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28/01/1999 | FRANCE | N°97-14714

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 janvier 1999, 97-14714


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Régie nationale des usines Renault, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 11 mars 1997 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale, section sécurité sociale), au profit :

1 / de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Havre, dont le siège est ...,

2 / de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales de Haute-Normandie, do

nt le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Régie nationale des usines Renault, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 11 mars 1997 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale, section sécurité sociale), au profit :

1 / de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Havre, dont le siège est ...,

2 / de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales de Haute-Normandie, dont le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 26 novembre 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Thavaud, conseiller rapporteur, MM. Favard, Gougé, Ollier, Mme Ramoff, M. Dupuis, conseillers, MM. Petit, Liffran, Mme Guilguet-Pauthe, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Thavaud, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la Régie nationale des usines Renault, de Me Brouchot, avocat de l'URSSAF du Havre, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 1990 à 1992, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations dues par la Régie nationale des usines Renault, au titre de son établissement de Sandouville, d'une part, les primes versées à ses salariés en vertu des accords d'intéressement du 9 mars 1988 et du 9 mai 1990, d'autre part, les primes versées par un groupement d'intérêt économique, dont fait partie la Régie Renault, aux salariés proposant des innovations techniques ; que la cour d'appel (Rouen, 11 mars 1997) a débouté l'employeur de son recours ;

Sur le premier moyen pris en ses trois branches :

Attendu que la Régie nationale des usines Renault fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen, d'une part, que le silence gardé par l'URSSAF lors d'un précédent contrôle concernant une pratique de l'entreprise dont elle a nécessairement eu connaissance vaut décision implicite d'admettre sa régularité; que faute d'une décision expresse contraire notifiée à l'employeur, cette décision implicite peut valablement être opposée à l'URSSAF lors des contrôles ultérieurs ;

qu'en l'espèce, il est constant que lors du précédent contrôle de l'établissement de Sandouville ayant donné lieu aux observations du 17 février 1989, le contrôleur a procédé à un redressement sur les sommes versées aux salariés en 1988, en application de l'accord d'intéressement du 9 mars 1988 en se fondant expressément et exclusivement sur une prétendue atteinte au caractère collectif de l'intéressement, celui-ci tenant compte tant du coefficient hiérarchique que de l'ancienneté des salariés ; qu'il n'a pas mis en cause la régularité de l'accord d'intéressement au regard de la prohibition posée par l'article 4, alinéa 2 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 ; que le silence gardé en toute connaissance de cause par l'URSSAF sur ce point valait décision implicite d'admettre la régularité de l'accord au regard du texte précité ; que si, par la suite, dans un second communiqué d'observations du 17 juillet 1989, relatif au même contrôle, l'URSSAF a indiqué qu'elle allait interroger la direction départementale du travail et de l'emploi afin de vérifier la conformité de l'accord d'intéressement de la Régie Renault avec les dispositions législatives et réglementaires, cette réserve, qui n'a eu aucune suite, ne mettait pas en doute la régularité de l'intéressement au regard du même texte ; que, dans ses conclusions d'appel, la régie Renault avait expressément invoqué et étayé en fait et en droit le moyen tiré de la décision implicite de l'URSSAF ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir énoncé qu'il résultait de la communication du 17 juillet 1989 que l'URSSAF n'avait pas renoncé au redressement envisagé mais simplement sursis à sa mise en recouvrement, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard du principe ci-dessus rappelé ; alors, d'autre part et subsidiairement, que tant dans le communiqué d'observations du 17 juillet 1989 relatif au même contrôle que dans le communiqué du 17 février 1989, l'URSSAF a indiqué qu'elle allait interroger la direction départementale du travail et de l'emploi afin de vérifier la conformité de l'accord d'intéressement de la Régie Renault avec les dispositions législatives et réglementaires ; que cependant cette réserve, qui n'a eu aucune suite, ne mettait pas en doute la régularité de l'intéressement au regard de l'article 4, alinéa 2 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 ; qu'elle ne pouvait par conséquent concerner que le caractère collectif de l'intéressement précédemment mis en cause dans le communiqué du 17 février 1989 et non les autres aspects de l'accord implicitement mais nécessairement approuvés par le contrôleur ; que cette réserve n'avait donc porté aucune atteinte à la décision implicite résultant du rapport du 17 février 1989 d'admettre la régularité de l'accord du 9 mars 1988 au regard de l'article 4, alinéa 2 de l'ordonnance précitée ; qu'en se fondant

sur les seules observations du 17 juillet 1989 pour dénier toute portée à cette décision implicite, sans constater que ce rapport avait précisément mis en cause la régularité de l'accord au regard de l'article 4, alinéa 2 de la même ordonnance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cette disposition légale et du principe de l'opposabilité à une URSSAF de ses décisions antérieures ; alors, enfin, qu'il résulte de l'article L. 244-3 du Code de la sécurité sociale que les sommes dues au titre des cotisations sociales se prescrivent par trois ans ; que, dans ses conclusions d'appel, la Régie Renault avait fait valoir, sans être contredite, que les observations que lui avait adressées l'URSSAF les 17 février et 17 juillet 1989 concernant l'accord d'intéressement du 9 mars 1988 n'avaient eu aucune suite et qu'aucune mise en demeure n'avait été notifiée au titre de l'intéressement ; que les cotisations sociales que la Régie Renault aurait pu devoir en raison des sommes versées aux salariés au titre de l'intéressement à la suite du contrôle intervenu en 1988 étaient donc prescrites depuis 1991 ; qu'en affirmant, néanmoins, que l'URSSAF n'avait pas renoncé au redressement envisagé à la suite de ce contrôle, mais simplement sursis à sa mise en recouvrement à l'encontre de l'employeur, sans avoir constaté que les observations faites par l'URSSAF en 1989, avaient bien donné lieu à une mise en demeure conservatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de l'opposabilité à l'URSSAF de ses décisions implicites prises en connaissance de cause et de l'article L. 244-3 du Code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'après avoir à bon droit énoncé que le silence observé par l'URSSAF lors d'un précédent contrôle ne suffit pas à constituer un accord implicite de celle-ci la liant jusqu'à la notification d'une décision contraire, l'arrêt attaqué retient qu'il appartient à l'employeur d'établir l'existence d'un accord antérieur de l'organisme de recouvrement de nature à faire obstacle au caractère rétroactif du redressement ; qu'ayant constaté qu'à la suite des anomalies relevées lors du contrôle de 1988, l'URSSAF avait fait connaître à la Régie Renault sa décision de consulter le Directeur départemental du travail et de la main d'oeuvre sur la conformité de l'accord d'intéressement, ce qui ne suffisait pas à exclure que la pratique litigieuse ait été alors approuvée implicitement et en connaissance de cause, la cour d'appel a exactement décidé que la Régie Renault n'établissait pas l'existence d'un accord antérieur de l'URSSAF s'opposant au recouvrement ;

Et attendu qu'il ne résulte ni de la procédure, ni de la décision attaquée que la Régie Renault ait soutenu devant les juges du fond que la demande de cotisations formée par l'URSSAF au titre de l'accord d'intéressement du 9 mars 1988 était prescrite ;

D'où il suit que le moyen est mal fondé en ses deux premières branches et que nouveau, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable en sa dernière branche ;

Sur le deuxième moyen pris en ses trois branches :

Attendu que l'URSSAF fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, d'une part, qu'à peine d'instaurer une pénalité non prévue par la loi, seule doit être réintégrée dans l'assiette des cotisations sociales la fraction des sommes versées au titre de l'intéressement qui est venue se substituer à un élément de salaire en vigueur dans l'entreprise ; que dans ses conclusions d'appel, la Régie Renault avait fait valoir à titre subsidiaire que seule la partie des sommes versées au titre de l'intéressement, correspondant à la différence entre les primes exceptionnelles supprimées et les nouvelles allocations, d'un montant légèrement inférieur, devait être réintégrée dans l'assiette des cotisations sociales ; qu'en refusant de juger que le redressement litigieux devait être limité dans cette mesure, la cour d'appel a violé les articles 2 et 4 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 ; alors, d'autre part et subsidiairement, que si l'article 4 de l'ordonnance précitée doit s'interpréter comme prescrivant la réintégration de la totalité des sommes versées au titre de l'intéressement et non de la seule part de celui-ci qui est venue se substituer à un élément de salaire, il instaure alors une sanction ayant le caractère d'une punition pour l'entreprise ; qu'en effet, cette sanction va au-delà du seul rétablissement des cotisations sociales qui auraient été dues si la substitution prohibée n'avait pas eu lieu et ne se limite donc pas à la réparation du préjudice subi par l'URSSAF ;

qu'une telle punition automatique dans son application comme dans ses effets n'est pas conforme à l'article 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisqu'elle n'ouvre pas la possibilité au juge de se prononcer tant sur son principe que sur son montant ; que la cour d'appel se devait donc d'en écarter l'application, au moins dans cette mesure ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte précité ; alors, enfin, que les circulaires sont de simples instructions administratives dénuées de toute valeur légale ; que la cour d'appel a jugé que, comme celles versées en application de l'accord d'intéressement du 9 mars 1988, entré en vigueur le 1er janvier 1987, les sommes versées au titre de l'intéressement des salariés en application de l'accord du 9 mai 1990, entré en vigueur le 1er janvier 1990, était venues se substituer aux primes exceptionnelles supprimées à compter du 31 décembre 1987, dès lors que l'accord du 9 mai 1990 avait pris effet moins de trois ans après la suppression des primes litigieuses ; qu'en statuant ainsi sur le seul fondement d'une circulaire ACOSS 89-41 du 31 mai 1989, dénuée de toute portée juridique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 ;

Mais attendu que l'arrêt énonce justement que pour bénéficier de l'exonération de cotisations prévue par l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986, les sommes versées au titre de l'intéressement ne peuvent se substituer, même partiellement, à aucun des éléments de salaire en vigueur dans l'entreprise ou qui deviendraient obligatoires en raison des règles légales ou conventionnelles ; qu'ayant fait ainsi ressortir que la réintégration dans l'assiette des cotisations de la totalité des primes litigieuses ne constituait pas l'application d'une pénalité mais qu'elle résultait de ce que les conditions de l'exonération n'étaient pas remplies, la cour d'appel en a exactement déduit que le redressement ne pouvait être limité aux seules sommes excédant le montant des anciennes primes ; qu'abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la dernière branche du moyen, elle a légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la Régie Renault fait enfin grief à l'arrêt d'avoir réintégré dans l'assiette des cotisations les sommes versées par le groupement d'intérêt économique IDIAL aux salariés de la Régie Renault auteurs de suggestions et d'inventions pouvant être utilement exploitées, alors, selon le moyen, qu'elles sont la contrepartie d'une activité de création s'exerçant en dehors du temps de travail et indépendamment de toute obligation contractuelle ; que ces primes ne sont allouées qu'aux salariés dont les inventions et suggestions ont un impact économique et peuvent donner lieu à des droits intellectuels ou industriels ; qu'en retenant néanmoins que les primes en cause étaient indissociables des occupations professionnelles des salariés concernés et qu'elles étaient donc allouées en contrepartie ou à l'occasion du travail, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que l'arrêt relève que les suggestions émises par les salariés sont transmises au bureau des méthodes de l'usine par le groupement d'intérêt économique dont le président est un représentant de la Régie Renault ; qu'il énonce encore que c'est cet employeur qui assume définitivement la charge de la prime après en avoir fixé le montant et qui exploite les droits intellectuels et industriels sur les suggestions ainsi émises ; que la cour d'appel en a exactement déduit que même si l'activité litigieuse s'exerçait indépendamment de toute obligation contractuelle et en dehors du temps de travail, elle était indissociable des occupations professionnelles des salariés, de sorte que les sommes qui leur étaient allouées l'étaient en contrepartie ou à l'occasion du travail, au sens de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Régie nationale des usines Renault aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Régie nationale des usines Renault à payer à l'URSSAF du Havre la somme de 15 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 97-14714
Date de la décision : 28/01/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Calcul - Accord de la Caisse résultant de son silence lors d'un contrôle (non).

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Exonération - Primes d'intéressement.


Références :

Code civil 1134
Code de la sécurité sociale L242-1
Ordonnance 86-1134 du 21 octobre 1986 art. 4

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen (chambre sociale, section sécurité sociale), 11 mars 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 jan. 1999, pourvoi n°97-14714


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GELINEAU-LARRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.14714
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