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29/06/1999 | FRANCE | N°98-82520

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 juin 1999, 98-82520


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Franck, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 30 janvier 1998, qui, dans la procédure suivie contre François X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mai 1999 où étaient présents dans la formation

prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez prés...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Franck, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 30 janvier 1998, qui, dans la procédure suivie contre François X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mai 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Ruyssen conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

Sur le rapport de M. le conseiller RUYSSEN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1351 et 1382 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la chose jugée, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné François X... à payer à Franck Y... la somme de 2 000 000 francs à titre de complément de dommages-intérêts pour son préjudice corporel ;

"aux motifs que compte tenu du caractère définitif du jugement du 16 février 1994 qui a autorité de chose jugée, quel qu'en soit le mérite sur ce point, il convient d'examiner en quoi l'indemnisation de l'incapacité permanente partielle dont Franck Y... reste atteint, définition exacte de l'atteinte à sa capacité de gain résultant des conséquences de ses blessures, doit être majorée en raison des éléments concrets établissant une diminution de ses revenus non prise en compte par l'indemnisation précédente ; qu'à cet égard, la Cour retenant que ces gains et salaires provenaient essentiellement d'une activité de directeur d'une société familiale de "commissaire aux avaries", c'est-à-dire d'expert chargé d'évaluer notamment les avaries subies en mer par les marchandises transportées, a ordonné par son précédent arrêt la production des documents fiscaux de nature à permettre d'évaluer la perte de revenus salariaux proprement dits par rapport aux éventuels revenus des parts sociales dont Franck Y... a hérité de son père, ceci dans la mesure où compte tenu de la nature familiale de la société la distinction entre salaires et dividendes, ne dépendant que des choix de gestion du chef d'entreprise, a un autre sens que fiscal ; que la demande de Franck Y... n'est pas pertinente en son mode de calcul, dès lors que l'exercice d'une activité privée quasi indépendante dans un contexte économique et politique fragile comme l'ont montré les événements de l'été 1997 au Congo ne saurait être

assimilé à l'exercice d'une activité de fonctionnaire en France métropolitaine, elle-même encore soumise aux aléas des différents accidents de la vie ; il ne s'agit donc au mieux que de la perte de chance de conserver une situation par ailleurs exceptionnelle pour un jeune homme de son âge ; que Franck Y... produit une série de documents et d'attestations d'entreprises congolaises établissant que, contrairement à ce qui est soutenu par François X... et par la MATMUT, les fonctions qui étaient les siennes au sein de la société ont été remplies successivement et effectivement par deux autres personnes ; il justifie également de la réalité et des échecs de sa recherche d'emploi en France métropolitaine depuis 1994 ainsi que de son inscription à l'ANPE et aux ASSEDIC sans perception d'allocation depuis la même date ; Franck Y... justifie par son bulletin de salaire de la perception mensuelle avant les faits de la cause d'environ 2,1 millions de francs CFA, soit environ 42 à 43 000 francs par mois net d'impôt sur le revenu prélevé à la source d'après le bulletin de juillet 1991 produit ; né en 1966, il est père de deux enfants ; qu'il résulte de ce qui précède que le complément d'indemnisation accordé par le tribunal sera confirmé en son principe, mais réduit pour tenir compte du caractère nécessairement non absolument certain de cette situation, comme l'ont d'ailleurs démontré les événements de 1997 à Brazzaville ;

"alors qu'une juridiction statuant sur la seule évaluation du dommage éprouvé par la victime d'une infraction, dommage dont l'étendue a été déterminée par une décision antérieure devenue définitive, ne peut, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, écarter, même partiellement, le principe de sa réparation et que le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Gap le 16 février 1994 ayant définitivement constaté le caractère certain du préjudice subi par Franck Y..., victime du délit de blessures involontaires, du fait de l'impossibilité pour lui de reprendre son activité de Commissaire aux avaries, ne pouvait légalement réduire le complément d'indemnisation dont le principe avait été reconnu par cette décision en se référant "au caractère nécessairement non absolument certain de cette situation" ;

"alors que la réparation du préjudice direct et certain de la victime d'une infraction doit être intégrale ; que l'élément de préjudice constitué par la perte d'une chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet de l'infraction, de la probabilité d'un événement favorable - encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine - et que dès lors, en réduisant le complément d'indemnisation dû à Franck Y... en raison "du caractère nécessairement non absolument certain" de la perte d'une chance dont elle constatait la réalité, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale du préjudice résultant d'une infraction ;

"alors que l'arrêt qui constatait expressément que Franck Y... justifiait avoir été remplacé dans les fonctions de Commissaire aux avaries qui étaient les siennes au sein de la société successivement par deux autres personnes, ce qui impliquait nécessairement qu'il aurait lui-même, s'il n'avait pas été victime de l'accident de la circulation dont la responsabilité incombait pour les 3/5èmes à François X..., exercé ces fonctions à la date où a été rendue la décision attaquée, ne pouvait, sans contradiction, faire état de ce que les événements de 1997 à Brazzaville démontraient le caractère nécessairement non absolument certain de cette situation" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1351 et 1382 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de Franck Y... relative au remboursement des frais de renouvellement de son appareillage ;

"au motif que les frais nouveaux d'appareillage sont, par définition de la notion d'indemnisation, compris dans celle précédemment réalisée, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une rechute ou d'une aggravation, mais de l'évolution normale de l'état de santé de Franck Y... ;

"alors qu'une juridiction statuant sur la seule évaluation du dommage éprouvé par la victime d'une infraction, dommage dont l'étendue a été déterminée par une décision antérieure, devenue définitive, ne peut, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, écarter, même partiellement, le principe de sa réparation et que le jugement du tribunal correctionnel de Gap en date du 16 février 1994 ayant définitivement reconnu le droit de Franck Y... à être indemnisé des frais restant à sa charge lors du renouvellement de sa prothèse, lui ayant réservé son droit à cet égard, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître le principe susvisé, refuser de faire droit à sa demande" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de Franck Y... tendant à l'indemnisation de ses frais de déménagement et de réinstallation en France ;

"au motif que les frais de déménagement et de réinstallation en France ne sont pas, au point de vue juridique, la conséquence directe de l'infraction pénale retenue à la charge de François X... ;

"alors que dans ses conclusions régulièrement déposées, Franck Y... faisait valoir que sa décision de revenir en France, antérieure à son divorce, n'avait été prise que par l'impossibilité de trouver au Congo une activité professionnelle conforme à son handicap, qu'elle n'avait rien à voir avec son divorce et que l'expert judiciaire avait lui-même indiqué dans son rapport déposé en février 1983 qu'il allait être amené à envisager un retour en France, les possibilités de réinsertion au Congo étant inexistantes et qu'en omettant de s'expliquer sur ces chefs péremptoires de conclusions, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour Franck Y... de l'atteinte à son intégrité physique, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-82520
Date de la décision : 29/06/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, 30 janvier 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 jui. 1999, pourvoi n°98-82520


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.82520
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