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20/05/1998 | FRANCE | N°96-19276

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 20 mai 1998, 96-19276


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la commune de Nantes, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'hôtel de ville, 44000 Nantes, en cassation d'un arrêt rendu le 15 mai 1996 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre), au profit :

1°/ de la compagnie Axa Assurances, dont le siège est l'Européen, ...,

2°/ de M. Patrick X..., demeurant ... Guist'hau, 44000 Nantes, agissant ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession du g

roupe Moulet,

3°/ de la société groupe Moulet Immobilier, société anonyme, dont le sièg...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la commune de Nantes, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'hôtel de ville, 44000 Nantes, en cassation d'un arrêt rendu le 15 mai 1996 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre), au profit :

1°/ de la compagnie Axa Assurances, dont le siège est l'Européen, ...,

2°/ de M. Patrick X..., demeurant ... Guist'hau, 44000 Nantes, agissant ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession du groupe Moulet,

3°/ de la société groupe Moulet Immobilier, société anonyme, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;

La compagnie Axa Assurances a formé, par un mémoire déposé au greffe le 28 avril 1997, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 31 mars 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Villien, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Fromont, Cachelot, Martin, conseillers, M. Nivôse, Mmes Masson-Daum, Boulanger, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Villien, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la commune de Nantes, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la compagnie Axa Assurances, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les deux moyens du pourvoi principal, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mai 1996), qu'en 1985 la société Moulet, maître de l'ouvrage, ayant fait l'objet depuis lors d'un plan de cession, assurée par la compagnie Axa Assurances, a entrepris l'édification d'un groupe d'immeubles à proximité d'une rivière dont les berges appartiennent à la commune de Nantes;

que pendant les travaux un glissement de terrain a endommagé ces berges;

que la commune a assigné le maître de l'ouvrage et l'assureur en réparation de son préjudice ;

Attendu que la commune de Nantes fait grief à l'arrêt de déclarer la société Moulet responsable du dommage dans la seule proportion de 80 % alors, selon le moyen "1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs et que la cour d'appel s'est contredite en relevant d'abord que "le 11 mars 1986 (la ville de Nantes) acquérait" la bande de terrain située entre la Sèvre et le terrain objet de l'opération immobilière du groupe Moulet, et en retenant ensuite que la ville de Nantes aurait vendu le terrain litigieux pour déclarer que la ville se devait soit d'entreprendre des travaux confortatifs "avant de vendre", soit de "repousser la vente pour les faire ou à tout le moins d'aviser l'acheteur de l'existence du danger";

qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

2°/ que la ville de Nantes faisait clairement valoir dans ses écritures d'appel qu'elle avait acquis, par acte administratif du 13 mars 1986, la bande de terrain longeant la Sèvre, auprès de la société groupe Moulet ;

que les défendeurs n'ont jamais contesté dans leurs écritures ce fait dès lors constant;

qu'en retenant que la ville de Nantes aurait eu la qualité de "vendeur" pour lui reprocher d'avoir omis de procéder à des travaux confortatifs ou encore de pas avoir avisé l'acheteur d'un danger au seul titre d'un manquement à ses prétendues obligations de vendeur, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile;

3°/ qu'en imputant à la ville de Nantes le fait d'avoir créé une situation dangereuse en omettant de procéder à des travaux confortatifs préalables à la survenance du sinistre, sans constater, ni même rechercher comme il lui était demandé, si les "travaux effectués" par la société Moulet constituaient un risque normal et prévisible, ce que ses constatations relatives aux fautes commises par cette société et constituant le seul facteur déclenchant de l'effondrement du terrain excluaient au contraire, l'arrêt attaqué n'a pas caractérisé la faute de la ville de Nantes, et il a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil;

4°/ qu'en retenant que la ville de Nantes aurait contribué à la production de son dommage au seul motif que la prédisposition d'instabilité des berges ne serait pas indifférente à la survenance du sinistre, après avoir constaté que le coefficient de sécurité initial des berges, soit leur instabilité originaire, n'était pas suffisant pour entraîner le glissement de terrain survenu le 11 juin 1987 et produit par les remblaiements malencontreux effectués par la société Moulet, la cour d'appel a seulement relevé que la faute imputée à la ville de Nantes pour ne pas avoir procédé à des travaux confortatifs avant le sinistre avait permis sa réalisation, sans caractériser l'existence d'un lien de causalité entre la faute imputée à la ville de Nantes et le glissement de terrain provoqué par la faute imputée à la société groupe Moulet, en violation de l'article 1382 du Code civil ;" Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que la commune de Nantes, propriétaire des berges de la rivière, était responsable de leur état et de leur entretien, que si le coefficient de sécurité des rives déterminé par l'expert avait été égal ou supérieur à 1,5, au lieu d'être de 1,10 à 1,30, les travaux de la société Moulet n'auraient entraîné aucun sinistre, le talus ayant alors une résistance suffisante pour absorber la charge supplémentaire, et que la commune n'avait pas fait procéder aux travaux confortatifs nécessaires, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche sur la prévisibilité du risque, que ses constatations rendaient inopérante, et qui a caractérisé le lien de causalité entre la faute de la commune de Nantes et la survenance du dommage, a pu retenir, sans modifier l'objet du litige et abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, que la responsabilité de cette commune était partiellement engagée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la compagnie Axa Assurances fait grief à l'arrêt de déclarer la société Moulet responsable à 80 % du glissement de terrain, alors, selon le moyen, "d'une part, que l'obligation légale d'entretien à laquelle est tenu le propriétaire des berges d'une rivière emporte le devoir de procéder à des travaux confortatifs lorsque la stabilité du sol est inférieure aux normes minimales de sécurité;

que, dès l'instant où il était acquis aux débats que les berges appartenant à la ville de Nantes n'avaient fait l'objet d'aucun entretien nonobstant leur "instabilité latente", la cour d'appel se devait de considérer que ce manquement constituait la cause exclusive du sinistre, peu important à cet égard la réalisation d'un talus par la société Moulet lequel n'a fait que révéler une réaction mécanique dont le déclenchement était inéluctable;

qu'en limitant dès lors à 20 % la responsabilité de la ville de Nantes dans la réalisation du sinistre, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code Civil;

d'autre part, qu'en sa qualité de propriétaire des berges dont le mauvais état préexistant à la réalisation du talus par la société Moulet n'était pas contesté, la ville de Nantes aurait de toute façon été contrainte de procéder à des travaux de réfection;

qu'en ne recherchant pas s'il n'y avait pas identité entre les travaux dont elle demandait remboursement et ceux qu'elle aurait exposés du fait de l'instabilité latente des terrains et de la nécessité de les rendre conformes aux normes minimales de sécurité, ce dont il résultait que la faute prétendument commise par la société Moulet, à la supposer établie, était sans lien de causalité avec le préjudice financier de la ville de Nantes, laquelle aurait été dans tous les cas légalement tenue d'en assurer la charge en sa qualité de propriétaire et de gestionnaire du domaine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que la société Moulet avait commis la faute de procéder à des remblaiements ayant aggravé l'instabilité des rives et entraîné leur rupture, constituant ainsi le facteur déclenchant du glissement de terrain, et constaté que les travaux à exécuter étaient indispensables à la stabilisation du talus, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu retenir que cette faute qui avait contribué à l'apparition du dommage engageait la responsabilité de la société Moulet dans une proportion qu'elle a souverainement appréciée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la commune de Nantes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


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