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30/09/1998 | FRANCE | N°98-81951

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 septembre 1998, 98-81951


REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, du 25 mars 1997, qui, dans l'information suivie contre lui pour violation du secret professionnel, a rejeté sa requête en nullité de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que X..., avocat au barreau de Paris, a assuré la défense de Y..., mineur de plus de 16 ans, dans l'info

rmation suivie contre celui-ci, pour assassinats, au cabinet du juge d'instructio...

REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, du 25 mars 1997, qui, dans l'information suivie contre lui pour violation du secret professionnel, a rejeté sa requête en nullité de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que X..., avocat au barreau de Paris, a assuré la défense de Y..., mineur de plus de 16 ans, dans l'information suivie contre celui-ci, pour assassinats, au cabinet du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Versailles ;
Qu'au cours de l'information et en application des dispositions des articles 100 et suivants du Code de procédure pénale, le juge d'instruction a prescrit le placement sur écoutes de la ligne téléphonique attribuée à Z..., à Courbevoie ; que celle-ci avait occasionnellement assisté, en qualité d'interprète, la mère du mineur, son amie, devant le magistrat instructeur au début de la procédure ;
Qu'à la suite de la retranscription des conversations téléphoniques interceptées entre Z... et X..., une information a été ouverte par le procureur de la République de Versailles contre l'avocat pour violation du secret professionnel ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-13 du Code pénal, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, 4-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, 6.1 et 6.3.e de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 11, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des principes généraux du droit, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête de X... tendant à la nullité des procès-verbaux comportant la transcription des conversations intervenues entre lui-même et Z... ;
" aux motifs que le requérant soutient que les retranscriptions des conversations téléphoniques interceptées portant sur des conversations entre A..., mère du mineur mis en examen et leur avocat commun, dont Z... n'aurait été que l'interprète, auraient été effectuées en violation des dispositions de l'article 66-5 de la loi du 21 décembre 1971 qui prescrit la liberté de communication entre l'avocat et son client ; que la liberté de communication entre l'avocat et son client, qui entraîne l'interdiction d'intercepter les correspondances ou les communications téléphoniques qu'ils échangent, ne fait pas obstacle à ce que le juge d'instruction, après avoir placé sous écoutes téléphoniques le domicile d'un proche d'une personne mise en examen, intercepte les communications de ce dernier avec l'avocat de cette personne, dès lors que lesdites communications ont été enregistrées régulièrement sans artifice ni stratagème ;
" 1o alors que, le principe de la libre défense commande de respecter de manière absolue les communications confidentielles des avocats avec leurs clients ; que, dès lors qu'un avocat est chargé de la défense d'un mineur, ses représentants légaux ont, comme celui-ci, la qualité de clients en application de l'article 4-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 ; qu'il en résulte que leurs communications y compris dans le cas où elles s'exercent par le truchement d'un interprète à l'assistance duquel ils ont droit aux termes de l'article 6.3.e de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lorsqu'ils ne comprennent pas suffisamment la langue française ne peuvent être interceptées ; que, dans son mémoire régulièrement déposé devant la chambre d'accusation, X... faisait valoir que A..., mère de Y..., mineur au moment des faits, était sa cliente ; que celle-ci ne comprenant que le russe avait recours habituellement à une interprète, Z... à la connaissance du magistrat instructeur qui avait, à plusieurs reprises, eu recours à son assistance et que, dès lors, l'interception des conversations téléphoniques entre lui-même et Z..., interprète de sa cliente, devait être sanctionnée par la nullité des procès-verbaux de retranscription ; qu'en cet état, la chambre d'accusation qui, sans répondre à cette argumentation mais sans contester la qualité et la fonction d'interprète de Z..., a cru pouvoir refuser d'annuler les procès-verbaux de retranscription des interceptions en cause en se bornant à faire état de la qualité prétendue de "proche du mis en examen" de Z..., a privé sa décision de base légale au regard des principes et des textes susvisés ;
" 2o Alors que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer, par l'examen de la procédure criminelle suivie à Versailles contre Y..., que Z... est bien intervenue au cours de cette procédure, à l'initiative même du magistrat instructeur, comme interprète de A... ;
" 3o Alors que, dans son mémoire régulièrement déposé devant la chambre d'accusation, Me X... faisait valoir que les conversations interceptées concernaient l'exercice des droits de la défense et qu'en omettant de s'expliquer sur ce chef péremptoire du mémoire du demandeur, l'arrêt attaqué a méconnu les dispositions impératives de l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que X... a saisi la chambre d'accusation d'une requête en nullité des procès-verbaux de retranscription en faisant valoir que les interceptions, portant sur des discussions intervenues entre la représentante légale du mineur, de nationalité russe, et leur avocat commun, dont Z... ne faisait, selon le demandeur, que traduire les propos, auraient eu lieu en violation des dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, qui prescrit la liberté de communication entre l'avocat et son client ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à annulation, la chambre d'accusation, après avoir relevé que les écoutes avaient été réalisées régulièrement, sans artifice ni stratagème, énonce que la liberté de communication entre l'avocat et son client, qui entraîne l'interdiction d'intercepter les correspondances ou les communications téléphoniques qu'ils échangent, ne fait pas obstacle à ce que le juge d'instruction, après avoir placé sous écoute téléphonique le domicile d'un proche d'une personne mise en examen, intercepte les communications de ce dernier avec l'avocat de cette personne ;
Qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation, qui a souverainement estimé que les communications interceptées étaient étrangères à la fonction d'interprète de la personne concernée, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-13 du Code pénal, 11, 43, 52, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer l'annulation du réquisitoire introductif en raison de l'incompétence territoriale du procureur de la République de Versailles ;
" aux motifs que, X... a été mis en examen en vertu du réquisitoire introductif du 27 décembre 1996 pour avoir fait des révélations d'éléments à caractère secret du dossier d'instruction concernant Y... dont il était dépositaire en sa qualité d'avocat ; qu'il ressort des termes mêmes de cette mise en examen que les faits étaient reprochés à un auxiliaire de justice à l'occasion de l'exercice de son ministère au tribunal de grande instance de Versailles, juridiction où les éléments à caractère secret du dossier auquel il était fait référence étaient par ailleurs celés ; qu'ainsi, l'ouverture de l'information audit tribunal n'a pas excédé les règles de compétence territoriale fixées par les articles 43 et 52 du Code de procédure pénale ;
" 1o Alors qu'en application de l'article 43 du Code de procédure pénale dont les dispositions doivent être strictement respectées à peine de nullité de la procédure, sont compétents le procureur de la République du lieu de l'infraction, celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'infraction, celui du lieu d'arrestation d'une de ces personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause ; qu'en matière de violation du secret professionnel, délit instantané, le lieu de l'infraction est nécessairement localisé soit au lieu d'émission de la révélation, soit au lieu de la réception de la révélation ; qu'en l'espèce, le lieu de l'émission des révélations prétendument illicites était incontestablement celui du poste téléphonique de Me X... à Paris et le lieu de réception était celui du poste téléphonique de Z... à Courbevoie en sorte qu'étaient seuls territorialement compétents pour exercer des poursuites par référence à la localisation de l'infraction, les procureurs de la République de Paris et de Nanterre ;
" 2o Alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 226-13 du Code pénal et 11 du Code de procédure pénale que le secret professionnel, entité immatérielle dont seules les personnes sont dépositaires, échappe à toute localisation dans l'espace et que, dès lors, en localisant le lieu de l'infraction à Versailles et le lieu où était entreposé le dossier d'instruction, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ;
Attendu que X..., en se prévalant d'une méconnaissance des règles de compétence territoriale prescrites aux articles 43 et 52 du Code de procédure pénale, a, par ailleurs, demandé l'annulation du réquisitoire introductif du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles et de l'ordonnance du président de ce tribunal portant désignation du juge d'instruction ; qu'il a fait valoir que le ressort de cette juridiction n'était ni celui où le délit incriminé avait été consommé, ni celui de sa résidence ;
Que, pour écarter la requête en nullité, la chambre d'accusation énonce qu'il est reproché au demandeur la révélation d'éléments extraits du dossier de l'information concernant Y..., couverts par le secret dont il était dépositaire en sa qualité d'avocat ; que les faits poursuivis auraient été commis par un auxiliaire de justice à l'occasion de son ministère au tribunal de grande instance de Versailles, juridiction où la procédure d'instruction était tenue secrète ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui font apparaître que l'un des éléments constitutifs du délit reproché au demandeur se situe dans le ressort du tribunal de grande instance de Versailles, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° AVOCAT - Correspondance avec son client - Liberté de communication - Ecoutes téléphoniques d'un proche de la personne mise en examen - Interception des communications avec l'avocat - Possibilité.

1° DROITS DE LA DEFENSE - Ecoutes téléphoniques - Instruction - Mise sous écoutes téléphoniques d'un proche de la personne mise en examen - Interception des communications avec l'avocat - Possibilité 1° INSTRUCTION - Pouvoirs du juge - Ecoutes téléphoniques - Mise sous écoutes téléphoniques d'un proche de la personne mise en examen - Interception des communications avec l'avocat - Possibilité.

1° La liberté de communication entre l'avocat et son client, qui entraîne l'interdiction d'intercepter les correspondances ou les communications téléphoniques qu'ils échangent, ne fait pas obstacle à ce que le juge d'instruction, après avoir placé sous écoutes téléphoniques le domicile d'un proche d'une personne mise en examen, intercepte les communications de ce dernier avec l'avocat de cette personne(1).

2° COMPETENCE - Compétence territoriale - Secret professionnel - Lieu où a été commis un des éléments constitutifs du délit - Divulgation du secret par téléphone.

2° SECRET PROFESSIONNEL - Violation - Avocat - Divulgation du secret par téléphone - Lieu où a été commis un des éléments constitutifs du délit - Compétence territoriale du Procureur de la République 2° AVOCAT - Secret professionnel - Violation - Divulgation du secret par téléphone - Lieu où a été commis un des éléments constitutifs du délit - Compétence territoriale du Procureur de la République.

2° Le procureur de la République est territorialement compétent lorsqu'un des éléments constitutifs du délit est commis dans son ressort. En cas de révélation téléphonique, par un auxiliaire de justice, d'éléments extraits du dossier d'une information, couverts par le secret dont il est dépositaire à l'occasion de son ministère d'avocat au sein de la juridiction où la procédure d'instruction est tenue secrète, le procureur de la République de ce tribunal est compétent.


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 43, 52
Loi 71-1130 du 91 décembre 1971 art. 66-5

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (chambre d'accusation), 25 mars 1997

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1994-05-10, Bulletin criminel 1994, n° 180, p. 409 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1997-10-08, (rejet), inédit.


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 30 sep. 1998, pourvoi n°98-81951, Bull. crim. criminel 1998 N° 243 p. 703
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1998 N° 243 p. 703
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Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 30/09/1998
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 98-81951
Numéro NOR : JURITEXT000007068574 ?
Numéro d'affaire : 98-81951
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1998-09-30;98.81951 ?
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