AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société SMCF, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 avril 1996 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section C), au profit de M. Alfred X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 juillet 1998, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Ransac, conseiller rapporteur, M. Bouret, conseiller, Mme Barberot, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ransac, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société SMCF, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que, par arrêt rendu le 21 juillet 1995, la cour d'appel de Paris, statuant en matière de référé, a, dans l'attente de la décision des juges du fond, ordonné à la société SMCF, qui avait rompu le contrat de travail de M. X..., salarié protégé, de le réintégrer immédiatement dans l'entreprise et de lui payer son salaire aux échéances normales ;
Attendu que la société SMCF fait grief à l'arrêt interprétatif attaqué (Paris, 5 avril 1996) d'avoir décidé que la cour d'appel avait entendu, dans son précédent arrêt, ordonner la réintégration de M. X... dans le poste de chaudronnier P3 qu'il occupait au Centre d'études atomiques de Limeil-Brevannes depuis l'embauche jusqu'à la rupture, alors, selon le moyen, que les juges, saisis d'une requête en interprétation d'une précédente décision, même rendue en référé, ne peuvent, sous le prétexte d'en déterminer le sens, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci ; que, dans son arrêt du 21 juillet 1995, la cour d'appel avait seulement ordonné à la SMCF "la réintégration immédiate de M. X... dans l'entreprise" et le paiement de son salaire aux échéances normales ; que la cour d'appel a décidé qu'elle avait ainsi entendu ordonner la réintégration de M. X... au poste de travail qu'il occupait temporairement au CEA au moment de la rupture, à la suite de sa mise à la disposition de cette société par son employeur la SMCF, sauf accord de celui-ci pour être affecté à un autre poste ; qu'elle a ainsi interprété l'arrêt comme ayant ordonné à la SMCF de réintégrer son salarié au sein d'une entreprise tierce qui n'a jamais été mise en cause dans la procédure ; que la cour d'appel a donc, sous couvert d'interprétation, modifié l'obligation de réintégration mise à la charge de la SMCF par l'arrêt du 21 juillet 1995 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 461 et 488 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la mesure de remise en état ordonnée par la décision interprétée pour faire cesser le trouble manifestement illicite causé par la rupture irrégulière du contrat de travail d'un salarié protégé implique la réintégration de celui-ci non seulement dans l'emploi mais aussi dans le poste où il était précédemment affecté ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SMCF aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.