AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize septembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, la société civile professionnelle MONOD-COLIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Paul, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-en-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 21 juin 1999, qui a relaxé Y... Jean-Claude et Z... Jean-Claude, du chef d' atteinte à la liberté des funérailles, et l'a condamné à verser à chacun d'eux des dommages-intérêts au titre de l'article 472 du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 433-21-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, de l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Jean-Claude Y..., préfet des Alpes de Haute Provence, et monsieur Z..., sous-préfet de Castellane, des fins de la poursuite du chef d'atteinte à la liberté des funérailles ;
"alors, d'une part, que le refus du préfet d'autoriser l'inhumation de Gilbert X... sur le site du Mandarom n'empêchait pas que soit célébrée sur ce site une cérémonie religieuse, avant l'inhumation du défunt au cimetière Castellane et en présence de sa dépouille mortelle ; qu'il n'y avait donc aucune contradiction de la part de Jean-Paul X... à soutenir, dans ses conclusions d'appel, que si ce refus relevait de la censure du seul tribunal administratif, Ies prévenus, en interdisant au convoi funéraire de se rendre sur le site du Mandarom et en ordonnant qu'il soit conduit directement au cimetière, avaient empêché la tenue de la célébration voulue par le défunt ; qu'en retenant que Ies conclusions de la partie civile étaient sur ce point contradictoires, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Jean-Paul X... ;
"et alors, d'autre part, que l'obligation d'inhumer Gilbert X... le mars 1998 n'empêchait pas la tenue d'une cérémonie religieuse le jour même sur le site du Mandarom ; que, comme l'a constaté la cour d'appel, le convoi funéraire avait été intercepté à l'entrée de ce site le 26 mars, et conduit directement au cimetière sous escorte policière ; qu'en retenant que le transport du corps n'avait été autorisé que pour le trajet Grasse-Castellane, que la décision du préfet d'ordonner l'inhumation, qui devait avoir lieu au plus tard le 26 mars 1998 eu égard à la date du décès, ne concernait pas les cérémonies, que le sous-préfet n'avait fait que se conformer à cet arrêté, et que des cérémonies avaient eu lieu les 21, 22 et 23 mars, ainsi que pendant le transport du corps, sans rechercher si, comme le soutenait Gilbert X... dans ses conclusion d'appel, le respect de la volonté du défunt, fondée sur les convictions religieuse qui étaient les siennes, imposait qu'une cérémonie soit célébrée sur le site du Mandarom avant la conduite du corps au cimetière, ce qui n'était nullement incompatible avec les arrêtés intervenus, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, pour relaxer les prévenus, l'arrêt attaqué retient notamment, par motifs propres et adoptés, que le défunt n'avait en aucune façon exprimé sa volonté quant à l'organisation de ses funérailles ;
Attendu qu'ainsi, la cour d'appel a souverainement apprécié que l'élément matériel du délit prévu par l'article 433-21-1 du Code pénal n'était pas constitué ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 470, 472 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-Paul X... à payer à messieurs Y... et Z... la somme de 25 000 francs chacun à titre de dommages-intérêts,
"aux motifs que la partie civile en citant les prévenus devant le tribunal correctionnel, a agi de manière manifestement téméraire cherchant à l'évidence par ce biais à trouver une nouvelle tribune et un moyen pour motiver et mobiliser les adeptes d'une secte présentée par ces derniers comme victime de la bureaucratie et d'un racisme "spirituel" ; que la faute ainsi commise en saisissant la juridiction répressive justifie la confirmation des sommes accordées à chaque partie civile ;
"alors que le seul fait, à le supposer établi, que Paul X... ait cherché à mobiliser la communauté du Mandarom autour de l'action intentée contre Jean-Claude Y... et Jean-Claude Z... ne signifie pas que cette action était en elle-même téméraire ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'interception du convoi funéraire de Gilbert X..., le 26 mars 1998, à son entrée sur le site du Mandarom, et sa conduite sous escorte policière au cimetière, ne justifiait pas la saisine du tribunal correctionnel pour atteinte à la liberté des funérailles, indépendamment des circonstances ayant entouré cette saisine, la cour d'appeI n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, pour condamner Jean-Paul X..., partie civile, à des dommages-intérêts, en application de l'article 472 du Code de procédure pénale, envers les prévenus relaxés, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, les juges, qui ont relevé à la charge de la partie civile des faits de nature à constituer une faute distincte du simple exercice de son droit d'agir en justice selon les procédures légales, ont justifié leur décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Pelletier conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;