AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Buffalo, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 7 janvier 1997 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre), au profit de la société Viquel, société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 novembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Garnier, conseiller rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Garnier, conseiller, les observations de la SCP Parmentier et Didier, avocat de la société Buffalo, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Viquel, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif attaqué (Bordeaux, 7 janvier 1997), qu'à la suite de pourparlers engagés début 1993, la société Buffalo, titulaire de la marque Buffalo, a transmis le 22 avril 1993, deux exemplaires du contrat concédant la licence de cette marque à la société Viquel, qui les lui a retournés signés le 26 avril 1993, sans y apporter de modification ; que la société Viquel ayant demandé une extension de licence, la société Buffalo lui a répondu que le projet de contrat n'avait pas eu de suite, en raison de problèmes rencontrés pour protéger la marque dans les classes de produits concernés ; que la société Viquel a poursuivi judiciairement la société Buffalo en remboursement des frais qu'elle avait engagés et en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que la société Buffalo fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le contrat de concession de licence de marque avait été valablement conclu entre elle et la société Viquel, le 26 avril 1993, alors, selon le moyen :
1 / qu'entre commerçants, une proposition de contracter ne constitue une offre que si elle indique la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation ; qu'en considérant qu'elle s'était liée par une offre ferme en adressant un exemplaire de contrat de licence à la société Viquel accompagné d'une lettre invitant celle-ci à le retourner signé en cas d'accord et de formuler ses observations dans l'hypothèse inverse, sans s'expliquer sur la circonstance que ledit document ne portait pas sa signature, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
2 / qu'entre commerçants, une proposition de contracter ne constitue une offre que si elle indique la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation ; qu'en considérant qu'elle s'était liée par une offre ferme en adressant un exemplaire de contrat de licence à la société Viquel accompagné d'une lettre invitant celle-ci à le retourner signé en cas d'accord et de formuler ses observations dans l'hypothèse inverse, sans s'expliquer sur la circonstance que l'éventualité d'une discussion sur le contenu du contrat démontrait que celui-ci ne pouvait être conclu sans l'agrément final de la société Buffalo, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
3 / qu'entre commerçants, une proposition de contracter ne constitue une offre que si elle indique la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation ; qu'en considérant qu'elle s'était liée par une offre ferme en adressant un exemplaire de contrat de licence à la société Viquel accompagné d'une lettre invitant celle-ci à le retourner signé en cas d'accord et de formuler ses observations dans l'hypothèse inverse, sans rechercher en quoi le fait que la société Viquel avait renvoyé à la société Buffalo les documents signés en invitant celle-ci à les signer ne signifiait pas dans l'esprit des parties, que l'accord final était subordonné à cette formalité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
4 / que les juges ne sauraient, sans les dénaturer donner à des écrits un sens que manifestement ils n'ont pas ; qu'en ajoutant que l'offre était d'autant plus ferme que la société Buffalo ne démontrait pas avoir envoyé à la société Viquel le 5 mai 1993, une lettre par laquelle il était fait part de l'impossibilité de donner une suite favorable au projet, dès lors que la société Viquel affirmait n'avoir jamais reçu cette lettre et que la société Buffalo n'avait jamais réaffirmé cette impossibilité dans les mois suivants, quand, par lettes des 15 et 23 septembre 1993, la société Buffalo rappelait qu'il n'y avait pas lieu de revenir sur sa décision de refus qui était définitive, la cour d'appel qui a dénaturé ces deux lettres, a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'après pourparlers au cours du premier trimestre 1993, la société Buffalo a adressé le 22 avril 1993 à la société Viquel un courrier lui demandant de signer le contrat ou à défaut de lui faire part de ses observations ; que la société Viquel a retourné ce contrat signé, sans formuler d'observation, se bornant à demander à la société Buffalo de lui retourner un exemplaire signé ; qu'il retient que ce document constitue une offre de cession du droit d'exploiter la marque Buffalo pour une durée déterminée, dans un espace délimité et pour un prix convenu, sans condition suspensive concernant l'enregistrement de la marque ; que la cour d'appel, en déduisant de ces constatations et appréciations que le contrat avait été formé dès l'acceptation par la société Viquel de l'offre faite par la société Buffalo, a légalement justifié sa décision, peu important l'absence de signature de la société Buffalo, et la demande de la société Viquel afférente à l'envoi d'un exemplaire du contrat signé par la société Buffalo, laquelle n'était assortie d'aucune restriction ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant constaté la formation du contrat par l'acceptation par la société Viquel de l'offre émise sans restriction par la société Buffalo, ce dont il résultait que cette société ne pouvait, après cette date rétracter l'offre, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant critiqué à la dernière branche, a pu statuer comme elle a fait ;
D'où il suit que le moyen qui n'est pas fondé en ses trois premières branches, ne peut être accueilli en sa dernière branche ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Buffalo reproche encore à l'arrêt sa condamnation aux paiements de frais exposés en exécution du prétendu contrat, alors, selon le moyen, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en la condamnant à payer à la société Viquel la somme de 70 366 francs HT au titre des frais, dès lors que cette somme devait être retenue "compte-tenu des justificatifs produits" sans s'expliquer sur ces justificatifs, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, dès lors que la société Buffalo ne contestait ni l'existence, ni le montant des frais engagés par la société Viquel, se bornant à soutenir que celle-ci était seule responsable de son préjudice, la cour d'appel qui a écarté un certain nombre de frais non justifiés, n'avait pas à s'expliquer autrement qu'elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Buffalo fait enfin grief à l'arrêt de sa condamnation à dommages-intérêts, alors selon le moyen, que la réparation du préjudice est à la mesure du dommage ; qu'en la condamnant pour la perte de marge bénéficiaire que la société Viquel n'a pu réaliser sur la vente des produits marqués "Buffalo", tout en relevant qu'aucune vente ne pouvait être entreprise dès lors que la société Viquel n'avait jamais obtenu l'agrément desdits produits, préalable nécessaire à la vente, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1149 du Code civil ;
Mais attendu, que sous couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le pourvoi ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation souveraine des juges du fond sur l'existence et le montant du préjudice ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Buffalo aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Buffalo à payer à la société Viquel la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille deux.