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23/10/2002 | FRANCE | N°02-85618

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 octobre 2002, 02-85618


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Nicolas,

1 ) contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PAU, en date du 7 août 2001, qui, da

ns l'information suivie contre lui du chef de complicité de meurtre, a prononcé sur sa deman...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Nicolas,

1 ) contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PAU, en date du 7 août 2001, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de complicité de meurtre, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;

2 ) contre l'arrêt de la même chambre de l'instruction, en date du 25 juin 2002, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises des PYRENEES-ATLANTIQUES sous l'accusation de complicité de meurtre ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit ;

I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 7 août 2001 :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-7, 122-5 du Code pénal, 80-1, 105, 120, 170, 171, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que le premier arrêt attaqué, en date du 7 août 2001, a rejeté la requête en nullité présentée par Nicolas X..., tirée de la tardiveté de sa mise en examen et a refusé d'annuler la reconstitution en date du 25 avril 2001, la confrontation en date du 26 avril 2001, la mise en examen de Nicolas X... en date du 9 mai 2001, ainsi que la procédure subséquente ;

"aux motifs que si la matérialité de la remise du couteau et du cutter par Nicolas X... est constante, la question qui se pose est de savoir dans quelle intention il a remis ces armes à Hicham Y... (...) ; que pendant l'enquête de flagrance, Hicham Y... affirmait que le couteau et le cutter lui avaient été donnés par Nicolas X... "en cas d'agression pour que je puisse me défendre" ; que confronté à Hicham Y..., Nicolas X... admettait qu'il en avait bien été ainsi ; que, lors de leurs différentes auditions ultérieures effectuées en cours d'information, chacun des deux intéressés maintenait ces mêmes déclarations ; que si les circonstances pendant lesquelles Nicolas X... a remis le couteau et le cutter, constituent un indice grave permettant de penser qu'il avait conscience qu'Hicham Y... allait s'en servir dans des conditions excédant le cadre de la légitime défense, il doit être constaté que ce seul indice n'est pas concordant avec les déclarations de l'un et de l'autre des deux intéressés ;

que, dans ces conditions, l'audition en qualité de témoin de Nicolas X... ne s'est pas effectuée en contradiction avec les dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale ; que de même, sa mise en examen ultérieure n'encourt pas la nullité prévue par l'article 80-1 du même Code ; que Nicolas X... ne peut faire grief au magistrat instructeur d'avoir tardé à procéder à sa mise en examen, dès lors que le dernier alinéa du texte susvisé édicte que le juge d'instruction ne peut procéder à cet acte "que s'il estime ne pas pouvoir requérir à la procédure de témoin assisté" ;

"alors, d'une part, que ne peuvent être entendues comme témoins les personnes à l'encontre desquelles existent des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction est saisi ; qu'il résulte, en l'espèce, des pièces du dossier que, dès le lendemain des faits, le 30 octobre 2000, il était établi que le couteau et le cutter utilisés par Hicham Y... étaient détenus juste avant les faits par Nicolas X... (D. 50, 56) ;

qu'il résulte encore, des pièces du dossier que, dès le 29 novembre 2000, il était démontré que ces armes avaient été remises par Nicolas X... à Hicham Y... juste avant le drame, dans le vestiaire, (D. 186, D. 205, D. 207, D. 213) ; que la chambre de l'instruction relève elle-même que "les circonstances dans lesquelles Nicolas X... a remis le couteau et le cutter constituent un indice grave permettant de penser qu'il avait conscience qu'Hicham Y... allait s'en servir dans des conditions excédant le cadre de la légitime défense" ; qu'il apparaît ainsi, qu'il existait bien avant l'audition de Nicolas X... en qualité de témoin, des indices graves et concordants de la participation de ce dernier, tant sur le plan matériel que sur le plan intentionnel, aux faits de violences dont était saisi le juge d'instruction ; que, dès lors, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

"alors, d'autre part, que la légitime défense constitue une cause d'exonération de la responsabilité pénale qui a vocation à venir justifier l'infraction ou la participation à cette infraction préalablement établie, de sorte que la participation aux faits dont est saisi le juge d'instruction, en ses éléments matériel et intentionnel, ne dépend pas de l'existence ou de l'absence d'un état de légitime défense ; qu'en conséquence, en réservant l'existence d'indices graves et concordants à la démonstration de l'intention de Nicolas X... de donner les armes hors cas de légitime défense, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;

"alors, encore, que la concordance des indices graves ne peut dépendre de la confirmation de ces indices par les déclarations des personnes susceptibles d'être poursuivies ; qu'en exigeant que "l'indice grave" tiré de ce que Nicolas X... "avait conscience qu'Hicham Y... allait se servir des armes dans des conditions excédant le cadre de la légitime défense" concorde avec les déclarations des intéressés, la cour d'appel a violé l'article 105 du Code de procédure pénale ;

"alors, enfin, que le caractère subsidiaire de la mise en examen par rapport au placement sous le statut de témoin assisté n'exonère pas le juge d'instruction de son obligation de ne pas entendre en qualité de témoin la personne à l'encontre de laquelle pèsent des indices graves et concordants ; qu'en relevant que le juge d'instruction ne peut procéder à la mise en examen "que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté", la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Nicolas X..., entendu le 30 octobre 2000 dans le cadre de l'enquête de crime flagrant diligentée à la suite d'une rixe au cours de laquelle une personne a été mortellement blessée par arme blanche, a reconnu avoir remis à l'auteur de ces faits, "pour qu'il puisse se défendre", l'arme qui a servi à les commettre ; qu'il a été mis en examen, le 9 mai 2001, du chef de complicité de meurtre, après avoir participé, en qualité de témoin, à la reconstitution des faits, le 25 avril 2001, ainsi qu'à la confrontation subséquente, le 26 avril 2001 ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité prise de la violation des articles 80-1 et 105 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure, dès lors que, si le juge d'instruction ne peut mettre en examen qu'une personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants, il a la faculté de ne le faire qu'après s'être éclairé, notamment en procédant à l'audition de cette personne en qualité de témoin sur sa participation aux agissements incriminés dans des conditions pouvant engager sa responsabilité pénale ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 25 juin 2002 :

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 121-7, 221-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que le second arrêt attaqué en date du 25 juin 2002, a déclaré qu'il existait des charges suffisantes contre Nicolas X... de s'être rendu complice par aide et assistance de l'homicide volontaire commis par Hicham Y... ;

"aux motifs qu'Hicham Y... ne peut valablement soutenir qu'il était en état de légitime défense ; que le fait de donner des coups de couteau ou de cutter de façon aussi profonde et violente, atteste de l'intention homicide qui était la sienne au moment des faits ;

"alors que, la complicité suppose l'existence d'une infraction principale punissable ; qu'en se bornant à relever "le fait de donner des coups de couteau ou de cutter de façon aussi profonde et violente", sans préciser les circonstances exactes dans lesquelles ces coups ont été portés, et sans établir si des parties vitales du corps avaient été visées et volontairement atteintes, la chambre de l'instruction n'a constaté aucune présomption sérieuse de l'intention homicide et a privé sa décision de base légale" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-3, 121-6, 121-7, 221-1, 222-5, 222-7 du Code pénal, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré qu'il existait des charges suffisantes contre Nicolas X... de s'être rendu complice par aide et assistance de l'homicide volontaire commis par Hicham Y... ;

"aux motifs qu'Hicham Y... ne se trouvait pas directement en danger lorsque Nicolas X... lui a remis les deux armes et, même s'il lui a dit que c'était pour se défendre, Nicolas X... savait pertinemment qu'Hicham Y... les prenait pour retourner volontairement vers le groupe de jeunes fauteurs de troubles ; que, s'il n'était pas certain qu'Hicham Y... se servirait de ces armes pour commettre un homicide, le risque en était néanmoins tout à fait prévisible pour Nicolas X... qui l'a accepté en connaissance de cause ;

"alors, d'une part, que la complicité par aide ou assistance n'est punissable que si cette aide a été apportée sciemment à l'auteur principal dans la réalisation de l'infraction ;

qu'en se bornant à relever que Nicolas X... savait qu'Hicham Y... allait "retourner volontairement vers le groupe de jeunes fauteurs de troubles", sans déterminer qu'Hicham Y... agissait dans l'intention de commettre, sans justification, des violences volontaires à l'encontre de ces fauteurs de trouble, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que le complice n'est responsable que des infractions dont il a voulu ou prévu la réalisation ; qu'en se bornant à relever que "le risque (d'homicide) était tout à fait prévisible", sans établir que la réalisation de l'infraction d'homicide volontaire, à défaut d'avoir été voulue, avait été effectivement prévue par Nicolas X..., la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;

"alors, encore, que le complice n'est responsable que des conséquences directes de son aide ou de son assistance, de sorte que ne peuvent être considérées comme prévisibles que les conséquences directes de l'emploi des moyens fournis par le complice à l'auteur principal des faits ; que seule l'aggravation du dommage et la survenance de la mort de la victime, et non l'intention de donner la mort, sont prévisibles pour celui qui fournit à autrui des armes pour se défendre ; qu'en retenant comme prévisible l'infraction d'homicide volontaire, alors que seule la mort de la victime, constitutive d'une infraction de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, était prévisible, la chambre de l'instruction a violé les textes précités ;

"alors, enfin, qu'en relevant sans autre constatation, que l'infraction d'homicide volontaire était prévisible, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimés suffisantes contre Nicolas X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de complicité de meurtre ;

Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;

Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-85618
Date de la décision : 23/10/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) INSTRUCTION - Témoin - Audition - Audition en qualité de témoin d'une personne avant sa mise en examen - Régularité - Conditions.


Références :

Code de procédure pénale 80-1 et 105

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau, 07 août 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 oct. 2002, pourvoi n°02-85618


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:02.85618
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