AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la compagnie Royal Air Maroc, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 septembre 1996 par la cour d'appel de Paris (18e Chambre, Section E), au profit de M. X...
Y..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 novembre 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, M. Texier, conseiller, Mme Bourgeot, M. Richard de la Tour, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les observations de Me Luc-Thaler, avocat de la compagnie Royal Air Maroc, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Y..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. Y..., engagé par la compagnie Royal Air Maroc le 15 mars 1971, a été affecté, en septembre 1996, à l'aéroport d'Orly pour exercer, au service de la compagnie, les fonctions de responsable du fret ; qu'il a été licencié le 17 juillet 1997, pour faute grave ; que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de demandes liées à la rupture de son contrat de travail ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 5 septembre 1996) d'avoir décidé que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, alors, selon le moyen, que, d'une part, manque à son obligation de loyauté et commet une faute grave le salarié qui, à l'insu de son employeur et en violation des dispositions expresses d'une réglementation applicable à l'ensemble du personnel de l'entreprise utilise les truchements de son épouse et de sa belle-mère pour créer une société à laquelle il pouvait, de par ses fonctions salariales au sein de la compagnie Royal Air Maroc, assurer des affaires importantes et rémunératrices au préjudice d'autres sociétés habituellement en relation avec son employeur ; qu'en constatant la réalité des faits reprochés au salarié qu'elle qualifie elle-même de déloyauté dans l'exécution du contrat de travail, mais en refusant d'en tirer les conséquences et de reconnaître que ces faits étaient constitutifs d'une faute grave, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail ;
alors, d'autre part, que l'existence d'une faute grave ne nécessite pas la preuve d'un préjudice subi par l'employeur ; qu'en refusant de reconnaître au comportement de M. Y... le caractère d'une faute grave au motif que ces faits n'auraient causé à l'entreprise aucun préjudice financier, la cour d'appel a donc violé les articles L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail ; alors, enfin, que si la faute grave suppose un comportement d'une gravité telle qu'il rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis, il n'incombe cependant pas à l'employeur de rapporter la preuve de ce que le salarié n'aurait pu exécuter le préavis sans dommage pour l'entreprise ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu à nouveau les dispositions des articles L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a pu décider que, eu égard à son ancienneté dans l'entreprise, la faute du salarié n'était pas, en elle-même, d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que, par ce seul motif, sa décision est légalement justifiée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la compagnie Royal Air Maroc aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.