification, alors, selon le moyen :

1 / qu'en énonçant qu'ils proposent des évaluations différentes, largement contraires à celle retenue par les experts, sans demander de contre-expertise ni développer d'arguments probants et sérieusement étayés, bien que M. Max X... eût fait valoir dans ses conclusions que le rapport d'expertise était incomplet car il traitait du fonds de commerce de la rue du Cherche Midi auquel était couplé un établissement de panification et qu'aucune description n'était faite de cet établissement ni aucune indication recueillie ni fournie par les experts sur la valeur foncière que pouvait représenter ce bien, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions ;

2 / qu'elle a omis de s'expliquer sur l'omission de cette valeur foncière et sur l'élément probant et sérieux déduit de Mme Madeleine X... du redressement fiscal contemporain du fonds de commerce évaluant ce fonds à une somme bien supérieure ;

3 / qu'en décidant de retrancher de la valeur du fonds, celle de la marque d'usage, au motif qu'un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation du 17 novembre 1998 avait retenu que si les époux Pierre X... avaient donné au signe distinctif X... sous lequel ils avaient exploité de leur vivant deux fonds de commerce, une notoriété lui conférant les caractères d'une marque d'usage, cette marque avait perdu rétroactivement toute valeur à compter de l'enregistrement de la marque X... par la SA X..., ni les époux Pierre X... ni les héritiers de Charlotte X...- Y... n'ayant agi en nullité de cette marque dans le délai légal, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attachait à son précédent arrêt du 20 novembre 1995 qui précisait dans son dispositif que les experts devront, dans leur évaluation du fonds de commerce, prendre expressément en considération la valeur de l'élément incorporel constitué par la marque d'usage X... ;

4 / que si cette marque d'usage avait perdu toute valeur juridique, l'utilisation de ce signe distinctif conservait une valeur économique, de sorte qu'en la retranchant de la valeur du fonds, la cour d'appel a également privé sa décision de base légale au regard de l'article 1511 du Code civil ;

Mais attendu que, sous couvert de griefs non fondés de dénaturation des conclusions de M. Max X... et de défaut de motivation, le moyen en ses deux premières branches ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel de la valeur probante et de la pertinence des éléments soumis à son examen en vue de la détermination, à la date des 22/24 décembre 1981, de la valeur des biens communs dont Pierre X... exerçait la reprise et qui comprenaient l'établissement de panification situé à Clamart, au sujet duquel le jugement du 12 janvier 1989 constatait que M. Max et Mme Madeleine X... reconnaissaient dans leurs écritures que le terrain sur lequel l'usine de panification était construite constituait un bien propre de leur père, ce qui excluait toute reprise et donc toute évaluation ;

Et attendu que l'arrêt du 20 novembre 1995 s'est borné dans son dispositif à ordonner une mesure d'expertise et que ce qui a été décidé relativement à cette mission donnée aux experts ne s'imposait pas à l'arrêt attaqué qui avait à trancher le fond du litige ; qu'il s'ensuit qu'en retranchant de la valeur des biens en question celle de la marque au motif que M. Max et Mme Madeleine X... ne sauraient méconnaître la portée de l'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation, le 17 novembre 1998, qui dénie toute valeur dans la communauté, à partir de l'année 1974, à la marque d'usage X..., la cour d'appel n'a pu méconnaître l'autorité de la chose jugée dont l'arrêt du 20 novembre 1995 était dépourvu du chef litigieux ;

Attendu, enfin, que M. Max et Mme Madeleine X... n'ont pas soutenu, en appel, que la marque d'usage aurait conservé une valeur économique indépendante de la valeur juridique perdue ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deux premières branches et qui n'est pas fondé en la troisième, est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait en la dernière ;

Mais sur le deuxième moyen, également identique, des pourvois principal et incident, pris en leurs trois premières branches :

Vu l'article 843 du Code civil ;

Attendu que tout héritier venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement, à moins que les dons ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part ou avec dispense de rapport ;

Attendu que la cour d'appel a dit qu'aucune preuve n'était rapportée d'une donation déguisée ou indirecte portant sur le fonds situé boulevard de Grenelle acquis en novembre 1974 par Lionel X... agissant pour le compte de la SA X... ; qu'elle retient qu'il appartient à M. Max et Mme Madeleine X... de démontrer non seulement qu'il y a eu donation mais encore que celle-ci excéderait dans les successions de leurs parents, la quotité disponible ; qu'elle considère encore que le prix de cession, de 450 000 francs, alors que les experts retiennent une valeur qui n'est en réalité que de 597 000 francs puisqu'il faut déduire de leur estimation la valeur de la marque d'usage dénuée de toute valeur depuis l'arrêt du 17 novembre 1998, ne peut être considéré comme un prix dérisoire, caractéristique d'une intention libérale ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors d'une part, qu'aux termes du texte susvisé, tout héritier est tenu de rapporter à ses cohéritiers les dons qui lui ont été consentis, sauf dispense de rapport et qu'il appartient aux juges du fond, en l'absence d'une dispense expresse, de rechercher la volonté du donateur, d'autre part, que tout avantage résultant de la modicité d'un prix de vente peut constituer une donation indirecte, sans que ce prix soit dérisoire, alors enfin, que la valeur de la marque ne pouvait être déduite de celle du fonds, estimé à 689 000 francs par les experts, dès lors que la cession était antérieure au dépôt de la marque, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal pris en sa première branche :

Vu les articles 869 et 860 du Code civil ;

Attendu que l'arrêt attaqué a fixé à 2 900 000 francs l'indemnité de rapport due par M. Max X... à la succession de sa mère, cette somme correspondant à la moitié de la valeur des parts sociales acquises grâce aux fonds donnés par ses parents ;

Attendu, cependant, que selon l'article 869 du Code civil, le rapport d'une somme d'argent est égal à son montant sauf si cette somme a servi à acquérir un bien auquel cas le rapport est dû de la valeur de ce bien, et selon l'article 860 du même Code, auquel renvoie le premier texte, que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état au jour de la donation ;

Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme il lui était demandé, si et dans quelle mesure l'importante plus-value constatée depuis l'acquisition n'était pas due à l'activité et à la notoriété propre de M. Max X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Et sur la deuxième branche de ce moyen :

Vu les articles 856 et 860 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que lorsque le rapport se fait en valeur sous forme d'une indemnité, le gratifié n'est pas tenu à restitution des fruits produits mais doit seulement les intérêts au taux légal de l'indemnité, courus à compter du jour où celle-ci est déterminée ;

Attendu que l'arrêt a dit que M. Max X... devait rapporter les fruits et revenus produits par les parts sociales à compter du 24 février 1977, jour du décès de sa mère, jusqu'au partage ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le rapport devait s'effectuer, en valeur, sous forme d'une indemnité à déterminer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la 4e branche du deuxième moyen et sur la 3e branche du 3e moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit qu'aucune preuve n'était rapportée d'une donation déguisée ou indirecte portant sur le fonds du boulevard de Grenelle et rejeté les demandes formées par M. Max et Mme Madeleine X... à ce titre, et en ce qu'il a dit que M. Max X... devait rapporter à la succession de Charlotte Y... la somme de 2 900 000 francs ainsi que les fruits et revenus perçus à compter du 24 février 1977 jusqu'au jour du partage et a ordonné un complément d'expertise sur ce point, l'arrêt rendu le 11 octobre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande formée par Lionel X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 00-22447
Date de la décision : 30/03/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (chambres civiles réunies), 11 octobre 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 mar. 2004, pourvoi n°00-22447


Composition du Tribunal
Président : Président : M. LEMONTEY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:00.22447
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