AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société CDE France, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 8 juin 1993 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre sociale), au profit de M. Christian X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 1er octobre 1996, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Le Roux-Cocheril, conseiller rapporteur, Mme Aubert, M.
Chagny, conseillers, Mmes Pams-Tatu, Girard-Thuilier, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. Le Roux-Cocheril, conseiller, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société CDE France, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 juin 1993), que M. X..., engagé le 8 juillet 1986, par la société Hyperoutillage, en qualité de vendeur en camion, puis, le 1er septembre 1989, en qualité de responsable de magasin, par la société CDE (la société) a été licencié pour faute grave par cette dernière le 10 septembre 1990 et a saisi la juridiction prud'homale;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, d'une part, que ne constitue pas la sanction d'un même fait la lettre de licenciement qui, se référant à trois avertissements successifs, sanctionne la persistance d'un comportement et de manquements du salarié, de sorte qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué a violé l'article L. 122-44 du Code du travail ;
et alors, d'autre part, qu'il résulte des propres conclusions de M. X... qu'aucun fait nouveau n'était intervenu depuis le dernier avertissement, mais aucunement que les mêmes faits n'aient pas persisté, de sorte qu'en s'abstenant de procéder à une telle recherche, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que la société n'avait, dans la lettre de notification du licenciement, laquelle fixe les limites du litige, invoqué aucun manquement professionnel commis postérieurement au dernier avertissement, a exactement énoncé que les faits reprochés au salarié, déjà sanctionnés, ne pouvaient l'être à nouveau par une décision de licenciement; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le second moyen :
Attendu que la société reproche encore à l'arrêt d'avoir considéré que M. X... pouvait prétendre à une ancienneté remontant à la date de son embauche par la société Hyperoutillage, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte de la lettre de licenciement adressée en recommandé et versée aux débats que M. X... avait été licencié le 25 août 1989 suivant lettre avec accusé de réception du 29 août 1989, de sorte qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt a dénaturé ladite lettre et violé l'article 1134 du Code civil; qu'au surplus, en n'indiquant pas en quoi "il ne serait établi" que ladite lettre ne serait pas parvenue à M. X..., l'arrêt se trouve derechef privé de toute base légale au regard de l'article 1315 du Code civil; alors, d'autre part, qu'en considérant que M. X... avait travaillé sous la subordination de la société Hyperoutillage et de la société CDE, bien qu'il n'existât aucun lien de droit ou de dépendance économique entre ces deux sociétés, aucun lien de subordination à l'égard de la société Hyperoutillage pendant la durée du contrat de travail de M. X... au sein de la société CDE, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil; qu'au surplus, en déduisant du seul versement de salaires et de la remise de bulletins de paye, l'existence d'un lien de subordination, l'arrêt attaqué a derechef privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté, hors toute dénaturation, que le contrat de travail du salarié avec la société Hyperoutillage n'avait pas été rompu, que les sociétés étaient étroitement imbriquées et que le salarié avait continué à travailler sous le contrôle du même dirigeant à la vente des mêmes marchandises; qu'elle a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, qu'il y a eu continuité du même contrat de travail et maintien de l'ancienneté du salarié; que le moyen ne peut être accueilli;
Sur la demande de M. X... d'application de l'article 628 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que M. X... réclame une indemnité sur le fondement de cet article;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 628 du nouveau Code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
REJETTE également la demande de M. X... sur le fondement de l'article 628 du nouveau Code de procédure civile;
Condamne la société CDE France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société CDE France à payer à M. X... la somme de 5 000 francs;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre mil neuf cent quatre-vingt-seize.