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18/02/2004 | FRANCE | N°00-15307

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 février 2004, 00-15307


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Conflans-Sainte-Honorine,

22 / de M. Jacques Leau, demeurant Logis des Broues, 16450 Saint-Claud,

23 / de M. Claude Cervera, demeurant 86, rue du Rocher, 75008 Paris,

24 / de la société New England international Surety - Co Padilla et associates building, dont le siège est 32, East Street, Panama City,

25 / de la société Omne Re, société anonyme, dont le siège est 499, avenue Louise, 1050 Bruxelles, Belgique,

26 / de

M. Anicet Baum, demeurant 143/8, avenue Franklin Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, pris en sa q...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Conflans-Sainte-Honorine,

22 / de M. Jacques Leau, demeurant Logis des Broues, 16450 Saint-Claud,

23 / de M. Claude Cervera, demeurant 86, rue du Rocher, 75008 Paris,

24 / de la société New England international Surety - Co Padilla et associates building, dont le siège est 32, East Street, Panama City,

25 / de la société Omne Re, société anonyme, dont le siège est 499, avenue Louise, 1050 Bruxelles, Belgique,

26 / de M. Anicet Baum, demeurant 143/8, avenue Franklin Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, pris en sa qualité de représentant de la société Omne Re,

27 / de M. Alain Bachelot, demeurant 5, rue Mousset Robert, 75012 Paris, pris en sa qualité de liquidateur désigné par la commission bancaire,

défendeurs à la cassation ;

EN PRESENCE DE :

1 / la Société Internationale d'audit et de courtage d'assurances et de Réassurances (SIACAR),

2 / de la Société Internationale de financement d'assurance et de caution (SIFAC),

ayant toutes deux leur siège 27, boulevard Malesherbes, 75008 Paris,

3 / de M. Jean-Claude Pedeboscq, demeurant 3, rue Sainte-Geneviève, 94210 La Varenne Saint-Hilaire,

4 / de la Fédération des industries mécaniques et transformatrices des métaux (FIM), dont le siège est 37-41, rue Louis Blanc, 92038 Paris La Défense,

5 / de M. Jean-Pierre Loustau, demeurant 37-41, rue Louis Blanc, 92038 Paris La Défense,

M. Barbier et le conseil national du commerce, défendeurs au pourvoi principal, ont formé, le premier, un pourvoi principal, le second, un pourvoi provoqué ;

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X..., que sur le pourvoi incident relevé par M. Y..., et le pourvoi provoqué formé par le Conseil national du Commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2000), rendu en matière de référé, qu'à la suite d'un audit ayant fait apparaître des dysfonctionnements et des prises de risques inconsidérées au sein des sociétés Mutua équipement et Mutua services, M. Patrick Y..., directeur général de Mutua équipement, a été révoqué ; que la Commission bancaire, après avoir suspendu les dirigeants de cette société, a désigné un administrateur provisoire ; que des procédures de redressement judiciaire ont été ouvertes à l'encontre des deux sociétés, puis converties en liquidation judiciaire le 16 décembre 1997, M. Z... étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire ; que celui-ci estimant que le passif très important des deux sociétés pouvait trouver son origine dans les nouvelles activités de Mutua équipement exercées à partir de 1995 à l'initiative de M. Y..., sans contrôle sur ses attributions par les dirigeants de droit successifs, a assigné en référé toutes les personnes concernées, dont les administrateurs de Mutua équipement, afin qu'une expertise soit ordonnée sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ; que deux experts se sont vu confier une mission à cet effet par ordonnance du 29 septembre 1998 ; que cependant, M. Z... ayant, par la suite, découvert, qu'à l'époque de conventions suspectes intervenues entre Mutua équipement, la société Sifac, un assureur belge, la société Omne Re, et sa société-mère installée au Panama, la société New England International Surety, d'autres administrateurs que ceux déjà assignés siégeaient au conseil d'administration de Mutua équipement, il les a, à leur tour, assignés, ainsi que les sociétés Omne Re et New England International Surety, afin que l'expertise leur soit rendue opposable et que la mission initialement confiée aux experts soit complétée ; que par ordonnance du 21 janvier 1999, le juge des

référés a dit n'y avoir lieu à référé sur ces demandes, et a renvoyé les parties à se pourvoir au fond, au motif, qu'au vu des pièces présentées il n'était pas possible de déterminer avec certitude la qualité d'administrateur des parties attraites à la procédure, et que les demandes de modification des termes de la mission confiée aux experts ne pouvaient être appréciées qu'au fond ; que la cour d'appel, saisie par M. Z..., a infirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions, a déclaré l'ordonnance du 29 septembre 1998 opposable et commune à quatorze autres anciens administrateurs de Mutua équipement, à la société Omne Re, à la société New England international surety ainsi qu'au liquidateur désigné par la commission bancaire, a étendu la mission des experts et modifé celle-ci ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. X..., qui avait été délégué par la Fédération des industries mécaniques et transformatrices des métaux (FIMTM) pour la représenter au conseil d'administration de la société Mutua équipement, fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la mesure d'instruction "in futurum" fondée sur les dispositions de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le moyen, qu'une mesure d'instruction "in futurum "ne peut être ordonnée si le juge du fond est saisi au fond de l'objet même de l'expertise sollicitée ; qu'ainsi dès lors qu'il était admis par les parties que le juge pénal était saisi au fond par constitution de partie civile de la responsabilité encourue par les dirigeants de la société Mutua équipement en raison d'engagement abusifs pris dans le cadre de la gestion de la société, la cour d'appel ne pouvait ordonner une mesure d'instruction sollicitée sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile visant à apprécier la responsabilité de tout dirigeant de fait ou de droit dans la gestion de la société Mutua équipement ; qu'il en résulte que la cour d'appel en ne répondant pas au moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande en l'état des instances pénales en cours a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et a privé sa décision de tout fondement légal au regard de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en décidant que la Fédération française de la franchise objectait vainement que l'existence d'une information judiciaire ferait obstacle à la mise en oeuvre d'une expertise civile, dès lors qu'il s'agit d'une mesure d'instruction ordonnée en référé et que le principe "le criminel tient le civil en l'état" ne s'applique pas devant le juge des référés, lequel n'est pas saisi au fond et statue à titre provisoire, la cour dappel a, par là même, répondu aux conclusions dont elle était saisie ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir jugé que l'ordonnance de référé du 29 septembre 1998 lui était opposable et commune, alors, selon le moyen :

1 / qu'il avait montré que la responsabilité encourue par la Fédération des industries mécaniques, M. A... et lui-même, dont la mission, en leur qualité de membre du conseil d'administration de la société de caution mutuelle, était limitée au contrôle de l'étendue des engagements pris à l'égard des sociétaires et des dirigeants sociaux, ne pouvait être légalement et statutairement étendue à des engagements pris par des dirigeants à l'insu de la société de caution mutuelle vis-à-vis de personnes non sociétaires, ce qui était pourtant l'objet exclusif de l'expertise sollicitée, si bien qu'en ne recherchant pas, en réfutation de ses conclusions, si l'expertise in futurum pouvait être légitimement utilisée à l'encontre d'un défendeur qui manifestement ne serait pas susceptible d'être mis en cause dans une action principale, d'autant plus qu'il avait démissionné dès qu'il avait eu connaissance des engagements en cause, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et a privé sa décision de tout fondement légal au regard de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en ne recherchant pas si le caractère discriminatoire de la mise en cause, qui, sans motif, excluait les organes spécialement en charge du contrôle de la gestion de la société de caution mutuelle, à savoir les commissaires aux comptes, et l'administrateur désigné par la Commission bancaire, ne privait pas, également, sa mis en cause de motif légitime, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'expertise sollicitée étant une simple mesure d'instruction destinée à conserver ou établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, la cour d'appel, qui a relevé que Mutua équipement semblait ne pas avoir eu un rôle effectif dans la gestion des nouveaux risques assumés par elle à compter de l'année 1995 dans les nouveaux domaines d'activité qu'elle avait abordés à l'instigation de son directeur général, et qui a constaté que les relations entre les différentes sociétés intervenues dans ces nouvelles activités apparaissaient éminemment suspectes, a ainsi légalement justifié sa décision d'étendre aux administrateurs de Mutua équipement à l'époque des faits litigieux la mesure d'expertise déjà ordonnée le 29 septembre 1998 à l'encontre des administrateurs les plus récents de cette société, et ce sans avoir à procéder aux recherches invoquées par chacune des branches du moyen, dès lors qu'en l'état des éléments dont elle disposait la cour d'appel n'était pas en mesure d'apprécier si une éventuelle mise en cause au fond du demandeur au pourvoi était d'ores et déjà vouée à l'échec ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les experts auraient pour mission de rechercher et de donner leur avis sur les conditions dans lesquelles il avait pu délivrer des garanties dépassant les limites statutaires et le règlement intérieur dans les tranches d'activité "garantie financière" "CMI" et "garantie de la loi du 10 juin 1994", alors, selon le moyen, que le juge des référés qui ordonne une expertise afin d'établir, avant tout procès, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, doit seulement rechercher s'il existe un motif légitime d'ordonner cette expertise et n'a pas le pouvoir de trancher préalablement l'une des questions de fond en litige ; qu'en décidant, avant d'ordonner l'expertise qu'il avait accordé des garanties dépassant les limites légales et statutaires, ce qu'il contestait, la cour d'appel a excédé les pouvoirs qu'elle tenait de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile et violé les dispositions de ce texte ;

Mais attendu que, contrairement à ce qu'affirme M. Y..., la cour d'appel n'a pas, avant d'ordonner l'expertise, décidé qu'il avait accordé des garanties dépassant les limites légales et statutaires, mais a rappelé que le point de mission critiqué reposait sur des éléments de fait ayant entraîné sa révocation le 20 janvier 1997, après que ceux-ci eurent été mis à jour par l'audit de la commission bancaire, et a estimé qu'il était pertinent de fournir cette donnée aux experts ; qu'il s'ensuit que le moyen manque par le fait sur lequel il se fonde ;

Sur le premier moyen du pourvoi provoqué :

Attendu que le Conseil national du commerce (CNC) fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré que l'ordonnance de référé du 29 septembre 1998 lui était opposable en tant qu'administrateur de la société Mutua équipement, alors, selon le moyen :

1 / que la charge de la preuve de l'existence du mandat de représentation incombe à celui qui s'en prévaut ; qu'en l'espèce, où la Cour constate expressément qu'aucune preuve n'est rapportée de la désignation de M. B... comme représentant permanent du CNC au sein de la société Mutua équipement, celle-ci qui a retenu sa qualité d'administrateur, a violé l'article 1315 du Code civil et l'article 91 de la loi du 24 juillet 1966 ;

2 / que la qualité d'administrateur d'une personne morale est subordonnée à la désignation d'une personne physique agissant comme son représentant permanent ; qu'en l'espèce, où il a été exactement constaté que M. B... n'avait pas assumé ses fonctions de représentant permanent du CNC à raison de sa participation occasionnelle aux réunions du conseil d'administration de la société Mutua équipement, la Cour, qui a pourtant retenu la qualité d'administrateur du CNC, a violé l'article 91 de la loi du 24 juillet 1966 ;

3 / qu'ayant constaté l'absence de représentation effective de M. B... au sein de la société Mutua équipement, la cour d'appel qui n'a pas recherché si le CNC pouvait être impliqué dans les décisions sociales justifiant la mesure d'instruction ordonnée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ensemble l'article 91 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que le CNC ne pouvait valablement contester avoir eu la qualité d'administrateur de la société Mutua équipement et avoir désigné son directeur général salarié M. B... pour y être son représentant permanent, dès lors qu'à la 12ème résolution de l'assemblée générale ordinaire du 17 mai 1990 de Mutua équipement il est dit que : " L'assemblée générale ordinaire, constatant la démission de M. C... de son poste d'administrateur, nomme en remplacement le Conseil national du commerce représenté par M. B..., pour la durée de son mandat restant à courir soit à l'issue de l'assemblée générale qui statuera sur les comptes de l'exercice 1992 " et que la 16ème résolution de l'assemblée générale ordinaire du 25 mai 1993 a renouvelé pour 5 ans, dans les mêmes termes, ce mandat d'administrateur ; qu'elle a, en outre, relevé qu'il résultait des écritures mêmes de M. B..., comme de la lettre du 16 décembre 1998 qu'il avait adressée au président du tribunal, l'aveu judiciaire explicite de sa participation occasionnelle à certaines réunions du conseil d'administration de Mutua équipement pour y représenter le CNC sur les instructions de cet organisme et sur demande de son président ; qu'elle en a déduit, à bon droit, que la qualité d'administrateur était suffisamment établie à l'égard du CNC, et que la qualité de représentant permanent de celui-ci l'était également à l'égard de M. B..., et ce, sans avoir à procéder à la recherche visée par la troisième branche du moyen, dès lors que la participation occasionnelle d'un administrateur au conseil d'administration auquel il appartient n'est pas de nature à influer sur l'étendue de sa responsabilité ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans méconnaître les dispositions visées par le moyen ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen du pourvoi provoqué :

Attendu que le CNC fait encore grief à l'arrêt d'avoir admis la mesure d'instruction, alors, selon le moyen, qu'une mesure d'instruction "in futurum" ne peut être ordonnée que si le juge du fond n'est pas déjà saisi d'un litige en vue duquel la mesure est sollicitée ; qu'en l'espèce, où il est constant qu'une instruction pénale était en cours pour déterminer la responsabilité des dirigeants sociaux de la société Mutua équipement, la Cour, qui a admis le principe d'une expertise civile ayant un objet identique, a violé l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ensemble l'article 4 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu que le juge des référés peut ordonner une expertise avant tout procès, c'est-à-dire avant que le juge du fond soit saisi du procès en vue duquel l'expertise est sollicitée ; que l'ouverture d'une information afin de déterminer si des infractions pénales ont été commises et d'en rechercher les auteurs ne fait pas obstacle à l'exercice de ce pouvoir ; qu'en statuant comme elle a fait la cour d'appel n'a pas méconnu le sens et la portée des dispositions visées par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal, le pourvoi incident et le pourvoi provoqué ;

Condamne MM. X... et Y... et le CNC aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer à MM. Z... et D..., ès-qualités, la somme globale de 2 250 euros, condamne M. Y... à payer à MM. Z... et D..., ès-qualités, la somme globale de 1 500 euros, condamne le CNC à payer à MM. Z... et D..., ès-qualités, la somme globale de 1 500 euros, et rejette les demandes du CNC et de la Fédération française de la franchise ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-15307
Date de la décision : 18/02/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (14e chambre, section B), 28 janvier 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 fév. 2004, pourvoi n°00-15307


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:00.15307
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